jeudi 12 mai 2011

Michelle Bachelet : médecin, stratège militaire et chef d'État

C'est grâce à son courage et à sa détermination au moins autant qu'aux circonstances qu'une femme médecin reconvertie dans la politique est devenue la première présidente du Chili, avant d'agir aujourd'hui en faveur de l'égalité des sexes dans le monde.
Agnostique déclarée. Divorcée, mère de trois enfants. Chanteuse de musique folk à ses heures : dans un pays aussi religieux et conservateur que le Chili, le docteur Michelle Bachelet n'avait a priori rien du profil du politicien idéal.
Mais la première femme à avoir été élue démocratiquement à la tête d'un pays d'Amérique du Sud n'a jamais eu peur des contradictions. Elle a su au contraire les mettre à profit.
« Nous avons ouvert les portes et les fenêtres pour laisser entrer les citoyens ordinaires, pour les encourager à participer », a-t-elle déclaré au New York Times, à propos des diverses facettes de son passé qui l'ont finalement aidée à se faire élire présidente.
Ancienne prisonnière politique devenue membre du gouvernement, Mme Bachelet s'est employée, en qualité de ministre puis de présidente, à établir une démocratie stable pendant la transition qui a suivi la dictature militaire répressive du général Augusto Pinochet.
Médecin de formation - épidémiologiste et pédiatre - sa propension à soigner se double d'un talent de stratège militaire, peut-être encore plus prononcé. Elle a étudié les sciences militaires à l'Académie nationale d'études stratégiques et politiques du Chili et au Collège interaméricain de défense de Washington. Elle a remporté la course à la présidence dès sa première campagne.
Et à 59 ans, Mme Bachelet n'est pas près d'avoir fini sa carrière. Récemment nommée à la tête du nouvel organisme des Nations unies, ONU-Femmes, elle poursuit inlassablement son chemin - cette fois au premier rang de la lutte mondiale pour l'égalité des sexes.
« J'ai appris, dans ma famille, que tous les individus devraient avoir les mêmes chances et que la justice et la dignité étaient essentielles. C'est donc dans mes gènes de croire que les gens ont des droits et de penser que nous sommes tous différents et que c'est une très bonne chose car c'est ce qui fait que le monde est plus intéressant », a-t-elle expliqué dans un entretien avec Barbara Crossette publié dans la revue The Nation.
Ces idéaux ont été mis à rude épreuve en 1973 lorsque le président de l'époque, Salvador Allende, a été chassé du pouvoir par le militaire Pinochet. Le père de Mme Bachelet, un général de l'armée de l'air haut placé dans le gouvernement d'Allende, a été placé en détention militaire pour trahison. Il est mort d'une crise cardiaque après avoir été torturé.
Cela n'a en rien atténué l'engagement politique de Mme Bachelet. Elle s'est au contraire davantage investie dans le Mouvement de la jeunesse socialiste. Ce n'est que lorsque sa mère et elle ont quitté le pays pour l'Australie en 1975, après avoir été incarcérées dans des centres de torture du régime de Pinochet, qu'elle a réduit ses activités.

Malgré ce qu'elle a subi pendant ces premières années d'engagement politique, Mme Bachelet s'est par la suite délibérément employée à remédier aux inégalités de la société chilienne. Après avoir été nommée ministre de la Santé en 2000, sous la présidence de Richard Lagos, elle a amélioré l'accès de la population au système de santé public. En 2002, elle est devenue la première femme ministre de la Défense d'Amérique latine. Elle a alors activement favorisé la réconciliation de l'armée et de la société civile, en réformant et en modernisant l'armée chilienne.
« Parce que j'ai été victime de la haine, j'ai consacré ma vie à transformer la haine en compréhension, en tolérance et - pourquoi ne pas le dire - en amour », a-t-elle déclaré dans le discours qui a suivi sa victoire à l'élection présidentielle de 2006.
Bien qu'elle ait commencé sa carrière comme médecin, avant de rapidement monter en grade jusqu'à devenir ministre de la santé, Mme Bachelet a toujours été influencé par la carrière militaire de son père.
« J'ai remarqué que l'incompréhension entre le monde militaire et le monde civil était l'un des obstacles à une véritable démocratie. Ils parlaient différentes langues. Je voulais remédier à cette situation. Je pouvais servir d'intermédiaire entre ces deux mondes », a-t-elle déclaré au Guardian à propos des études postsecondaires qu'elle a entreprises dans le domaine des sciences militaires et qui l'ont conduite à devenir la première femme ministre de la Défense du Chili en 2002.
Malgré tous ses succès, Mme Bachelet n'a pas toujours fait l'unanimité. Elle a été abondamment critiquée pour la politique de son gouvernement en matière d'éducation, ainsi que pour l'échec d'un ambitieux projet de transports publics et une série de conflits du travail sans fin. Mais sa cote de popularité, qui dépassait 84 % lorsqu'elle a quitté ses fonctions en mars 2010, est la plus élevée de tous les présidents de l'histoire du Chili.
Ce succès n'a en rien entamé sa détermination à relever le prochain défi qui l'attend. En juillet 2010, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon l'a nommée à la tête du nouvel organisme des Nations unies, ONU Femmes.
Peu après sa nomination, Radio ONU a diffusé une interview dans laquelle Mme Bachelet n'hésitait pas à décrire les difficultés auxquelles elle faisait face dans son nouveau rôle. « Dans de nombreuses régions du monde, la situation des femmes est très difficile. Elles n'ont pas les mêmes possibilités que les hommes en ce qui concerne les droits les plus fondamentaux. Elles sont victimes de discrimination, leurs droits sont bafoués. Il existe encore des endroits où les femmes sont mutilées. Je suis convaincu que nous devons travailler sans relâche pour améliorer leur condition et je sais qu'il s'agit ... d'un travail très difficile ».

algré tous les honneurs qu'elle a reçus dans son rôle de femme chef d'État, Mme Bachelet ne s'est jamais départie de la vision d'un avenir meilleur qui l'animait lorsque, jeune et idéaliste, elle combattait le régime oppressif qui avait tué son père.
Comme elle l'a expliqué au New York Times, « Ce qui m'intéresse le plus, ce que je continue de privilégier, c'est moins de se pencher sur le passé que de créer un meilleur avenir ».
Par Karen Calabria
Karen Calabria est une journaliste indépendante basée à New York.
(Diffusé par le Bureau des programmes d'information internationale du département d'Etat. Site Internet : http://iipdigital.usembassy.gov/iipdigital-fr/index.html)

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