vendredi 5 mars 2010

L’Europe à la peine

Avec le traité dit simplifié de Lisbonne, approuvé à la fin 2009 par les 27 Etats-Membres, l’Union européenne devait entrer dans une ère nouvelle, en laissant derrière elle les palinodies institutionnelles, avec une identité et une organisation renforcées lui permettant de mieux s ‘affirmer, et d’être plus efficace dans la gestion des crises et des mutations du temps présent et à venir.
Bien sûr, il est encore trop tôt pour formuler un jugement péremptoire sur ce nouveau système de pouvoir européen mais même les plus europhiles reconnaissent que les débuts ne sont guère satisfaisants. L’Europe est à la peine sur tous les fronts et son positionnement dans le monde s’affaiblit, appelant des changements plus profonds, plus difficiles que ceux portant sur les seules institutions, en fait une véritable conversion des mentalités et des comportements. Cela paraît bien loin d’être acquis tant les Etats désirent conserver leur souveraineté, tant les positions nationales, fruits de l’histoire et de la géographie, sont parfois éloignées. Il ne suffit pas d’exhortations ou d’arrangements institutionnels pour changer la réalité, comme en témoigne un rapide tour d’horizon des grandes questions posées à l’Europe.

La place de l’Europe dans l’économie mondiale d’abord
Selon les termes de l’agenda de Lisbonne adopté par les Chefs d’Etat en 2000, l’Europe ambitionnait d’être en 2010 « la zone la plus dynamique et la plus compétitive du monde », avec une économie fondée sur le savoir, capable d’une croissance durable créatrice de plus d’emplois, de plus d’emplois qualifiés surtout. Le constat est qu’en 2010, l’Europe n’est ni la plus dynamique, ni la plus attractive. L’Asie décolle, les Etats-Unis redémarrent à plus vive allure que le vieux continent dont les perspectives de reprise économique apparaissent, au mieux, médiocres. Les amortisseurs sociaux ont rempli leur fonction durant ces deux dernières années de crise économique mais ils risquent de se transformer en freins , si les réformes nécessaires ne sont pas menées avec célérité et détermination. L’Europe méridionale inquiète, l’Europe baltique subit l’impact dévastateur de la crise (22,8% de chômeurs en Lettonie, 18% de régression du PIB en 2009), la zone euro connaît des turbulences qui amènent certains à prédire son éclatement et beaucoup à en discuter le bien fondé économique. L’objectif, référence constante de la Banque Centrale européenne, d’une inflation limitée à 2% est même discuté par le FMI dans une récente étude sur la sortie de crise qui préconise de laisser filer l’inflation jusqu’à 4% pour redonner de la marge aux instruments de politique économique.

Au plan politique ensuite, l’Europe n’est guère flamboyante
Le traité simplifié ne mérite pas son nom quand on considère la gouvernance compliquée de l’Europe. Comme souvent, des institutions nouvelles sont créées sans que celles qui existaient s’effacent, apportant un peu plus de confusion.
Le choix de personnalités de qualité mais sans grand charisme comme le Président de l’Union européenne et le Haut Représentant pour les affaires étrangères et la sécurité témoigne de ce que les Etats-Nations ne sont prêts qu’à des sacrifices de souveraineté limités. Voit-on la Chancelière allemande, le Président français ou le Président du Conseil italien céder la seconde place quand ils peuvent occuper la première ou s’armer de patience sur des sujets qui appellent des réactions rapides, visibles et qui mettent en jeu leurs intérêts nationaux ou leur prestige face à leurs électeurs ? De ce point de vue, le choix des personnalités est heureux mais Henry Kissinger n’a pas encore son numéro de téléphone pour appeler l’Europe.
Joseph Richard
Source: www.leconomiste.com.tn

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