jeudi 28 avril 2011

L'Internet à bon ou à mauvais escient : choix et défis dans un monde connecté

Département d'État
Bureau du porte-parole
Le 15 février 2011

Allocution de la secrétaire d'État Hillary Rodham Clinto
Université George Washington

Washington
Je vous remercie tous vivement. Bonjour. Je suis ravie de me trouver de nouveau sur le campus de l'université George Washington, un endroit où j'ai passé pas mal de temps en des qualités diverses au cours de presque deux décennies maintenant. Je voudrais en particulier remercier le président Knapp et le doyen Lerman de cette occasion de parler d'un sujet très important et qui mérite l'attention des citoyens, des gouvernements, et qui, je le sais, est déjà la cible d'attention. Et peut-être qu'avec mes propos aujourd'hui, nous pourrons entamer un débat beaucoup plus vigoureux qui répondra aux besoins tels que nous les suivons en temps réel sur l'écran de nos télévisions.
Quelques minutes avant minuit, le 28 janvier, l'Internet s'est éteint dans toute l'Égypte. Au cours des quatre jours précédents, des centaines de milliers d'Égyptiens étaient descendus dans la rue pour demander un nouveau gouvernement. Et le monde, à la télévision, sur les ordinateurs portables, sur les téléphones mobiles ou intelligents, les a suivis pas à pas. Les images et les vidéos en provenance d'Égypte ont inondé la Toile. Sur Facebook et Twitter, les journalistes diffusaient des reportages instantanés. Les manifestants coordonnaient leurs activités en ligne. Et des citoyens de toutes tendances partageaient leurs espérances et leurs craintes quant à ce moment crucial de l'histoire de leur pays.
Des millions de personnes de par le monde leur ont répondu en temps réel : « Vous n'êtes pas seuls et nous sommes à vos côtés ». Puis le gouvernement a actionné l'interrupteur. Il a coupé le service de téléphonie mobile, brouillé les transmissions de télévision par satellite et bloqué l'accès à l'Internet pour presque toute la population. Le gouvernement ne voulait pas que les gens communiquent entre eux et il ne voulait pas que la presse communique avec le public. Il ne voulait certainement pas que le monde voie ce qui se passe.
Les événements en Égypte rappellent un autre mouvement de protestation qui s'était produit 18 mois auparavant en Iran et au cours duquel des milliers de personnes avaient manifesté à l'issue d'élections contestées. Les protestataires s'étaient aussi servi de sites Internet pour coordonner leurs activités. Une vidéo filmée au moyen d'un téléphone portable montrait une jeune femme dénommée Neda, tuée par un membre des forces paramilitaires, et en quelques heures, la vidéo était visionnée dans le monde entier.
Les autorités iraniennes, elles aussi, ont eu recours à la technologie. Les Gardiens de la révolution ont donné la chasse à des membres du Mouvement vert en surveillant leurs profils en ligne. Et comme en Égypte, pendant un moment, le gouvernement a entièrement coupé l'Internet et les réseaux de communications mobiles. Après que les autorités eurent effectué des descentes dans les maisons, mené des attaques contre des dortoirs d'universités, procédé à des arrestations en masse et tiré dans la foule, les manifestations prirent fin.
En Égypte, par contre, l'histoire s'est terminée différemment. Les manifestations se sont poursuivies malgré la coupure de l'Internet. Les citoyens ont organisé des rassemblements en distribuant des pamphlets, ou en se passant le mot, ou encore en utilisant des modems commutés et des télécopieurs pour communiquer avec le reste du monde. Après cinq jours, le gouvernement a cédé et l'Égypte était de nouveau en ligne. Les autorités ont ensuite tenté de se servir de l'Internet pour maîtriser les manifestations en donnant l'ordre aux fournisseurs de service mobile de transmettre des messages textos pro-gouvernementaux, et en arrêtant des blogueurs et ceux qui organisaient les rassemblements en ligne. Mais 18 jours après le début de l'agitation, le gouvernement avait échoué et le président devait démissionner.
Ce qui s'est passé en Égypte et ce qui s'est passé en Iran, où les autorités ont de nouveau recours à la violence contre les manifestants qui revendiquent leurs libertés fondamentales, se rapportent à beaucoup plus qu'à l'Internet. Dans chacun de ces cas, les citoyens ont organisé des manifestations en raison de leurs profondes frustrations quant à leurs conditions de vie politiques et économiques. Ils se sont dressés, ils ont marché et scandé et les autorités les ont poursuivis, leur ont bloqué le chemin et les ont arrêtés. L'Internet n'a rien fait de tout cela ; les gens l'ont fait. Dans les deux pays, l'usage de l'Internet, que ce soit par les citoyens ou par les autorités, reflète l'aspect puissant des technologies de connexion, d'un côté en tant qu'accélérateur du changement politique, social et économique, et de l'autre, comme moyen de répression ou de suppression du changement.

Un débat est en cours dans certains milieux pour savoir si l'Internet est une force de libération ou de répression. Mais je pense que ce débat est en grande partie hors de propos. L'Égypte n'inspire pas les gens parce qu'ils ont communiqué entre eux par le biais de Twitter. Elle les inspire parce que ses citoyens se sont serré les coudes et ont persisté avec leurs revendications pour un avenir meilleur. L'Iran n'est pas un mauvais pays parce que les autorités ont utilisé Facebook pour surveiller et capturer des membres de l'opposition. Il l'est parce que son gouvernement bafoue régulièrement les droits de la population.
Ce sont donc nos valeurs qui font que ces actes soit nous inspirent soit nous révoltent : notre sens de la dignité humaine, les droits qui en découlent, et les principes sur lequel il se fonde. Et ce sont ces valeurs qui doivent nous pousser à réfléchir à la voie devant nous. Deux milliards de personnes ont aujourd'hui accès à l'Internet, près d'un tiers de l'humanité. Nous venons de toutes les régions du monde, vivons sous toutes formes de gouvernement, et souscrivons à tous systèmes de croyances. Et de plus en plus souvent, nous nous tournons vers l'Internet pour les aspects importants de notre vie.
L'Internet est devenu l'espace public du XXIe siècle, la place publique du monde, sa salle de classe, son marché, son café et sa boîte de nuit. Ce qui se passe sur l'Internet nous façonne autant que nous le façonnons, les deux milliards d'entre nous et ceux qui viennent s'y ajouter. Et cela présente un défi. Pour maintenir un Internet qui offre le plus d'avantages possibles au monde, nous devons avoir un dialogue sérieux sur les principes qui nous guideront, quelles règles doivent exister ou non, et pourquoi, quels comportements nous devrons encourager ou décourager, et comment.
Le but ne saurait être de dire aux gens comment utiliser l'Internet comme on ne saurait leur dire à quelles fins utiliser la place publique, qu'il s'agisse de la Place Tahrir ou Times Square. La valeur de ces espaces découle de la variété d'activités que les citoyens peuvent y mener, qu'il s'agisse d'organiser un rassemblement, de vendre des légumes ou encore d'avoir un entretien personnel. Ces espaces fournissent un forum ouvert, et c'est ce qu'est l'Internet. Il n'est au service d'aucun ordre du jour particulier et ne doit jamais l'être. Mais si les gens du monde entier vont se retrouver tous les jours en ligne, nous devons alors avoir une vision commune pour nous guider afin qu'ils aient une expérience productive en sécurité.

Il y a un an, j'ai offert un point de départ pour cette vision en appelant à un engagement mondial en faveur de la liberté d'Internet, afin de protéger les droits de l'homme en ligne comme nous le faisons ailleurs. Les droits des individus à exprimer leurs points de vue, de pétitionner auprès de leurs dirigeants, de pratiquer la religion de leur choix - ces droits sont universels, qu'ils s'exercent sur la place publique ou dans un blogue individuel. Les libertés de réunion et d'association s'appliquent aussi au cyberespace. De nos jours, les gens sont tout aussi enclins à se réunir en ligne pour partager des intérêts communs qu'à le faire dans une église ou une salle de syndicat.
Prises toutes ensemble, les libertés d'expression, de réunion et d'association en ligne forment ce que j'ai baptisé la liberté de connexion. Les États-Unis appuient cette liberté pour les peuples du monde entier, et nous avons exhorté les autres pays à en faire autant. Et ce, parce que nous voulons qu'ils aient tous la possibilité d'exercer cette liberté. Nous appuyons aussi les mesures visant à accroître le nombre de personnes qui ont accès à l'Internet. Et du fait que l'Internet doit fonctionner de manière régulière et fiable pour avoir de la valeur, nous soutenons le système qui le gouverne actuellement et qui donne un rôle aux multiples parties prenantes, un système qui a réussi à le maintenir en opération malgré toutes sortes d'interruptions à travers les réseaux, les frontières et les régions.
Dans l'année écoulée depuis mon discours, les gens dans le monde entier ont continué à utiliser l'Internet pour trouver des solutions à leurs problèmes communs et pour mettre au jour la corruption dans le secteur public - des populations en Russie qui ont suivi la multiplication des incendies de forêts et ont créé une équipe de sapeurs-pompiers bénévoles, aux enfants en Syrie qui ont utilisé Facebook pour révéler les abus infligés par leurs enseignants, ou encore à la campagne en ligne menée en Chine pour aider des parents à retrouver leurs enfants portés disparus.
En même temps, l'Internet continue de faire l'objet de toutes sortes de restrictions. En Chine, le gouvernement censure le contenu et redirige les recherches en ligne vers des pages vides. En Birmanie, des sites d'actualités indépendants ont été paralysés par des attaques de déni de service. À Cuba, le gouvernement cherche à créer un intranet national qui empêcherait ses citoyens d'avoir accès à l'Internet mondial. Au Vietnam, les blogueurs qui critiquent le gouvernement sont arrêtés et soumis à des sévices. En Iran, les autorités bloquent les sites de l'opposition et des médias, ciblent ceux de réseautage social, et volent les informations qui leur permettent d'identifier leurs citoyens pour les traquer.
Ces actes reflètent un environnement complexe et combustible, et qui le deviendra certainement plus dans les années à venir alors que des milliards d'autres personnes se connectent à l'Internet. Les choix que nous faisons aujourd'hui détermineront l'allure qu'aura l'Internet dans l'avenir. Les entreprises auront à décider si elles veulent entrer sur des marchés où la liberté d'Internet est limitée, et comment le faire. Les particuliers devront décider comment agir en ligne, quelles informations partager et avec qui, quelles idées exprimer et comment. Les gouvernements devront choisir de respecter leur engagement de protéger les droits de libre expression, de réunion et d'association.

Pour les États-Unis, le choix est clair. À l'égard de la liberté d'Internet dans son ensemble, nous sommes du côté de l'ouverture. Nous reconnaissons toutefois qu'un Internet ouvert s'accompagne de défis. Il nécessite des règles de base pour protéger l'usager contre les comportements nocifs et les dangers. Et la liberté d'Internet crée des tensions comme le font toutes les libertés. Mais nous sommes convaincus que les avantages l'emportent sur les inconvénients.
Et aujourd'hui, j'aimerais discuter de plusieurs défis auxquels nous nous heurtons alors que nous cherchons à protéger et à défendre un Internet libre et ouvert. Mais je serai la première à dire que ni moi ni le gouvernement des États-Unis n'avons la réponse. Nous ne sommes pas sûrs d'avoir toutes les questions. Mais nous sommes déterminés à poser des questions, à contribuer à mener un dialogue, et à défendre non seulement les principes universels mais aussi les intérêts de nos citoyens et de nos partenaires.
Le premier défi consiste à assurer à la fois la liberté et la sécurité. La liberté et la sécurité sont souvent présentées comme étant égales et opposées ; plus on a de l'une, moins on a de l'autre. En fait, je pense qu'elles sont mutuellement dépendantes. Sans sécurité, la liberté est fragile. Sans liberté, la sécurité est oppressive. Le défi consiste à trouver la juste mesure : assez de sécurité pour soutenir nos libertés, mais ni trop ni trop peu pour les mettre en danger.
Or, réaliser cette juste mesure pour l'Internet est un impératif crucial, car les qualités qui font de l'Internet un instrument puissant de progrès sans précédent - son ouverture, son effet d'égalisation, sa portée et sa rapidité - permettent également des méfaits à une échelle sans précédent. Des terroristes et des groupes extrémistes emploient l'Internet pour recruter des membres et pour ourdir et exécuter des attaques. Des trafiquants de personnes s'en servent pour trouver et attirer de nouvelles victimes de l'esclavage moderne. Les producteurs de pornographie enfantine l'utilisent pour exploiter des enfants. Des cyberpirates s'introduisent dans des institutions financières, dans des réseaux de téléphonie mobile et dans des courriers électroniques personnels.
Il nous faut donc des stratégies judicieuses pour combattre ces menaces et d'autres sans restreindre l'ouverture qui est le premier attribut de l'Internet. Les États-Unis s'emploient vigoureusement à dépister et à dissuader les criminels et les terroristes en ligne. Ils investissent dans la cybersécurité, tant pour prévenir les incidents que pour en atténuer l'effet. Ils coopèrent avec d'autres pays au combat contre la criminalité transnationale en ligne. Le gouvernement des États-Unis consacre des ressources à aider d'autres pays à renforcer leur capacité à appliquer leurs lois. Il a également ratifié la Convention de Budapest sur la cybercriminalité, qui énonce les mesures à prendre afin d'assurer que l'Internet n'est pas utilisé à mauvais escient par des criminels et des terroristes, tout en protégeant les libertés citoyennes.
Dans ces efforts énergiques que nous déployons en vue de prévenir des attaques ou d'appréhender des criminels, nous maintenons notre attachement aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales. Les États-Unis n'auront pas de cesse qu'ils n'aient mis fin au terrorisme et aux activités criminelles en ligne et hors ligne et, dans ces deux sphères, ils sont résolus à poursuivre ces objectifs dans le respect de leurs lois et de leurs valeurs.
D'autres pays ont adopté une approche différente. On invoquera souvent la sécurité pour justifier la répression sévère des libertés. Sans être particulière à l'ère numérique, cette tactique a des implications nouvelles en ce que l'Internet fournit aux pouvoirs publics de nouveaux moyens de traquer et de punir les défenseurs des droits de l'homme et les opposants politiques. Les gouvernements qui arrêtent des blogueurs, qui surveillent les activités non violentes de leurs citoyens et qui limitent leur accès à l'Internet peuvent prétendre vouloir garantir la sécurité. En fait, ils pourraient même le croire sérieusement, d'après la façon dont ils la définissent. Mais ils font fausse route. Ceux qui répriment la liberté de l'Internet pourront peut-être refouler la pleine expression des aspirations populaires pendant quelque temps, mais pas pour toujours.

Le deuxième défi a trait à la protection à la fois de la transparence et de la confidentialité. La vigoureuse culture de transparence de l'Internet puise sa force dans l'instantanéité d'accès à toutes sortes d'information. Mais outre le fait d'être un espace public, l'Internet est aussi un canal de communications privées. Pour que cela reste ainsi, il est nécessaire de protéger les communications confidentielles en ligne. Pensez à toutes les façons dont les individus et les organismes comptent sur la confidentialité des communications pour faire leur travail. Les entreprises entretiennent des conversations confidentielles lorsqu'elles développent de nouveaux produits pour conserver leur avantage concurrentiel. Les journalistes maintiennent la confidentialité de certaines sources afin de protéger ces dernières de toute divulgation d'identité ou de représailles. Et les gouvernements comptent, eux aussi, sur la confidentialité de leurs communications en ligne et hors ligne. L'existence des techniques de connexion peut compliquer le maintien de la confidentialité, mais elle n'en diminue nullement le besoin.
Je le sais, depuis quelque mois le débat fait rage au sujet de la confidentialité des communications officielles, à cause de Wikileaks, mais c'est, à nombre d'égards, un faux débat. À la base, l'incident de Wikileaks a commencé par un vol. Des documents du gouvernement ont été volés, comme si on les avait fait passer en fraude dans une serviette. D'aucuns ont estimé que ce vol se justifiait puisque les pouvoirs publics ont le devoir d'exercer leurs fonctions ouvertement et en pleine vue de leurs citoyens. Permettez-moi d'exprimer mon désaccord. Les États-Unis seraient incapables d'assurer la sécurité de leurs citoyens et de promouvoir la cause des droits de l'homme et de la démocratie dans le monde s'ils devaient rendre publique chaque étape de leurs travaux. La confidentialité des communications permet à notre gouvernement de faire des choses qu'il ne pourrait pas faire autrement.
Considérez notre collaboration avec les anciens États soviétiques en vue de mettre en lieu sûr des matières nucléaires mal sécurisées. En maintenant la confidentialité des détails y afférents, nous réduisons le risque que des terroristes ou des criminels trouvent ces matières nucléaires et les volent pour leurs propres fins. Considérez encore le contenu des documents que Wikileaks a rendus publics. Sans commenter sur l'authenticité de l'un quelconque de ces écrits, nous pouvons constater que nombre des communications révélées par Wikileaks se rapportent à des travaux réalisés de par le monde en matière de droits de l'homme. Nos diplomates collaborent étroitement avec des militants, des journalistes et des particuliers en vue de dénoncer les méfaits de gouvernements oppressifs. C'est un travail dangereux. En publiant des messages diplomatiques, Wikileaks a exposé des gens à des risques encore plus graves.
S'agissant d'opérations de ce genre, la confidentialité est essentielle, surtout à l'ère de l'Internet où des renseignements dangereux peuvent circuler dans le monde entier en un clic de clavier. Mais c'est évident, les gouvernements ont aussi un devoir de transparence. Nous gouvernons avec le consentement du peuple et ce consentement doit être informé et significatif. Aussi devons-nous bien réfléchir avant de poursuivre telle activité à l'insu du public, et réexaminer fréquemment nos principes afin d'en assurer la rigueur. Aux États-Unis, nous avons des lois conçues pour garantir que le gouvernement divulgue ses activités au public, et le gouvernement Obama a en outre lancé une initiative sans précédent visant à placer des informations officielles en ligne, à encourager la participation citoyenne et à accroître d'une façon générale l'ouverture du gouvernement.
L'aptitude du gouvernement américain à protéger la nation, à assurer les libertés du peuple et à promouvoir les droits et les libertés des autres peuples du monde dépend du maintien d'un équilibre entre ce qui doit appartenir au domaine public et ce qui doit rester en dehors. La balance doit toujours pencher en faveur de l'ouverture, mais la déséquilibrer complètement ne sert les intérêts de personne. Je voudrais m'expliquer clairement : j'ai dit qu'à la base, l'incident de Wikileaks a commencé par un vol, exactement comme si on avait fait passer des documents en fraude dans une serviette. Le fait que Wikileaks se soit servi de l'Internet n'est pas la raison pour laquelle nous critiquons ses actions. Wikileaks ne remet nullement en cause notre attachement à la liberté de l'Internet.
Un dernier mot à ce sujet : des informations ont circulé, dans les jours qui ont suivi ces fuites, que le gouvernement des États-Unis est intervenu pour contraindre des entreprises privées à priver Wikileaks de leurs services. Il n'en est rien. Il est vrai que certains politiciens et politologues ont publiquement demandé à ces entreprises de se dissocier de Wikileaks, tandis que d'autres les ont critiquées pour l'avoir fait. Nos responsables de la fonction publique participent, comme il se doit, aux débats publics de notre pays, mais il y a une distinction à marquer entre l'expression d'une opinion et un comportement coercitif. Les décisions commerciales qu'ont pu prendre des sociétés privées en application de leurs propres règles ou valeurs à l'égard de Wikileaks n'ont pas été prises sur les ordres du gouvernement Obama.

Un troisième défi consiste à protéger la liberté d'expression tout en encourageant la tolérance et la civilité. Je n'ai pas besoin d'expliquer à cet auditoire que l'Internet renferme toutes les variétés de discours : mensonger, offensant, incendiaire, inventif, véridique, magnifique.
La multitude d'opinions et d'idées qui s'amassent dans l'Internet est à la fois le résultat de son ouverture et le reflet de notre diversité humaine. En ligne, chacun a une voix. Et la Déclaration universelle des droits de l'homme défend la liberté d'expression de tous. Mais ce que nous disons a des conséquences. Des paroles haineuses ou diffamatoires peuvent enflammer des hostilités, approfondir des divisions et provoquer la violence. Dans l'Internet, ce pouvoir est surmultiplié. Un discours intolérant est souvent amplifié et impossible à rétracter. Naturellement, l'Internet fournit également un lieu idéal permettant aux gens de surmonter leurs divergences et de renforcer la confiance et la compréhension.
Certains jugent que, pour encourager la tolérance, certaines idées haineuses devraient être étouffées par les gouvernements. À notre avis, les tentatives visant à restreindre le contenu du discours ont rarement réussi et sont souvent devenues des prétextes pour violer la liberté d'expression. Au contraire, comme l'histoire l'a montré maintes et maintes fois, la meilleure réponse à un discours hargneux, c'est davantage de discours. On peut et on doit s'élever contre l'intolérance et la haine. Quand les idées sont exposées à la critique, celles qui ont du mérite ont tendance à s'en trouver renforcées, tandis que les idées faibles ou erronées ont tendance à disparaître ; sinon tout de suite, du moins à la longue.
Maintenant, cette approche ne discréditera pas immédiatement toute idée haineuse ni ne persuadera tout fanatique de changer d'avis. Mais nous avons conclu, en tant que société, qu'elle est bien plus efficace que n'importe quelle autre. Supprimer de l'écrit, bloquer du contenu, arrêter des gens qui s'expriment : toutes ces actions suppriment des mots, mais ne touchent pas aux idées sous-jacentes. Elles ne font que pousser les gens animés de ces idées vers les extrêmes, où leurs convictions peuvent s'approfondir, à l'abri de toute contestation.
L'été dernier, Hannah Rosenthal, l'envoyée spéciale des États-Unis chargée d'observer et de combattre l'antisémitisme, s'est rendue à Dachau et à Auschwitz accompagnée d'une délégation d'imams et autres personnalités musulmanes des États-Unis. Nombre d'entre eux avaient nié l'Holocauste et aucun n'en avait jamais dénoncé la négation. Mais après avoir vu ces camps de concentration, ils se sont dits disposés à considérer un point de vue différent. Ce voyage a eu un effet réel. Ils ont prié ensemble, ils ont signé des messages de paix, et beaucoup de ces messages inscrits dans les livres des visiteurs étaient rédigés en arabe. À la fin de leur tournée, ils ont lu une déclaration qu'ils avaient écrite et signée ensemble condamnant sans réserve le négationnisme et toute autre forme d'antisémitisme.
La confrontation des idées a eu des résultats. Notez que personne n'avait arrêté ces personnalités en raison de leur position antérieure et personne ne leur avait imposé le silence. Leurs mosquées n'avaient pas été fermées. L'État ne les a pas contraints par la force. Ce sont d'autres voix qui les ont interpellés avec des faits. Et leur discours s'est vu confronté à ceux de ces autres personnes.

Les États-Unis, il est vrai, interdisent certains types d'expression conformément à leur droit et à leurs obligations internationales. Nous avons des règles gouvernant la calomnie, la médisance et la diffamation, les discours qui incitent à une violence imminente. Mais nous appliquons ces règles ouvertement et les citoyens ont le droit de faire appel de la manière dont elles ont été appliquées. Nous ne restreignons pas l'expression, même si la majorité des gens la trouvent répugnante. L'histoire, n'est-ce pas, est pleine d'exemples d'idées qui ont été interdites pour des raisons que nous voyons à présent comme erronées. On a puni des gens pour avoir nié le droit divin des rois, ou pour avoir suggéré qu'on traite toutes les personnes également, sans égard à leur race, à leur sexe ou à leur religion. Ces restrictions reflétaient peut-être l'opinion dominante de l'époque et on en voit encore des variations en vigueur dans le monde d'aujourd'hui.
Mais lorsqu'il s'agit de l'expression en ligne, les États-Unis ont décidé de ne pas s'éloigner de leurs principes éprouvés par le temps. Nous demandons à nos citoyens de s'exprimer avec civilité, de reconnaître le pouvoir et la portée que leurs paroles peuvent avoir en ligne. Nous avons vu dans notre propre pays des exemples tragiques des conséquences terribles que peut avoir l'intimidation en ligne. Ceux d'entre nous qui occupent une fonction publique doivent mener par l'exemple, par le ton qu'ils adoptent et par les idées qu'ils défendent. Mais diriger, cela signifie aussi assurer au public la possibilité de faire ses propres choix, plutôt que d'intervenir en vue de les lui supprimer. Nous protégeons la liberté d'expression par la primauté du droit et nous faisons appel à la primauté de la raison pour l'emporter sur la haine.
Certes, il n'est pas aisé de promouvoir ces trois grands principes en même temps. Ils suscitent des tensions et posent des défis. Mais nous n'avons pas à choisir parmi eux. La liberté et la sécurité, la transparence et la confidentialité, la liberté d'expression et la tolérance, voilà les fondements d'une société libre, ouverte et sûre, ainsi que d'un Internet libre, ouvert et sûr, où les droits universels de l'homme sont respectés et qui offre un lieu prometteur de progrès et de prospérité accrus dans le long terme.
Maintenant, certains pays tentent une approche différente, consistant à limiter les droits en ligne et à ériger des cloisons permanentes entre des activités diverses : échanges économiques, discussions politiques, expressions religieuses et interactions sociales. Ils veulent garder ce qu'ils aiment et supprimer ce qu'ils n'aiment pas. Mais ce n'est pas facile. Les moteurs de recherche relient les entreprises à de nouveaux clients ; de même, ils attirent les usagers parce qu'ils livrent et organisent des actualités et des informations. Les sites de réseautage social ne sont pas que des lieux où des amis échangent des photos ; ils permettent aussi d'échanger des points de vue politiques et de mobiliser l'appui à des causes sociales, ou encore d'établir des contacts professionnels pour collaborer à de nouvelles initiatives commerciales.
Les murs qui divisent l'Internet, qui bloquent un contenu politique ou qui interdisent de vastes catégories d'expression, ou qui autorisent certaines formes de rassemblement pacifique mais qui en prohibent d'autres, ou qui intimident les gens pour les empêcher d'exprimer leurs idées sont beaucoup plus faciles à ériger qu'à conserver. Non seulement parce que l'ingéniosité humaine permet de les contourner ou d'y ouvrir une brèche, mais aussi parce qu'il n'y a pas d'Internet économique, d'Internet social et d'Internet politique ; il y a Internet, un point c'est tout. Le maintien de barrières qui tentent de changer cette réalité s'accompagne de toutes sortes de coûts - d'ordre moral, politique et économique. Les pays peuvent éventuellement les absorber à court terme, mais nous ne croyons pas qu'ils puissent le faire à long terme. Il y a des coûts d'opportunité à vouloir l'ouverture quand il est question de commerce, mais la fermeture quand il est question de liberté d'expression : ils se ressentent au niveau du système éducatif, de la stabilité politique, de la mobilité sociale et du potentiel économique.
Les pays qui tronquent la liberté d'Internet placent des limites sur leur avenir économique. Leurs jeunes citoyens n'ont pas pleinement accès aux conversations et aux débats qui ont lieu à travers le monde, ils ne sont pas exposés au type de libre examen qui invite à mettre en question les méthodes d'antan et à en inventer de nouvelles. L'interdiction de critiquer les responsables gouvernementaux prête le flanc à la corruption, laquelle crée des distorsions économiques dont les effets se mesurent au long terme. La liberté de pensée et des règles du jeu équitables que l'État de droit rend possibles font partie de ce qui nourrit l'innovation dans les économies.

L'on ne s'étonnera donc pas que l'European-American Business Council, qui regroupe plus de 70 sociétés, se soit résolument et publiquement prononcé la semaine dernière en faveur de la liberté d'Internet. Une entreprise qui investirait dans un pays où la censure et la surveillance s'exercent de manière musclée courrait le risque que son site Internet soit fermé sans avertissement, que le gouvernement fasse intrusion dans ses serveurs, que ses plans industriels lui soient subtilisés ou ses employés menacés d'être arrêtés ou expulsés pour n'avoir pas suivi une consigne motivée par des considérations politiques. Au vu des risques pour son chiffre d'affaires et son intégrité, il arrivera un moment où le jeu n'en vaudra plus la chandelle, en particulier si le marché offre des possibilités ailleurs.
On a fait remarquer qu'un petit nombre de pays, en particulier la Chine, semblaient faire figure d'exception, en ce sens que le degré de censure d'Internet y est élevé et la croissance économique forte. De toute évidence, beaucoup d'entreprises acceptent les mesures de restriction de l'Internet pour avoir accès à ces marchés, et à court terme, et qui sait à moyen terme, ces gouvernements peuvent effectivement réussir à maintenir le cloisonnement de l'Internet. Mais ces restrictions auront des coûts à long terme qui, tel un nœud coulant, risquent un jour d'étrangler la croissance et le développement.
Il y a aussi des coûts politiques. Prenez le cas de la Tunisie, où l'activité économique en ligne représentait une part importante de ses relations avec l'Europe alors que la censure était comparable à celle qui est pratiquée en Chine et en Iran : il n'a pas été possible d'y maintenir la séparation du volet « économie » de l'Internet de tous les autres volets. Les gens, en particulier les jeunes, ont trouvé des moyens de recourir aux techniques de connexion pour s'organiser et se communiquer leurs doléances, ce qui a alimenté un mouvement qui a tourné au changement révolutionnaire, comme vous le savez. De même en Syrie, le gouvernement s'efforce de négocier une contradiction non négociable. Pas plus tard que la semaine dernière, pour la première fois en trois ans, elle a levé l'interdiction qui frappait Facebook et YouTube, mais hier elle a condamné à cinq ans de prison une adolescente qu'elle avait reconnue coupable d'espionnage en raison des opinions politiques qu'elle avait exprimées sur son blog.
Cela aussi est insoutenable. La demande d'accès aux plateformes d'expression ne peut pas être satisfaite quand on finit en prison parce qu'on les utilise. Nous sommes convaincus que les gouvernements qui ont érigé des barrières à la liberté d'Internet, que celles-ci revêtent la forme de filtres techniques, de régimes de censure ou d'attaques contre ceux qui exercent leur droit de s'exprimer et de se rassembler en ligne, finiront par se trouver pris à leur propre piège. Ils se heurteront au dilemme du dictateur et, de deux choses l'une, ils devront laisser les murs s'écrouler ou alors y mettre le prix pour les empêcher de s'effondrer, ce qui revient à doubler sa mise avec de mauvaises cartes en mains, autrement dit à exercer une oppression plus forte et à subir l'escalade des coûts d'opportunité parce qu'on ne pourra pas profiter des idées qui auront été bloquées ni tirer parti des personnes qui auront été retirées de la circulation.
Je demande au contraire à tous les pays de parier avec nous qu'un Internet ouvert débouchera sur des pays plus robustes et plus prospères. Fondamentalement, ce pari s'inscrit dans le prolongement de celui que les États-Unis tiennent depuis plus de 200 ans, à savoir que les sociétés ouvertes font naître les progrès les plus durables, que l'État de droit forme la base la plus solide pour la justice et la paix et que l'innovation triomphe quand on peut présenter et explorer toutes sortes d'idées. Ce n'est pas un pari sur les ordinateurs ou les téléphones portables. C'est un pari sur les individus. Nous sommes convaincus que, en agissant de concert avec des partenaires au sein des gouvernements et avec les gens du monde entier qui misent avec nous sur le respect des droits universels à la base des sociétés ouvertes, nous préserverons l'Internet en tant qu'espace ouvert à tous ; et que nous en retirerons des avantages à long terme sous la forme de progrès et d'une prospérité partagés. Les États-Unis ne cesseront de promouvoir un Internet où les droits individuels sont protégés, un Internet ouvert à l'innovation, interopérable dans le monde entier, suffisamment sécurisé pour mériter la confiance de ses utilisateurs et suffisamment fiable pour être un outil de travail.

Au cours de l'année écoulée, nous avons eu le plaisir de voir se dessiner une coalition mondiale de pays, d'entreprises, de groupes de la société civile et de militants du numérique qui s'emploient à promouvoir ces objectifs. Nous avons trouvé de solides partenaires parmi plusieurs gouvernements à travers le monde et nous sommes encouragés par l'action de l'Initiative mondiale des réseaux TIC, laquelle réunit des entreprises, des universitaires et des ONG qui travaillent ensemble pour venir à bout des défis auxquels nous nous heurtons, par exemple le comportement à adopter face aux demandes de censure émanant d'un gouvernement, ou la manière de gérer les questions liées à la protection des renseignements personnels dans le contexte de l'informatique en nuage. Nous avons besoin de partenaires solides qui ont pris des engagements fondés sur des principes élevés, des engagements concrets vis-à-vis de la liberté d'Internet tandis que nous nous efforçons ensemble de faire avancer cette cause commune.
Nous nous rendons bien compte que, pour qu'elles aient du sens, les libertés dans l'espace virtuel doivent avoir des prolongements en matière d'activisme dans le monde réel. C'est pourquoi nous œuvrons dans le cadre de notre initiative 2.0 en faveur de la société civile pour mettre à la disposition des ONG et des militants la technologie et la formation qui leur permettront d'accroître leur efficacité d'exécution. De même, nous sommes déterminés à converser avec les gens du monde entier. La semaine dernière, peut-être l'avez-vous entendu dire, nous avons lancé des comptes Twitter en arabe et en farsi, qui viennent s'ajouter à ceux que nous avions déjà en français et en espagnol. Nous allons faire la même chose en chinois, en russe et en hindi. Ceci nous permet d'avoir un dialogue en temps réel avec les gens là où il existe une connexion qui n'est pas bloquée par un gouvernement.
Notre attachement à la liberté d'Internet est un attachement aux droits des peuples, et nous joignons le geste à la parole. Surveiller la liberté de l'Internet, réagir aux menaces qui lui sont faites, tout cela fait désormais partie du travail quotidien de nos diplomates et de nos spécialistes du développement, qui essaient de faire progresser la liberté de l'Internet sur le terrain, dans nos ambassades et missions de par le monde. Là où l'Internet est assujetti à un environnement répressif, les États-Unis aident sans relâche les gens à contourner les filtres, à devancer les censeurs, les pirates de l'informatique et les brutes qui les tabassent ou qui les emprisonnent pour les propos qu'ils ont tenus en ligne.
Si les droits que nous cherchons à protéger et à défendre sont clairs, les diverses manières par lesquelles ils sont enfreints deviennent de plus en plus complexes. On nous a reproché, je le sais, de ne pas investir à fond dans une technologie unique. La vérité, c'est qu'il n'y a pas de solution miracle dans la lutte contre la répression de l'Internet. Il n'existe pas d'« apps » pour cela. (Rires.) Allez, mettez-vous au travail, vous qui vous y connaissez ! (Rires.) Aussi avons-nous adopté une stratégie globale et novatrice, qui associe notre diplomatie à la technologie, à des réseaux sûrs de distribution de nos outils et à un appui direct aux personnes se trouvant sur les lignes de front.
Au cours des trois dernières années, nous avons alloué des subventions de l'ordre de plus de 20 millions de dollars à l'issue d'une procédure de sélection concurrentielle et transparente, fondée notamment sur une évaluation interorganismes par des experts techniques et des spécialistes des politiques, en vue de soutenir un groupe en plein essor de technologues et d'activistes qui sont à la pointe de la recherche sur la lutte contre la répression de l'Internet. Cette année, nous allons octroyer à ce titre un financement supplémentaire de plus de 25 millions de dollars. Nous adoptons une stratégie calquée sur le modèle du secteur capital-risque pour appuyer un portefeuille de technologies, d'outils et de séances de formation, procédant aux adaptations nécessaires à mesure que les usagers se tournent en plus grand nombre vers les dispositifs mobiles. Nous sommes à l'écoute du terrain, nous demandons aux militants du numérique de quoi ils ont besoin, et parce que notre approche est diversifiée elle nous permet de nous adapter à l'éventail des menaces auxquelles ils font face. Nous appuyons une multiplicité d'outils de telle sorte que si des gouvernements répressifs parviennent à en cibler un, nous en utilisons d'autres. Et nous investissons dans la recherche de pointe parce que nous savons que les gouvernements répressifs trouvent constamment de nouvelles méthodes d'oppression et nous comptons bien avoir un temps d'avance sur eux.

De même, nous sommes le fer de lance des démarches visant à renforcer la sécurité dans le cyberespace et l'innovation en temps réel, qu'il s'agisse de construire la capacité dans les pays en développement, de défendre le principe des normes d'ouverture et d'interopérabilité ou de rehausser la coopération internationale face aux cybermenaces. Le ministre adjoint de la défense, William Lynn, a justement prononcé un discours sur ce thème hier. Toutes ces actions s'appuient sur dix années de travail passées à préserver un Internet ouvert, sécurisé et fiable. Au cours de l'année à venir, le gouvernement mènera à bien une stratégie d'envergure internationale concernant le cyberespace, traçant ainsi la voie à suivre pour continuer sur cette lancée.
Il s'agit pour nous d'un dossier prioritaire de politique étrangère et dont l'importance ne cessera de croître au fil des ans. C'est pourquoi j'ai créé l'Office du coordonnateur sur les cyberquestions, qui aura notamment pour mission de travailler sur les questions de cybersécurité et de faciliter la coopération au sein du département d'État et avec d'autres organismes publics. J'en ai confié la direction à Christopher Painter, antérieurement directeur principal chargé de la cybersécurité au Conseil national de la sécurité et un spécialiste de ces questions depuis une vingtaine d'années.
L'augmentation spectaculaire du nombre des internautes ces dix dernières années a été un phénomène remarquable. Mais ce n'était qu'un avant-goût des choses à venir. Durant les vingt prochaines années, près de cinq milliards de personnes vont se joindre au réseau. Ce sont elles qui détermineront l'avenir.
Nous nous livrons donc à un travail de longue haleine. Contrairement à ce qui se passe en ligne, les progrès sur ce front se mesureront en années, et non en secondes. La voie que nous traçons aujourd'hui déterminera si ceux qui viendront après nous pourront connaître la liberté, la sécurité et la prospérité nées d'un Internet ouvert.

Tandis que nous tournons nos regards vers l'avenir, n'oublions pas que la liberté d'Internet ne s'applique pas à une activité particulière en ligne. La liberté d'Internet, c'est garantir que l'Internet demeure un espace où toutes sortes d'activités peuvent avoir lieu, depuis les audacieuses campagnes qui feront date dans l'histoire aux actes banals et modestes de la vie quotidienne.
Nous voulons un Internet ouvert pour que le manifestant habitué aux médias sociaux puisse organiser une marche en Égypte ; pour que l'étudiante suivant des cours à l'étranger puisse envoyer des photos à sa famille ; pour que l'avocat au Vietnam puisse dénoncer la corruption dans son blog ; pour que l'adolescent victime de brimades aux États-Unis puisse trouver une entraide en ligne ; pour que la propriétaire d'une petite entreprise au Kenya puisse gérer ses bénéfices en ayant recours aux services bancaires mobiles ; pour que le philosophe en Chine puisse lire des revues spécialisées avant de rédiger sa dissertation ; pour que la scientifique au Brésil puisse échanger des données en temps réel avec ses collègues à l'étranger ; et pour les milliards de milliards d'interactions qui ont lieu chaque jour sur Internet quand on communique avec des êtres chers, qu'on suit l'actualité, qu'on fait son travail et qu'on participe aux débats qui façonnent le monde.
La liberté d'Internet, c'est défendre l'espace dans lequel toutes ces activités se produisent afin que l'Internet ne soit pas seulement réservé à vous qui êtes ici présents, mais qu'il le soit aussi à ceux, à tous ceux, qui viendront après vous. C'est l'un des grands défis de notre époque. Nous sommes engagés dans une action énergique contre ceux auxquels nous nous sommes de tout temps opposés, ceux qui veulent étouffer et réprimer, ceux qui avancent leur propre version de la réalité et n'acceptent que celle-là. Nous faisons appel à votre aide dans ce combat. C'est un combat pour les droits de l'homme, c'est un combat pour la liberté humaine, c'est un combat pour la dignité humaine.
(Diffusé par le Bureau des programmes d'information internationale du département d'Etat. Site Internet : http://iipdigital.usembassy.gov/iipdigital-fr/index.html)

mardi 26 avril 2011

Tunisie: Le pays est « pessi-optimiste » au sujet de la situation de la libre expression après Ben Ali, constate la mission du TMG de l'IFEX

En dépit de la libération des blogueurs, activistes et journalistes emprisonnés, dont Fahem Boukadous, les menaces à la liberté d’expression et aux autres droits de la personne en Tunisie ne sont pas disparues avec la chute du Président Zine El Abidine Ben Ali, indique une équipe de sept membres du Groupe d’observation de la Tunisie organisé par l’IFEX (TMG de l’IFEX), qui vient tout juste de terminer une mission dans le pays.
Une délégation du TMG de l’IFEX a en effet passé plus d’une semaine à rencontrer des intervenants, tant anciens que nouveaux, et a constaté qu’il faut accorder la priorité à la « garantie et la protection des droits essentiels en cette phase extraordinaire de transition vers la démocratie, surtout à en prévision des élections du 24 juillet ». Les Tunisiens vont élire une nouvelle assemblée nationale, dont la tâche consistera à proposer une nouvelle constitution.
La délégation a pu rencontrer des groupes de la société civile et s’entretenir avec eux, ce qui tranche de manière frappante sur les missions précédentes - quelques-uns de ces groupes peuvent finalement travailler après s’être fait refuser l’enregistrement sous le règne de Ben Ali - ainsi qu’avec des militants des droits de la personne, des journalistes, des blogueurs et des représentants de tout le spectre politique, y compris le Premier ministre par intérim.
Les délégués ne se sont pas sentis suivis ni intimidés comme cela avait été le cas lors des missions précédentes, bien qu’on ait noté un jour la présence d’un policier en civil à l’extérieur des bureaux de l’Observatoire pour la liberté de presse, d’édition et de création (OLPEC), qui est membre de l’IFEX, et du syndicat des journalistes. L’OLPEC rapporte en outre de l’ingérence dans ses communications, et certains journalistes affirment aussi que leurs lignes téléphoniques sont toujours sous écoute.
La délégation a constaté que les menaces concernant la censure et la désinformation sont « toujours très présentes » - même si on remarque une différence importante depuis le 14 janvier : « Les Tunisiens exercent pleinement leurs libertés retrouvées pour dénoncer publiquement ces situations », ont déclaré les sept membres du TMG de l’IFEX.
Après des décennies de répression et de black-out, le TMG de l’IFEX constate la nécessité fondamentale de réforme du secteur des médias et l’état d’esprit « pessi-optimiste » des journalistes à l’approche des élections, surtout étant donné qu’une bonne partie de l’ancienne structure - et de la vieille garde - est toujours en place.

Les médias électroniques et la presse écrite sont toujours en grande partie dirigés par les mêmes personnes mais, par exemple, la soi-disant « presse poubelle » vise la famille de Ben Ali au lieu de ses vieilles cibles d’autrefois, à savoir les militants des droits de la personne et les journalistes indépendants.
Les journalistes et les défenseurs des droits ont lancé un appel à un soutien international continu pendant la période de transition et au-delà, et demandent en particulier de la formation et des ressources.
Le TMG de l’IFEX fait remarquer que les médias sont actuellement « sous-préparés à répondre aux demandes extraordinaires que pose cette période de transition ». Par exemple, l’Instance nationale pour la Réforme de l’Information et de la
communication (INRIC), qui contribuera à l’élaboration d’un nouveau mécanisme chargé de décider de la façon dont seront attribués les permis de radiodiffusion, « n’a pas les ressources nécessaires pour s’acquitter de son rôle d’organe consultatif efficace ». Au début de la mission, l’Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires (AMARC) a organisé avec l’INIIC un atelier sur la réforme des médias.
Boukadous accueille favorablement les efforts du TMG de l’IFEX déployés en son nom. « Grâce à vous, Ben Ali n’a pas tué des dizaines de militants. Le TMG de l’IFEX et le soutien international ont contribué à nous protéger. Nous vous sommes vraiment reconnaissants de votre appui et nous espérons pouvoir continuer à développer cette relation. »
Un rapport complet de la mission du 9 au 16 avril, contenant des recommandations exhaustives, sera rendu public à l’Assemblée générale de l’IFEX, le 1er juin à Beyrouth, tandis que des publications subséquentes auront lieu à Tunis et sur la scène internationale.
Source: Communiqué de l'IFEX

Les États-Unis annoncent deux initiatives relatives aux voitures électriques

Washington - Le 19 avril, le ministre américain de l'énergie, Steven Chu, a annoncé deux initiatives qui s'inscrivent dans le droit fil de la réduction des importations pétrolières et de la mise sur le marché d'un million de véhicules électriques d'ici à 2015, objectifs chers au président Obama.
« Premièrement, le ministère de l'énergie établit un partenariat avec Google, le secteur privé et le National Renewable Energy Laboratory afin de répertorier les bornes de recharge des véhicules électriques sur l'ensemble du territoire des États-Unis et d'indiquer leur géolocalisation », a révélé M. Chu à des journalistes au cours d'une conférence téléphonique. Cette collaboration permettra au public d'avoir des informations plus précises et plus fiables dans ce domaine.
« Deuxièmement, a-t-il ajouté, nous allouons 5 millions de dollars à l'appui des programmes communautaires, des usines, de l'infrastructure des véhicules électriques et des bornes de recharge. » Cette mesure contribuera à ouvrir la voie à l'installation de bornes de recharge à domicile et dans des lieux publics.

Par ailleurs, M. Chu a indiqué que le ministère de l'énergie prenait des mesures visant à réduire d'un tiers les importations américaines de pétrole d'ici à 2025, conformément à l'objectif énoncé par le président Obama.
« Cela nous obligera à faire plusieurs choses, a dit le haut responsable : améliorer le rendement énergétique des véhicules ; élaborer une nouvelle génération de combustibles propres de rechange ; et commercialiser des véhicules reposant sur une technologie de pointe, voitures électriques par exemple. »
Pour atteindre ces objectifs, le gouvernement Obama noue des partenariats avec des collectivités locales et des villes dans tout le pays.
« En travaillant ensemble, nous pouvons réduire notre dépendance vis-à-vis du pétrole, faire faire des économies aux ménages et aux entreprises et donner aux États-Unis la maîtrise de leur avenir énergétique », a affirmé M. Chu.
Le ministre des transports, Ray LaHood, qui participait à la conférence téléphonique, a expliqué que son ministère avait lui aussi fait de l'énergie propre un cheval de bataille. Il s'emploie ainsi à durcir les normes visant l'essence, à utiliser davantage de systèmes ferroviaires à grande vitesse et à collaborer avec l'industrie automobile en vue de promouvoir les voitures à piles.

Pour M. LaHood, l'indépendance énergétique qu'envisage le président Obama « passe par ces modes de transport de substitution ».
Ces initiatives, a conclu M. Chu, misent sur le succès du programme « Villes propres » du ministère de l'énergie, lequel mobilise l'État fédéral, les gouvernements étatiques et locaux, l'industrie automobile, les transporteurs du privé et les personnalités influentes au sein des collectivités « pour aider les communautés à consommer moins de pétrole et moins d'essence ». Ce partenariat public-privé a permis d'économiser une dizaine de milliards de litres d'essence depuis sa mise en route en 1993, selon le ministère de l'énergie.
Par MacKenzie C. Babb
Traductrice
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mardi 19 avril 2011

La Banque mondiale exhorte les pays à rompre les cycles de conflits

Washington - Les pays qui connaissent des cycles de conflits doivent renforcer leurs institutions nationales et améliorer la gouvernance de manière à investir en priorité dans la sécurité de leurs citoyens, la justice et l’emploi, selon la Banque mondiale.
L’insécurité nationale et régionale est devenue un défi majeur de notre époque en matière de développement, indique la Banque mondiale dans son Rapport sur le développement dans le monde 2011 : Conflits, sécurité et développement, publié à quelques jours des réunions du printemps de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international qui se tiendront les 16 et 17 avril à Washington.
« La probabilité de conflits violents augmente lorsque les institutions publiques ne fournissent pas une protection adéquate aux citoyens, ne font pas barrage à la corruption et ne garantissent pas l’accès à la justice, mais aussi lorsque les marchés ne créent pas d’emplois et lorsque les communautés locales perdent leur cohésion sociale », déclare le président de la Banque mondiale, M. Robert Zoellick, dans son message d’introduction au rapport.
« Les violences qui sévissent dans une région peuvent en outre se propager ailleurs dans le monde, assombrissant les perspectives de développement d’autres populations et compromettant les perspectives économiques de régions tout entières », ajoute-t-il.
Plus de 1,5 milliard d’êtres humains vivent dans des États touchés par des cycles répétés de violence, et le fossé en matière de pauvreté entre les pays en proie à de fréquents conflits et les autres ne cesse de se creuser. Aucun pays à faible revenu, fragile ou touché par un conflit n’a atteint ne serait-ce qu'un seul objectif du millénaire pour le développement, d’après le rapport. Ces objectifs internationaux visent à réduire la pauvreté et la faim, promouvoir l’égalité entre les sexes, assurer l’éducation primaire pour tous, préserver l’environnement et améliorer la santé maternelle et infantile d’ici à 2015.
Le rapport relève que des tensions de diverse nature alimentent les violences organisées en ce début du XXIe ce siècle : chômage des jeunes, chocs économiques et pertes brutales de revenu, divisions interethniques, religieuses ou sociales, inégalités ou encore infiltration de réseaux criminels organisés et de trafiquants. Les risques de violence augmentent quand ces tensions s’ajoutent aux faibles capacités ou à l’illégitimité des institutions nationales.
Les institutions légitimes et compétentes sont à même de négocier des solutions à ces tensions qui peuvent mener aux cycles de violences à répétition ; malheureusement, les processus de paix sont souvent minés par les réseaux criminels organisés.
« Les zones en proie à l’instabilité politique et à des violences criminelles prennent de plus en plus de retard et leur développement économique ou humain stagne, comme en témoignent les résultats décevants affichés par les indicateurs correspondants », explique M. Justin Lin, économiste en chef de la Banque mondiale. Un conflit civil peut coûter à un pays l’équivalent de 30 ans de son produit national.
Lorsque la sécurité du pays et des citoyens est rétablie de manière durable, les pays réalisent les plus grandes avancées dans le domaine du développement, précise le rapport.
En Éthiopie, la part de la population ayant accès à une eau de meilleure qualité est passée de 13 % en 1990 à 66 % en 2010. Au Mozambique, le taux d’achèvement des études primaires a plus que triplé, passant de 14 % en 1999 à 46 % en 2007. Entre 1995 et 2007, la Bosnie-Herzégovine a porté de 53 % à 96 % le taux de vaccination contre la rougeole des enfants âgés de deux ans ou moins.
Le rapport recommande que les agences internationales augmentent leur soutien aux programmes nationaux et régionaux visant la création d’emplois et la mise en place de forces de police et de systèmes juridiques bien gérés. Les dirigeants nationaux peuvent tirer le meilleur parti de l’aide étrangère s’ils font preuve d’une responsabilité accrue à l’égard des bailleurs de fonds et de leurs citoyens, selon le rapport.
Les donateurs internationaux peuvent aussi concourir au développement de marchés régionaux qui intègrent des pays en proie à l’insécurité, combinent les ressources et réduisent les tensions causées par l’instabilité des prix mondiaux des denrées alimentaires. Ces prix ont enregistré une hausse de 36 % cette année par rapport à 2010 en raison des conditions météorologiques catastrophiques dans les principaux pays exportateurs de céréales, des restrictions sur les exportations, de l’utilisation accrue des céréales dans la production de biocarburants et de la flambée des cours du pétrole. Et ils demeurent instables, selon la dernière édition du Food Price Watch de la Banque mondiale, publiée le 14 avril. (Pour de plus amples détails, consulter le site de la Banque mondiale.)
Les organismes internationaux doivent adapter leurs procédures de manière à pouvoir intervenir avec souplesse et rapidité pour assurer une aide plus rapide et mettre fin à l’aide par à-coups, recommandent les auteurs du rapport.
Par Kathryn McConnell
Rédactrice
(Les articles du site «IIP Digital» sont diffusés par le Bureau des programmes d'information internationale du département d'Etat. Site Internet : http://iipdigital.usembassy.gov/iipdigital-fr/index.html)

Les prix alimentaires montent en flèche et restent volatiles

Washington - L'indice des prix alimentaires est supérieur de 36 % au niveau qui était le sien il y a un an, constate la Banque mondiale dans la dernière édition de son rapport « Food Price Watch », et la volatilité des prix ne se dément pas.
L'indice des prix alimentaires demeure proche de son record de 2008, font observer les auteurs du rapport.
Au cours d'une conférence qui a suivi la publication du rapport, le 14 avril, le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, s'est alarmé du niveau élevé et de la volatilité des prix alimentaires, dans lesquels il voit la plus grave menace qui plane sur les plus démunis de la planète. « Déjà, a-t-il noté, 44 millions de personnes sont tombées sous le seuil de pauvreté depuis juin dernier. »
Les données recueillies auprès de 46 pays entre 2007 et 2010 révèlent que les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire enregistrent une inflation des prix alimentaires supérieure à celle des pays plus nantis, selon le rapport.
C'est le prix du maïs qui a enregistré la plus forte augmentation, ayant affiché une hausse de 74 % depuis 2010. Le blé a augmenté de 69 % depuis l'année dernière, le soja de 36 % et le sucre de 21 %. En revanche, les prix du riz sont restés stables.
Contrairement au pic des prix alimentaires de 2008, et c'est là une différence essentielle, les hausses des prix concernent un large éventail de produits alimentaires de base. Certains pays ont enregistré une augmentation importante du prix de produits alimentaires autres que des céréales et qui sont indispensables à une alimentation équilibrée, ce qui est le cas des fruits, des légumes, de la viande et de l'huile de table.
Ces hausses s'expliquent par la conjugaison de plusieurs facteurs, à commencer par les conditions météorologiques extrêmes dans les principaux pays exportateurs de céréales (Russie, Kazakhstan, Canada, Australie et Argentine). À cela s'ajoutent la concurrence accrue sur la terre et l'utilisation de maïs, d'huile de table et de sucre pour la production de biocarburants. De surcroît, le prix du pétrole brut a augmenté de 36 % par rapport à il y an un. Il y a également lieu de noter que la croissance des revenus dans les économies qui se développent s'accompagne de l'augmentation de la consommation de viande, elle-même liée à la hausse du coût de fourrage. Dans le même temps, les stocks mondiaux des produits de base n'ont jamais été aussi faibles, selon le rapport.
Les enjeux de la volatilité des prix ont été l'un des principaux dossiers sur lesquels se sont penchés les grands dirigeants de la planète lors des réunions de printemps de la Banque mondiale et du Fonds monétaire International qui se sont tenues à Washington les 16 et 17 avril.
Lors de sa conférence de presse, M. Zoellick a plaidé en faveur de l'élaboration d'un nouveau « code de conduite » concernant les embargos à l'exportation des produits céréaliers et demandé que soit tout au moins exemptée l'aide humanitaire, par exemple celle fournie par le Programme alimentaire mondial.
De l'avis du haut responsable, c'est en offrant des programmes de nutrition bien ciblés que la Banque mondiale et les banques régionales de développement peuvent venir le plus rapidement en aide aux populations vulnérables, stratégie qu'il estime préférable au contrôle des prix et aux augmentations de salaire généralisées.
D'autre part, le rapport préconise l'assouplissement des cibles fixées en matière de biocarburants lorsque les prix alimentaires dépassent certains seuils, et ce de manière à réduire la demande des matières premières utilisées dans la production de ces carburants.
Sur le court terme, a dit M. Zoellick, le Programme d’intervention en réponse à la crise alimentaire mondiale (GFRP) mis en place par la Banque mondiale investit 1,5 milliard de dollars dans la fourniture de semences améliorées et de systèmes d'irrigation et de stockage destinés à venir en aide à quelque 40 millions de personnes vulnérables réparties dans 44 pays. Sur le plus long terme, la Banque mondiale s’emploie à augmenter ses dépenses dans le domaine de l’agriculture pour les porter à 7 milliards de dollars par an, contre 4,1 milliards en 2008.
Comme le montre le « compteur de la faim » que la Banque mondiale affiche sur sa façade à Washington, la planète compte près d'un milliard de personnes en état de malnutrition, et à chaque minute qui passe 68 personnes de plus viennent grossir leurs rangs, a rappelé M. Zoellick.
« Il faut placer l'alimentation avant tout et protéger les pauvres », a-t-il insisté.
Le lecteur peut consulter le rapport « Food Price Watch » sur le site de la Banque mondiale.
Par Kathryn McConnell
Rédactrice
(Les articles du site «IIP Digital» sont diffusés par le Bureau des programmes d'information internationale du département d'Etat. Site Internet : http://iipdigital.usembassy.gov/iipdigital-fr/index.html)

Cuba: Le dernier journaliste incarcéré est libéré et part en exil

Le dernier journaliste cubain toujours en prison, Albert Santiago Du Bouchet Hernández, a été libéré le 7 avril et exilé en Espagne, selon ce que rapportent le Comité des écrivains en prison du PEN International (WiPC), Reporters sans frontières (RSF) et le Comité pour la protection des journalistes (CPJ). Ceci met fin à « une époque noire de huit ans au cours de laquelle ce pays insulaire fut l’un des pires geôliers de la presse », étant même allé à un moment jusqu’à emprisonner près de 30 reporters et écrivains indépendants, dit le CPJ.
Du Bouchet Hernández a été libéré en même temps que 36 prisonniers politiques et plus de 200 membres de leurs familles, rapportent les membres. Le CPJ a qualifié ce jour d’« événement déterminant dans un effort intensif et international de défense mené par l’Église catholique, le gouvernement espagnol et les groupes internationaux de défense de la presse et des droits de la personne ».
L’ancien directeur de l’agence de nouvelles indépendante Havana Press en était à purger la deuxième année d’une peine de trois ans pour « irrespect à l’égard de l’autorité » et pour avoir distribué de la propagande ennemie. Sa libération qui fait date survient un mois après la remise en liberté des derniers journalistes dissidents toujours détenus depuis la répression de mars 2003 contre la dissidence, connue sous le nom de « Printemps noir ».
Le Président Raul Castro avait consenti en juillet 2010 à libérer les 52 prisonniers politiques restants qui avaient été épinglés lors du Printemps noir, à qui on avait fait subir un procès secret, d’une seule journée, lors desquels ils avaient dû répondre à de vagues accusations de délits hostiles à l’État, et à l’issue desquels ils avaient été condamnés à des peines allant jusqu’à 27 ans de prison. L’entente a mené à la plus importante remise en liberté de prisonniers politiques en plus d’une décennie, mais le processus - prévu pour durer quatre mois - s’est étiré sur huit mois.
Au départ, seuls ceux qui acceptaient de s’exiler en Espagne étaient libérés. D’après le CPJ, l’exil de Cuba ne constituait pas une condition de l’entente, mais trois journalistes seulement arrêtés lors du Printemps noir, Héctor Maseda Gutiérrez, Iván Hernández Carrillo et Pedro Argüelles Morán, ont été autorisés à rester à Cuba après avoir refusé l’exil comme condition de leur remise en liberté. Ils ont été mis en liberté conditionnelle.
Du Bouchet Hernández n’était inclus directement dans l’entente de 2010, mais sa remise en liberté a été accompagnée de la même condition de l’exil.
Les journalistes nouvellement libérés ont raconté leur incarcération et leur libération dans une série de reportages, Après le Printemps noir, sur le blogue du CPJ.
En dépit de ce dernier geste de conciliation, les journalistes indépendants continuent de subir harcèlement et intimidation en raison de leur travail. D’après RSF, le journaliste espagnol Carlos Hernando, collaborateur au groupe de médias espagnol Intereconomía et auteur d’un court documentaire sur about le journaliste cubain dissident Guillermo Fariñas, a été arrêté la semaine dernière et détenu pendant cinq heures à La Havane. Accusé d’« activité contre-révolutionnaire », il a reçu l’ordre de quitter Cuba dans les 48 heures.
Lauréat du Prix Sakharov 2010 de la Liberté de penser décerné par le Parlement européen, Fariñas a été mis en résidence surveillée la semaine dernière chez lui à Santa Clara, après que de nouvelles manifestations se furent déroulées dans sa ville, indique RSF.
Source:Communiqué de l'IFEX

Prix / Iran / Journée mondiale de la liberté de la presse: Un journaliste iranien emprisonné remporte le Prix mondial de la Liberté de la presse

En 2009, le journaliste iranien bien connu Ahmad Zeidabadi faisait partie des dizaines de journalistes arrêtés après la réélection du Président Mahmoud Ahmadinejad et accusés de complot en vue de renverser le gouvernement par une « révolution en douceur ». Il a été condamné à six ans de prison, à cinq ans d’exil et il a été interdit à vie de pratiquer le journalisme. En 2011, il se voit décerner le Prix mondial UNESCO/Guillermo‑Cano de la Liberté de la presse.
Zeidabadi est l’ancien rédacteur en chef du journal « Azad » et ancien collaborateur au service en langue perse de la BBC - une épine particulièrement irritante au pied du régime iranien.
Zeidabadi a été retenu par un jury international indépendant de 12 professionnels des médias, qui ont rendu hommage à « son courage exceptionnel, à sa résistance et à son engagement envers la liberté d’expression », selon les termes de la présidente du jury, Diana Senghor.
« Au-delà de Zeidabadi, cette récompense honore les nombreux journalistes iraniens qui sont en prison à l’heure actuelle », a-t-elle ajouté. Au moins 26 autres journalistes sont toujours derrière les barreaux.
Ce n’est pas que la prison soit une nouveauté pour Zeidabadi. Selon l’UNESCO, il a été arrêté une première fois en 2000, avant d’être de nouveau incarcéré moins d’un an après sa remise en liberté. Mais les autorités n’ont pu le réduire au silence. En 2000, il a écrit de sa prison une lettre ouverte dans laquelle il protestait contre la façon dont les tribunaux traitent les journalistes emprisonnés. La lettre a été largement distribuée en dépit des tentatives du régime iranien pour la supprimer.
D’après les dépêches, l’épouse de Zeidabadi a déclaré que son mari subit de graves pressions en prison et n’a bénéficié d’aucune permission de sortie depuis son arrestation.
La directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova, qui a appuyé la décision du jury, demande également sa libération. « Pendant toute sa carrière, Ahmad Zeidabadi a défendu avec courage et constance la liberté de la presse et la liberté d’expression.
« À la veille de la Journée mondiale de la liberté de la presse et pour reconnaître la préoccupation exprimée par le jury international au sujet de sa santé et de son bien-être, je demande aux autorités iraniennes de libérer monsieur Zeidabadi de la détention dans laquelle on le maintient. »
L’an dernier, Zeidabadi s’est vu attribuer la Plume d’Or de la Liberté par l’Association mondiale des journaux et des éditeurs de nouvelles (AMJ-IFRA).
Le prix Guillermo-Cano, d’une valeur de 25 000 $US, porte le nom du journaliste colombien Guillermo Cano, assassiné devant son bureau en 1986.
Source:Communiqué de l'IFEX

International: Freedom House examine les moyens de contourner les censeurs de l'Internet

Quel est le meilleur outil pour contourner la censure de l’Internet ? Un nouveau rapport de Freedom House indique que cela dépend du pays où on se trouve - et de la compétence du gouvernement à filtrer le contenu et à surveiller les activités.
Un document intitulé « Leaping Over the Firewall: A Review of Censorship Circumvention Tools » (Sauter par-dessus le mur pare-feu : Revue des outils servant à contourner la censure) compare onze outils de contournement ainsi que d’autres solutions pour éluder la censure, et mesure leur efficacité dans certaines des régions les plus censurées du monde : la Chine, l’Iran, la Birmanie et l’Azerbaïdjan.
Freedom House a constaté que, bien que ces outils de contournement fonctionnent, ils ne constituent pas tous la meilleure solution pour tous les pays. Un réseau pair-à-pair anonyme, par exemple, représente l’outil de préférence en Chine, tandis qu’en Iran, le moyen favori est un outil générique (VPN), étant donné que la majeure partie des accès à l’Internet s’exécutent à partir d’ordinateurs situés à la maison.
« Tandis que les gouvernements répressifs deviennent de plus en plus aptes à filtrer et à censurer le contenu en ligne, ces outils, qui permettent aux usagers d’exercer leurs droits fondamentaux à la libre expression et au respect de la vie privée en ligne, sont devenus essentiels », dit Freedom House. « Mais les risques sont très réels et à eux tout seuls, ces outils ne suffisent pas toujours à fournir une sécurité capable d’empêcher les usagers d’apparaître sur le radar des régimes répressifs. Pour préserver la sécurité en ligne, ces outils doivent ne représenter qu’un élément parmi un certain nombre de mesures que prennent les usagers. »
Freedom House espère que ce rapport aidera les usagers qui opèrent dans un environnement où l’Internet est restreint détermineront quels outils leur sont les plus utiles, tout en aidant également les créateurs de ces outils à apprendre comment leurs outils sont accueillis.
Source: Communiqué de l'IFEX

lundi 11 avril 2011

Dans un nouveau rapport, le CIHRS met au jour les racines des troubles dans le monde arabe

Tandis que les changements continuent de balayer le Moyen-Orient, que les citoyens veulent la démocratie et des garanties pour leurs droits fondamentaux de la personne, on doit se demander : comment en est-on arrivé là ? L’Institut du Caire pour les études sur les droits de la personne (Cairo Institute for Human Rights Studies, CIHRS) recherche la réponse à cette question dans « Roots of Unrest » (Les racines des soulèvements), son troisième rapport annuel sur le monde arabe.
« Roots of Unrest » constate quelques similarités frappantes entre les pays qui sont actuellement le théâtre de révolutions populaires. Entre autres similarités : la détérioration à grande échelle des droits de la personne, même dans des pays censément « stables », et l’absence de volonté politique d’améliorer la situation des droits de la personne; des lois souvent utilisées pour discipliner et harceler les opposants, notamment les lois d’urgence et sur le contre-terrorisme; l’impunité généralisée, souvent perpétuée par les autorités; enfin, la censure des médias, surtout sur les questions liées à la famille royale ou à l’islam.
Pays par pays, « Roots of Unrest » décrit en détail « l’accumulation journalière des souffrances et des doléances des populations, qui les ont conduites au point de rupture dans leur face à face avec leurs régimes, autant ceux qui sont déjà tombés que ceux qui attendent leur tour ».
Source: Communiqué de l'IEX

jeudi 7 avril 2011

La coopération internationale est essentielle à la reprise économique mondiale

Washington - La grande leçon à tirer de la récente crise financière mondiale, c'est que « la coopération internationale est indispensable à la stabilité », affirme Dominique Strauss-Kahn, le directeur général du Fonds monétaire international (FMI).
« Les grands enjeux actuels exigent tous une solution concertée », a-t-il déclaré le 4 avril dans un discours à l'université George Washington, à Washington. « La mondialisation doit être perçue comme une entreprise commune. »
De fait, a-t-il ajouté, l'économie mondiale est trop interdépendante pour permettre aux simples intérêts nationaux de prévaloir en période de crise économique. Dès lors, il est dans l'intérêt des pays de miser sur celui « de la planète ».
Les règles de base de politique monétaire et budgétaire qui faisaient naguère l'objet d'un consensus n'ont plus cours. « Tout cet échafaudage s'est effondré sur le passage de la crise », a constaté le directeur général du FMI.
Ce consensus « relève désormais du passé » et il incombe maintenant aux pays « de reconstruire les fondements de la stabilité et de faire en sorte qu'ils résistent à l'épreuve du temps et que la prochaine phase de la mondialisation apporte ses bienfaits à toute l'humanité ».
M. Strauss-Kahn a prôné la création d'une taxe sur les activités financières, l'amélioration de la réglementation financière et un contrôle plus efficace de ce secteur.
L'activité économique mondiale continue à se redresser, a-t-il poursuivi, mais « la reprise est déséquilibrée, au plan international comme au plan national », de sorte que la situation économique mondiale reste fragile et inégale.
La persistance d'un taux élevé de chômage et la présence d'importantes inégalités risquent de « saper la cohésion sociale et la stabilité politique », ce qui peut avoir des répercussions sur la stabilité macroéconomique, a indiqué le haut responsable. Ce dernier a exhorté les pays à se concentrer sur l'inclusion sociale et à corriger les inégalités tandis qu'ils s'emploient à reconstruire leur économie nationale.
« Il nous faut un nouveau type de mondialisation, une mondialisation plus juste, une mondialisation à visage plus humain. Les fruits de la croissance doivent être largement partagés, et non accaparés par quelques privilégiés », a insisté M. Strauss-Kahn.
Dans le monde qu'il envisage, les organisations multilatérales revêtiront une importance croissante dans cette nouvelle phase de la mondialisation. Sous son égide, le FMI a d'ailleurs pris des mesures en conséquence.
Le FMI a non seulement a joué un rôle essentiel durant la crise, a dit M. Strauss-Kahn, mais il s'efforce désormais « de mieux saisir les relations d'interdépendance complexes qui caractérisent l'économie mondiale ».
Il faut en effet que cette institution soit davantage en mesure de prévenir les crises au lieu de se borner à les gérer, a-t-il ajouté.
À cette fin, le FMI a opéré beaucoup de changements. Il a notamment mis en place un nouvel exercice d'alerte avancée afin de mieux prévoir les difficultés financières ; il publie de nouveaux rapports qui examinent « en quoi les politiques nationales de cinq grandes économies systémiques agissent sur le reste du monde » ; et il offre un meilleur suivi des flux de capitaux mondiaux.
De surcroît, M. Strauss-Kahn a indiqué que le FMI œuvrait avec le G-20 de façon à « faire de la coopération un moteur de croissance » et à « renforcer le dispositif mondial de protection financière pour épargner aux pays des revers de fortune soudains ».
Le directeur général estime que le FMI doit renouer avec sa mission originelle, « celle de promouvoir la coopération et de combattre les causes économiques de la guerre ».
Lorsque le FMI et la Banque mondiale tiendront leurs réunions de printemps du 15 au 17 avril à Washington, les défis économiques mondiaux et les solutions à y apporter seront à l'ordre du jour.
Par MacKenzie C. Babb
Rédactrice
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D'une origine modeste au pouvoir absolu : Mouammar Kadhafi

Washington - Le gouvernement libyen était corrompu, son chef insensible au peuple. Les insurgés de Benghazi étaient des inconnus, jeunes et idéalistes.
Nous ne sommes pas en 2011, mais en 1969, et le meneur du coup d'État, c'était Mouammar Kadhafi.
Les historiens qui se sont penchés sur le cas de l'homme fort de la Libye depuis cette date le décrivent comme une personnalité impressionnante mais aussi contradictoire, remarquable par la façon dont il a réussi à parvenir au pouvoir et à s'y maintenir pendant plus de 41 ans.
« Il sera un cas d'étude pour de nombreux futurs dictateurs. Ils regarderont son historique et se demanderont 'Comment a-t-il réussi à le faire' ?, a dit M. Mansour El-Kikhia, un professeur d'origine libyenne au campus San Antonio de l'université du Texas et auteur du livre Libya's Qaddafi : The Politics of Contradiction (La Libye de Kadhafi : la politique de la contradiction).
Fils sérieux et dévot de nomades du désert de Syrte, Kadhafi était, de l'avis de tous, un jeune homme intelligent et idéaliste, inspiré par le dirigeant égyptien Gamal Abdel Nasser qui avait contribué au renversement de la monarchie en 1952 en Égypte. Kadhafi avait dix ans à l'époque. Quatre ans plus tard, Nasser devenait président, prêchant le nationalisme arabe et l'opposition aux empires étrangers.
« Khadafi représentait plus que tout une perspective de la mentalité arabe des années 1950, qui était initialement celle de Nasser », a expliqué M. El-Kikhia. « Le colonel Kadhafi avait retenu les discours du dirigeant égyptien (...) et les discours en question duraient des heures. Alors quand vous commencez à apprendre par cœur les discours de Nasser, ça montre non seulement un engagement à l'égard d'une idéologie et d'une personne mais aussi d'une façon de vivre et de penser. Malheureusement, Nasser est mort avant de pouvoir apprivoiser Kadhafi, si vous me permettez l'expression. Et un enfant qui n'est pas apprivoisé est, dans un sens, un enfant qui n'est pas éduqué. »
Kadhafi n'était qu'un sous-lieutenant inconnu quand les Officiers de la libre union, le groupe auquel il appartenait, renversèrent la monarchie libyenne en septembre 1969 mais il œuvrait en faveur de cet objectif depuis des années, en tant qu'adolescent et étudiant activiste puis, de manière moins visible, en tant qu'étudiant universitaire, ensuite à l'académie militaire et comme officier d'armée. Son nouveau gouvernement devait s'acquitter des promesses faites aux Libyens : ses dirigeants menaient des vies simples au lieu de tirer profit de la corruption ; ils négociaient de meilleurs prix pour le pétrole national ; ils utilisaient les revenus pour améliorer la vie de la population ; et ils mettaient fin à la présence de bases militaires britanniques et américaines à l'expiration de leurs baux.
« Au début, il faisait les choses qui se devaient (...) en sa qualité de héros national », a dit M. Mohamed El-Khawas, auteur de Qadaffi : His Ideology in Theory and Practice (Kadhafi : son idéologie en théorie et en pratique).

Tout comme Nasser avait établi la voie que suivrait Kadhafi, celui-ci a tenté de fournir à d'autres un plan pour leur gouvernement et leur développement économique qui serait une alternative à la démocratie occidentale et au communisme soviétique, à savoir, une approche à la démocratie directe et au socialisme qui était inspirée de l'islam et qu'il a décrite dans son Livre vert, la baptisant Troisième théorie universelle. Selon le colonel Kadhafi, le peuple libyen doit s'autogouverner par le biais de congrès populaires locaux et municipaux dans ses villes et ses lieux de travail, et au niveau national, par celui du Congrès populaire général. Mais MM. El-Kikhia et El-Khawas ont tous deux souligné que Kadhafi, bien que sincère dans son idéologie, devait rapidement commencer à donner la priorité au pouvoir.
« L'idéologie, que vous le vouliez ou non, vous lie les mains, a indiqué M. El-Kikhia. Et c'est pourquoi il s'en était débarrassée. Même dans son propre Livre vert, il ne la suit plus - il ne l'avait jamais suivie, surtout après 1979, quand il avait rejeté les comités populaires. Oublions l'idéologie : elle avait disparue. »
M. El-Khawas a dit qu'il avait fini par douter de la sincérité de Kadhafi quant à son désir de se conformer à ses propres théories. « Je pense qu'il jouait un jeu », a expliqué le professeur d'origine égyptienne qui enseigne à l'université du District de Columbia. « Quand il a créé son système, il y avait un vide au niveau de la direction du pays ; alors il s'en est emparé et il n'y avait personne pour lui demander des comptes et lui dire 'oui, faites ceci ; non, vous ne pouvez pas faire cela'. Alors, il était devenu plus qu'un gouvernement autocratique : il était devenu autoritaire. »

Kadhafi a aussi misé sur la richesse pétrolière de la Libye pour soutenir des mouvements de libération à travers le monde dans l'espoir qu'ils adopteraient ses principes de gouvernement et solliciteraient ses qualités de chef - « moyennant un programme d'aide à l'étranger non négligeable », a dit M. El-Khawas. Personne n'a mordu à l'hameçon, mais au nombre de ceux qu'il a appuyés figurent le dictateur libyen Charles Taylor, aujourd'hui accusé de crimes contre l'humanité, et Foday Sankoh, du Front révolutionnaire uni dont les atrocités commises en Sierra Leone sont notoires.
Dans la Libye de Kadhafi, la vraie structure du pouvoir procède non pas d'élections, mais de comités révolutionnaires nommés. « C'est la politique de la potence. Ils pendent les gens. Ils font ce qu'ils veulent. Ils s'installent chez les gens comme chez eux, s'insurge M. El-Kikhia. Ils fixent les règles et les règlements en fonction des pensées qu'ils imputent à Kadhafi. Ils ne rendent de compte à personne d'autre que lui. Ils sont libres. Ceci dit, Kadhafi leur a dit : 'Si je coule, vous coulez avec moi parce que c'est vous qui faites le sale boulot.' »
Kadhafi se faisait passer pour un homme du peuple. Dans ses déplacements officiels à l'étranger, il emmenait deux chèvres pour avoir du lait à boire et une tente sous laquelle dormir. Mais il n'a pas été à la hauteur de ses aspirations sur la scène internationale : les tentatives visant à unir la Libye à d'autres pays arabes se sont soldées par un échec, à l'image de sa vision d'une Afrique unie dans laquelle il serait « le roi des rois ».
Une féroce répression en Libye, l'assassinat de Libyens en exil qui le dénonçaient et divers attentats, dont l'explosion du vol 103 de la Pan Am au-dessus de Lockerbie (Écosse), ont fait de Kadhafi un paria en Occident. La Grande-Bretagne a rompu ses relations avec lui en 1984 à la suite d'une fusillade depuis l'ambassade de Libye à Londres qui avait tué une policière britannique et blessé dix manifestants.
La Libye a redoré quelque peu son blason dans la communauté internationale en prenant un certain nombre de mesures. Elle a notamment remis les deux suspects de l'attentat de Lockerbie entre les mains de la justice écossaise, dédommagé la famille des victimes, renoncé aux armes de destruction massive et coopéré dans la lutte contre le terrorisme. Selon MM. El-Kikhia et El-Khawas, c'est Saïf, le fils de Kadhafi et son successeur présumé, qui aurait pris l'initiative de ces mesures.
Pour M. El-Khawas, la réaction de Kadhafi au soulèvement populaire en Libye montre qu'il délire. « Je crois, dit-il, qu'il a perdu la tête... Il agit de manière irrationnelle, en fait, parce qu'il est incroyable de tuer des civils en disant que si vous ne m'aimez pas, vous méritez de mourir. »
De son côté, M. El-Kikhia est convaincu que Kadhafi est corrompu jusqu'à la moelle après quarante années au pouvoir. « Ce type n'a aucun scrupule à encercler la ville de Benghazi et à la faire sauter - littéralement sauter. Il n'a pas de dieu qui puisse lui dire non. Pas de conscience qui puisse lui dire non. Pas une seule personne qui puisse lui dire non. »
Par Jeff Baron
Rédacteur
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