dimanche 1 novembre 2009

Banque et éthique

« Jamais dans le domaine de l’activité financière, autant d’argent n’a été dû par si peu de gens pour autant de personnes* ». En paraphrasant subtilement Winston Churchill, Mervyn King, le gouverneur de la banque d’Angleterre, a ainsi ouvertement critiqué les banques dans leur gestion de l’après-crise et leur incapacité de se réformer d’elles-mêmes. Lors de son récent discours à Edinbourg, le banquier central britannique est allé au bout de son raisonnement et a appelé à la séparation entre banques de détail et banques d’investissement.
La proposition semble radicale et sera certainement confrontée à beaucoup de résistance mais le ton adopté par Mervyn King n’est pas celui de la complaisance. Il prouve surtout que l’heure de la réforme est venue. Maintenant que les marchés financiers semblent avoir récupéré et que les banques recapitalisées sont en mesure de rembourser les gouvernements et même de se payer des bonus, les autorités politiques et financières vont s’atteler à la tâche de la refonte du système bancaire.
La séparation que réclame Mervyn King est très difficile à mettre en œuvre puisque cela impliquerait en pratique qu’une banque commerciale ne pourra acquérir des actifs en dehors des prêts qu’elle accorde à ses clients. Contrôler ce genre de séparation risque d’être contre-productif et limiterait l’efficacité des banques. N’empêche que les banques, d’une manière générale, se verront imposer des exigences de capitalisation plus strictes.
D’après Mohammed El Erian, directeur général et responsable des investissements chez Pimco (premier gestionnaire d’actifs revenus fixes dans le monde), cette étape de recadrage des rôles des banques est cruciale pour préparer une sortie durable de la crise. Dans une tribune publiée au Financial Times, M. El Erian articule son argumentaire autour de quelques idées centrales. En premier lieu, les banques ne sont pas assez capitalisées et les ratios minimums en cours ne sont pas suffisants. Ensuite, elles devraient provisionner plus dans les années fastes pour mieux faire face aux crises. En revanche, les institutions qui deviennent trop importantes par leur taille devraient être soumises à plus de régulation, vu le risque systémique qu’elles représentent et last but not least, les consommateurs devraient être mieux protégés. Au regard de la notoriété de M. El Erian, cet argumentaire va être certainement écouté et probablement pris en compte. Résultat : les banques seront plus responsables et moins cavalières dans leur prise de risque. C’est une finance plus éthique et socialement plus efficaces qu’il faudra espérer. Les retours sur investissement de ces nouvelles institutions seraient plus proches de 10% que de 20% à cause des restrictions en capital mais elles rempliront leur rôle économique et social d’une manière plus durable.
Par Omar Mechri
Source: www.leconomiste.com.tn

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