samedi 26 mars 2011

Bahreïn: Les forces de sécurité recourent à des raids de terreur de nuit pour étouffer la dissidence

Le chef du Centre des droits de la personne de Bahreïn (Bahrain Center for Human Rights, BCHR), Nabeel Rajab, a été détenu brièvement et tabassé par les forces de sécurité le 20 mars, quelques jours après que les forces de sécurité de Bahreïn eurent tué au moins quatre manifestants et arrêté des personnalités de l’opposition. L’arrestation semble s’inscrire dans le cadre d’une offensive plus vaste du gouvernement dans laquelle interviennent des descentes de terreur effectuées à l’aube aux domiciles de ceux et celles qui sont perçus comme des partisans des manifestants pro-démocratie, selon ce qu’indiquent le BCHR, qui est membre de l’IFEX, Human Rights Watch et d’autres groupes membres de l’IFEX. Rajab dit être le seul défenseur des droits de la personne à Bahreïn à ne pas être détenu ou à ne pas vivre dans la clandestinité.
Ces arrestations suivent un modèle : des dizaines d’officiers armés des forces de sécurité surgissent au milieu de la nuit, enfoncent la porte et terrorisent les familles, y compris les jeunes enfants. « À 1 h 30 du matin, un groupe d’environ 25 hommes masqués en civil est entré dans la maison pendant que nous dormions et ils se sont mis à courir d’une chambre à l’autre, tandis que 20 autres, revêtus de l’uniforme des forces de sécurité, attendaient à l’extérieur », dit Rajab. Ils sont repartis en emportant plusieurs boîtes de données.
Rajab dit avoir eu les yeux bandés, on s’être fait passer les menottes et avoir été déposé sur la banquette arrière d’une voiture. « Ils m’ont battu, ils ont menacé de me violer et m’ont donné des coups de pied lorsque j’ai refusé de dire que j’aimais le premier ministre », a-t-il dit à Reuters. La voiture dans laquelle il se trouvait a roulé pendant plus d’une heure avant de se rendre chez un enquêteur qui l’a interrogé pendant cinq minutes.
Un raid similaire s’est déroulé à la résidence d’un autre employé du BCHR, Sayid Yousif al-Muhafdah, la même nuit, mais il n’était pas chez lui, rapporte Human Rights Watch. Au moment de partir, les agents de sécurité ont prévenu sa famille de « dire à Sayid Yousif de se présenter au poste de police sinon ils allaient revenir chaque nuit ». Comme d’autres défenseurs des droits de la personne, il reste dans la clandestinité.

Rien que le mois dernier, Bahreïn a fait quelques concessions majeures aux manifestants, comme la libération de centaines de prisonniers politiques et la possibilité de lancer aux citoyens des appels à protester librement. Mais comme le mouvement démocratique ne montrait aucun signe de se calmer, Bahreïn a fait volte face et décrété l’état d’urgence le 15 mars, et a même enrôlé des contingents militaires d’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis pour aider à contenir l’effervescence politique dans le royaume.
Le BCHR a émis des déclarations la semaine dernière accusant les forces armées de Bahreïn et de leurs alliés saoudiens et émiratis de commettre des « massacres ». Rajab donne des entrevues aux médias d’informations internationaux au sujet de la violence utilisée par le gouvernement pour disperser les manifestants et des tueries aveugles commises par les forces armées.
D’après Human Rights Watch, on a confirmé la mort de quatre manifestants et de trois policiers pendant les troubles des 15 et 16 mars, et l’arrestation depuis une semaine de plus de 10 autres personnes. Parmi les personnes arrêtées on compte des dirigeants de l’opposition qui avaient demandé le renversement de la monarchie et des médecins qui s’étaient plaints du recours à une force excessive contre les manifestants. Certains membres du plus important parti chiite d’opposition de Bahreïn, le Wefaq, ont déclaré le 20 mars qu’ils croyaient que plus de 100 personnes ont été arrêtées.
« Le gouvernement les prive de leur liberté d’une manière totalement arbitraire, apparemment à cause de leur rôle dirigeant dans des manifestations non violentes pour exiger la démocratie », dit Human Rights Watch. « À l’heure actuelle, les avocats et les familles des personnes arrêtées ne savent même pas qui les détient ni où elles sont détenues. »
Abdeljalil Alsingace, blogueur et chef du bureau des droits de la personne du Mouvement Haq pour la Liberté et la démocratie (Haq Movement for Liberty and Democracy), un groupe pro-démocratie et de défense des libertés civiles, a été ramassé le 16 mars, selon ce que rapporte le Comité des écrivains en prison du PEN International (Writers in Prison Committee, WiPC), qui presse les gens d’envoyer des lettres pour exiger sa remise en liberté.
Un membre de la famille Alsingace a confié au Secrétariat de l’IFEX qu’Alsingace avait à toutes fins utiles été enlevé : on l’a tiré du lit en pleine nuit sans être vêtu convenablement, sans ses verres ni un moyen de déplacement, parce qu’il a besoin de béquilles ou d’un fauteuil roulant. Ses filles se sont réveillées pour constater que plusieurs armes à feu étaient pointées dans leur direction; elles ont craint que leur père ne fût abattu sous leurs yeux.
Alsingace a été arrêté en août dernier dans une rafle de dissidents suspects. Il a été accusé, en même temps que 22 autres personnes, de financer et de diriger « un réseau terroriste ». Une des allégations consistait en contacts présumés avec des groupes étrangers, dont des membres de l’IFEX. Cette fois-ci, il a fallu deux mois à la famille pour découvrir où il était détenu. Le mois dernier, au beau milieu de leur procès, le Roi Hamad bin Isa al-Khalifah les a libérés.

D’après Human Rights Watch, l’Agence officielle de nouvelles de Bahreïn a déclaré que les Forces de Défense de Bahreïn ont arrêté cette fois « plusieurs dirigeants du réseau séditieux qui avaient réclamé la chute du régime et qui entretenaient des contacts avec des services de renseignement de pays étrangers ». Certains reportages télévisés non confirmés indiquent qu’ils auraient été emmenés en Arabie saoudite.
Depuis le 17 mars, un grand nombre de militants de l’opposition politique, de journalistes et de défenseurs locaux des droits ont été arrêtés chez eux ou sont entrés dans la clandestinité pour éviter d’être arrêtés ou harcelés, selon ce que rapporte Human Rights Watch. Plusieurs d’entre eux cherchent à quitter le pays à la suite de menaces proférées contre eux sur Facebook, Twitter et d’autres sites de médias sociaux. Certains sont portés disparus, et on ne sait s’ils se cachent ou s’ils sont détenus. C’est le cas notamment de la journaliste Lamees Dhaif, qui « a exprimé récemment son opposition aux politiques du gouvernement », dit le BCHR.
Lorsqu’il a appris la nouvelle des arrestations, le blogueur réputé Ali Abdulemam, connu sous le sobriquet de « parrain blogueur » pour avoir créé à Bahreïn le premier forum en ligne, libre et non censuré, consacré au débat politique et social, a quitté son domicile quelques minutes avant que la police n’y procède à une descente et s’est caché, selon ce que rapportent des sources de Index on Censorship et Reporters sans frontières (RSF). La BBC dit que sa femme, qui s’est montrée très incisive pendant ses mois passés en détention, refuse aujourd’hui de donner des entrevues par crainte de représailles.
« Bahreïn revient rapidement à l’État policier des années 1990 », dit Human Rights Watch. « Les autorités devraient cesser d’arrêter les militants des droits et les médecins qui dénoncent les violations, et devraient libérer tous ceux qui sont détenus indûment.»
Source: Communiqué de l'IFEX

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