mercredi 6 juin 2012

Un rappeur est emprisonné pour une vidéo qui insulte la police

Un des rappeurs et des militants les plus célèbres du Maroc s'est vu infliger le 11 mai une peine d'un an de prison pour « insulte à la police » par une vidéo, selon ce que rapportent le Réseau arabe d'information sur les droits de la personne (Arabic Network for Human Rights Information, ANHRI), Human Rights Watch et Freedom House.
Mouad Belghouat, mieux connu sous le sobriquet de « al-Haqed » (le renfrogné), a été arrêté en mars après qu'une vidéo de sa chanson « Kilab ed-Dowla » (Les chiens de l'État) eut été affichée sur YouTube. Il a été jeté en prison parce que la vidéo « montrait du mépris » à l'égard de la police dans l'intention de « saper son honneur », rapporte Human Rights Watch.
TV5 rapporte que la chanson circulait en ligne depuis plus d'un an, mais la vidéo, assortie d'un photomontage d'un officier de police dont la tête avait été remplacée par celle d'un âne, a été l'élément déclencheur des accusations. La vidéo n'est plus accessible en ligne, et Belghouat nie toute participation à sa création, indique TV5.
L'affaire a mobilisé la communauté militante du pays en raison de la voix forte de Belghouat dans mouvement de la jeunesse du 20 février en faveur de la réforme, mouvement constitué peu après le début l'an dernier des protestations du printemps arabe à travers la région. Belghouat est un critique bien connu de la corruption, de l'injustice et des écarts de richesse au Maroc.
À ce titre, Belghouat avait déjà été arrêté parce qu'il aurait passé à tabac un manifestant favorable au gouvernement, une accusation bidon d'après ses partisans, rapportent l'ANHRI et Human Rights Watch. Il a été trouvé coupable en janvier 2012 et condamné à quatre mois de prison, peine qu'il avait déjà purgée en détention préalable, disent les membres.
En dépit de sa réforme constitutionnelle tant vantée, le Maroc présente un modèle de comportement où il punit sévèrement les critiques du Roi ou des institutions publiques, en particulier dans les médias sociaux. Plus tôt cette année, un étudiant de 18 ans, Walid Bahomane, a été condamné à 18 mois de prison pour avoir « attaqué les valeurs sacrées de la nation », pour avoir affiché sur Facebook un contenu tournant le Roi en ridicule, indique selon ce qu'indique Reporters sans frontières (RSF).
Le militant Abdelsamad Haydour, âgé de 25 ans, a été condamné en février à trois ans de prison pour avoir critiqué le Roi dans une vidéo affichée sur YouTube qu'il avait faite avec un autre activiste du mouvement du 20 février, rapporte l'ANHRI.
Comme le fait remarquer Human Rights Watch, la constitution du Maroc, modifiée en 2011, ne contient aucune disposition sur les châtiments à infliger à la liberté d'expression. Au contraire, elle inclut de fortes garanties en faveur de la libre expression.
Cependant, le statut sacré de la monarchie est énoncé à l'article 46, qui dispose que « la personne du Roi est inviolable », et que la presse et le code criminel servent toujours contre toute personne présumée « attaquer les valeurs sacrées de la nation », dit Human Rights Watch.
Et comme le fait aussi remarquer Freedom House, la condamnation du rappeur « attire en outre l'attention sur la loi profondément déficiente du Maroc en matière de diffamation et sur son utilisation pour étouffer la liberté d'expression chez les citoyens et dans la presse ».
Source: Communiqué de l'IFEX

 

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