lundi 19 juillet 2010

Crise des subprimes: Trois ans après

Triste anniversaire. Les subprimes ont trois ans, et les Etats-Unis viennent seulement d'adopter une réforme de la régulation financière, qui plus est en demie teinte. L'Europe n'en est même pas encore là. L'occasion de se rafraîchir la mémoire sur les trois grandes crises économiques qui ont sévi depuis l'été 2007.

Qu'est-ce que la crise des subprimes ?
Grâce aux taux très bas pratiqués par la Fed, les ménages américains ont abusé des crédits pendant toute la décennie 2000, pour acheter leurs logements. Des crédits hypothécaires, c'est à dire garantis par la valeur du bien, dans un marché qui ne cesse de grimper, doivent permettre à tous d'accéder à la propriété. Y compris les plus défavorisés, les plus à risques, les clients dit "subprime", pour qui les prêteurs concoctent des formules de prêts apparemment très attractives... mais in fine plus coûteuses. Toutes reposent sur des taux variables : si les taux de la Fed baissent, les remboursements coûtent moins cher. Mais si les taux de la Fed augmentent, c'est le contraire. Et c'est là que les choses se compliquent.

Le détonateur : le retournement du marché immobilier américain
Tant que les prix de l'immobilier progressaient, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Cette hausse servait même à garantir des prêt à la consommation. Mais, dès le printemps 2007, la hausse des taux de la Fed provoque un retournement du marché immobilier. Dès lors, c'est le cercle infernal. Lorsque l'emprunteur ne peut plus rembourser, sa défaillance ne peut plus être compensée par la vente du bien hypothéqué, puisque la valeur de ce dernier baisse. Résultat, les ménages américains sont de plus en plus nombreux à être incapables de rembourser leurs prêts.

Le diffuseur : la titrisation
En soi, cela ne représentait pas des sommes pharamineuses. Malgré tout, seule une petite partie des ménages américains étaient dans une situation délicate. Mais pendant toute cette période, un système financier ultra-complexe s'était mis en place. C'est ce qu'on a appelé la titrisation. Pendant des années, les banques et les hedge funds se sont amusées à découper les crédits immobiliers en tranches et à les incorporer à d'autres produits financiers complexes, dotés d'une rentabilité supposée imbattable. Ces produits ont été vendus un peu partout et se sont largement diffusés sur la planète finances, mais quand leurs détenteurs se sont aperçus qu'ils étaient pourris, cela a entraîné un mouvement de panique. Tout le monde a voulu vendre, mais il n'y avait pas d'acheteur. Résultat, une perte de confiance, un assèchement brutal de la liquidité et le gel du marché interbancaire, poussé au paroxysme dans les semaines qui suivent la chute de Lehman Brothers.

Le maillon faible : le système bancaire
La crise des subprimes a révélé la faiblesse du système bancaire. En effet, ces opérations de titrisation ont été réalisées dans la plus parfaite opacité, sans que personne ne sache à quel niveau il était exposé ou non au risque subprime. Aujourd'hui encore, certaines banques continuent de déprécier des dizaines de millions d'euros sur ces actifs pourris.

Qu'est-ce que la crise grecque ?
Les difficultés de la Grèce ne datent pas de la crise des subprimes. Le pays a creusé ses déficits pendant des années. Tout allait bien tant que la croissance était élevée et permettait de les financer. Mais avec la crise économique qui a commencé en 2008, tout s'est retourné. La Grèce présentait par ailleurs d'autres faiblesses, parmi lesquelles un fort taux de fraude fiscale et une importante économie souterraine.

Le détonateur : les mensonges sur le déficit
En octobre 2009, le nouveau Premier ministre, Georges Papandréou, révèle que le gouvernement précédent a caché la gravité de la situation des finances publiques. La dette du pays est à 115% du PIB, et le déficit supérieur à 10%. La surprise est importante pour les marchés qui considéraient jusqu'alors la dette publique grecque comme particulièrement sûre. Pour preuve jusqu'en 2007, la Grèce se finançait aux même taux que l'Allemagne. Ça change très vite... Les agences baissent la notation de la dette publique grecque, c'est à dire qu'ils estiment que la Grèce est de moins en moins capable de rembourser. En quelques semaines, un véritable vent de panique s'installe sur les marchés. "Cette crainte s'est diffusée d'autant plus vite que les marchés se sont souvenus qu'un Etat pouvait bel et bien faire faillite", explique Henri Sterdyniak, économiste à l'OFCE.

Le diffuseur: les CD
Depuis la faillite de Lehman Brothers en effet, plus rien aux yeux des investisseurs ne semble impossible. Certains, à l'image de quelques hedge funds ou grandes banques américaines, ont donc décidé de profiter de la situation en spéculant sur l'hypothèse d'un défaut de la dette grecque. Pour ce faire, ils ont acheté des CDS sur la Grèce, ces fameux contrats qui permettent de se protéger d'un éventuel défaut de paiement. La hausse de la demande sur les CDS a fait progresser leur prix, et cette hausse des prix a été interprétée comme une indication objective du risque de défaut de la grèce. Résultat, pour prêter à la Grèce, les marchés se sont mis à exiger des taux d'intérêt de plus en plus élevés, supérieurs à 10%. Intenable.
La crise de la dette grecque n'a a priori pas de lien avec celle des subprime. "Avec des déficits de cette ampleur, la Grèce comme d'autres pays européens couraient de toutes façons au désastre", analyse Henry Sterdyniak. Il n'empêche, la crise des subprime a eu un effet d'accélérateur. Les Etats ont été contraints de multiplier les plans de sauvetage et les mesures de relance pour ne pas laisser s'effondrer une économie meurtrie par les subprimes. Pour cela, ils ont été contraints d'emprunter pour prendre directement à leur charge les dettes du secteur bancaire. Et la dette privée s'est muée en dette publique, au moment même où la croissance était en berne. Résultat, leurs déficits ont progressé. Celui de la Grèce, le plus mauvais élève, a plus que doublé en deux ans, avec un énorme impact sur la dette.

Le maillon faible : le système bancaire, encore
Comme les subprime, la crise grecque n'aurait pas dû être un drame à l'échelle mondiale. "L'économie de la Grèce correspond à celle de quatre ou cinq départements français à peine", rappelle ainsi l'économiste Jean-Hervé Lorenzi. En réalité, c'est encore l'instabilité du système financier qui a permis à cette crise de se propager. "Dans la crise grecque en effet, personne n'a été capable de mesurer l'ampleur réelle de la situation. Personne n'a su arrêter la spirale, et les pouvoirs publics n'ont pas su réagir à une situation plus psychologique que réelle. Pire, les outils de clairvoyance du système, comme les agences de notation, ont ajouté à la panique. Et il a fallu très rapidement venir au secours du système financier". De fait, s'il était impossible de laisser la Grèce faire faillite, c'est par crainte d'un effet domino sur d'autres Etats. Or si les banques européennes pouvaient sans doute se relever de la faillite de la Grèce, on entrait dans l'inconnu en cas de défaut de paiement de l'Espagne ou du Portugal, par exemple. Une fois encore, il a donc fallu sauver les banques... celles-là mêmes qui ont activement participé à l'explosion de la crise.

Qu'est-ce que la crise de l'euro ?
La crise de l'euro est en germe depuis longtemps. Les Etats de la zone euro ont en effet accepté d'abandonner la souveraineté monétaire, et donc la possibilité de dévaluer, mais pas de perdre la main sur l'autre instrument du policy mix, la politique budgétaire. Il y a autant de politiques budgétaires que de pays membres. Elles sont censées être coordonnées par le pacte de stabilité, mais beaucoup de pays ne l'ont pas respecté, sans se faire sanctionner. Ils sont donc nombreux à se retrouver dans une situation délicate, où ils n'ont plus aucune marge de manoeuvre pour relancer leur croissance.

Le détonateur : la crainte de la contagion
C'est le cas de la Grèce évidemment, mais aussi de l'Espagne et du Portugal. Les agences de notation ont abaissé les notes de ces Etats, obligeant ces derniers à mettre en oeuvre des plans de rigueur pour redresser leurs finances publiques. Une austérité qui s'est propagée dans toute l'Europe, même parmi les pays les plus sûr comme l'Allemagne ou la France. Avec à la clé le risque d'un impact négatif sur la croissance, et la peur d'un long hiver économique au bout duquel la zone euro éclaterait forcément. Dans ce scénario en effet, évoqué par certains économistes comme Joseph Stiglitz ou encore Nouriel Roubini, certains pays seraient tentés de sortir de l'euro pour pouvoir dévaluer, et rendre leurs exportations plus compétitives afin de relancer leur croissance. Un pari risqué, qui a pesé sur la valeur de l'euro, en chute libre, ce qui témoigne d'un manque de confiance.

Les diffuseurs : les CDS
Comme lors de la crise grecque, ce sont les CDS sur les pays les plus fragiles de la zone euro qui ont largement contribué à déstabiliser la monnaie unique. Selon une anecdote qui a fait le tour de la presse financière internationale, le 8 février, les plus gros "hedge funds" américains se seraient réunis à New York, pour un dîner dans un hôtel de Manhattan, à l'invitation d'un courtier. Pendant ce repas festif, ils auraient décidé de se liguer pour faire chuter l'euro et le ramener au niveau du dollar.

Quels sont les liens avec la crise grecque ?
C'est la peur de contagion de la crise grecque à l'ensemble de la zone qui a fini par semer le doute sur la pérennité de l'euro. L'annonce du plan de sauvetage de la Grèce n'a pas calmé les marché et la peur d'un retour du risque systémique a pointé le bout de son nez. "Tous les signes étaient réunis, expliquait récemment l'économiste Michel Aglietta à L'Expansion : la hausse des taux obligataires, la chute des indices boursiers et les difficultés de financement sur le marché interbancaire". Il a fallu que les Etats s'engagent à venir en aide aux autres pays susceptibles de tomber. Ils ont concocté un giga plan de secours pouvant aller jusqu'à 750 milliards d'euros, basé sur un surcroît d'endettement des pays les plus sains pour secourir les plus atteints.

Le maillon faible : les institutions de l'Europe
Pour de nombreux économistes, la crise de l'euro est arrivée parce que l'incohérence des institutions a éclaté au grand jour. "Le principal enseignement de la crise grecque, c'est que la zone euro est une construction artificielle et périssable, estime Elie Cohen, directeur de recherche au CNRS. Les Européens le savaient déjà, mais désormais le monde entier en est conscient". Pour que la zone euro survive, les pays qui la composent doivent désormais s'atteler à une construction institutionnelle qui permette de mieux coordonner la politique économique et de se mettre ainsi à l'abri des mouvements erratiques des marchés. Un nouveau pas dans l'intégration, qui ne va pas de soi.
Source: www.lexpansion.com

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