mardi 27 juillet 2010

Thailande: les autorités tentent de museler l'opposition sur les ondes radio et sur Internet

Après avoir dispersé les manifestations de rue en mai, les autorités thaïes continuent à pourchasser toute opposition, à éliminer les restes de soutien aux chemises rouges et à réduire au silence les journalistes critiques au nom de la sécurité nationale et de la monarchie. Vingt-six stations de radio communautaire ont été fermées en vertu d’un décret proclamant l’état d’urgence pour une durée indéfinie, un site web populaire qui sert de point de rassemblement pour le débat politique a été contraint de fermer son babillard, et une agence de lutte contre le crime en ligne a été mise sur pied pour poursuivre les contrevenants à la loi sur le crime de lèse-majesté (insulte à la monarchie) en vigueur dans le Royaume, selon ce que rapporte l’Alliance de la presse de l’Asie du Sud-Est (Southeast Asian Press Alliance, SEAPA).
Au moins 35 personnes qui travaillaient pour les stations de radio qui ont été fermées font face à des poursuites judiciaires parce qu’elles auraient encouragé leurs auditeurs à rallier les manifestations des chemises rouges à Bangkok il y a quelques mois, et pour avoir déformé les nouvelles. Le 20 mai, 600 soldats ont procédé à la fermeture de deux stations de radio dans la province de Ubon Ratchathani et arrêté le propriétaire d’une autre station. Lors d’autres incidents, de 200 à 500 soldats et officiels ont été déployés pour fermer des stations de radio dans différentes régions du pays. Les stations autorisées à poursuivre leurs activités ont été prévenues de ne diffuser aucun commentaire politique.
Le gouvernement intensifie également ses restrictions en ligne. Le site web thaïlandais indépendant de nouvelles en ligne Prachatai a annoncé le 8 juillet qu’il allait fermer son babillard à la fin du mois. Prachatai est devenu un endroit critique de débat politique après le coup d’État de 2006 qui a renversé le premier ministre d’alors, Thaksin Shinawatra. Plusieurs personnes ont été arrêtées dans le passé pour avoir affiché des messages sur son babillard.

Le gouvernement a porté des accusations contre la directrice générale du site, Chiranuch Premchaiporn, parce qu’elle aurait négligé de retirer de son babillard certains commentaires considérés comme insultants pour la monarchie. Elle a plaidé le 31 mai non coupable à 10 chefs d’accusation d’avoir violé la Loi sur les crimes informatiques. Son procès est prévu pour 2011. Le site a changé plusieurs fois son URL en réaction à des mesures de blocage, et il continue à être en service.
Le mois dernier, le Cabinet thaïlandais a approuvé la création d’une agence de lutte contre le crime en ligne afin de pourchasser quiconque enfreint la loi sur le crime de lèse-majesté. « La monarchie est cruciale pour la sécurité nationale thaïe parce qu’elle est une institution qui unit toute la nation », a déclaré un porte-parole du gouvernement. Il existe déjà dans le code pénal du pays une disposition selon laquelle toute personne peut porter plainte de crime de lèse-majesté contre toute personne considérée comme ayant diffamé le monarque, qui fait l’objet de vénération, et la famille royale. La culpabilité peut entraîner une peine de quinze ans de prison.
Depuis avril, 2 200 sites web ont été fermés pour avoir violé la Loi sur les crimes informatiques, laquelle a aussi été créée afin de protéger la famille royale. ARTICLE 19 et Index on Censorship rapportent qu’en janvier le Sénat avait « mis sur pied un comité extraordinaire dans le but de superviser le blocage d’autres sites, et avait prévenu que plus de 10 000 sites pourraient être visés ».
Au rayon des bonnes nouvelles, Suvicha Thakhor, qui purge une peine de 10 ans de prison pour crime de lèse-majesté parce qu’il aurait utilisé un logiciel pour modifier des photos de la famille royale avant de les afficher en ligne, a été gracié par le Roi le 28 juin. Il a cependant déclaré « Cela me chagrine de penser aux quatre ou cinq autres personnes toujours en prison pour des crimes de lèse-majesté, aux prisonniers politiques et autres détenus. La situation actuelle en Thaïlande est très inquiétante. »
Source: Communiqué de l'IFEX

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