lundi 24 mai 2010

Dérapages de Wall Street: La plus importante réforme du marché financier américain depuis les années trente

Le Sénat a approuvé jeudi soir la plus vaste refonte du système de régulation ancière américain depuis les années 1930. Le projet de la loi vise à éviter une nouvelle édition de la crise financière. Aurait-il été efficace?
"On ne pourra plus parier avec l'argent des gens", a déclaré le chef de la majorité démocrate Harry Reid à l'issue du vote de la réforme du système de régulation financière, ce jeudi. "Lorsque ce projet de loi sera promulgué, le rodéo à Wall Street sera terminé". Mais la réforme du Sénat apporte-t-elle vraiment des solutions aux déficiences qui ont conduit à l'effondrement du système?
Les banques ont proposé des prêts abusifs à des ménages sans ressources. Tout a commencé aux Etats-Unis parce que des instituts de crédit ont fourgué des crédits hypothécaires à taux variables subprime à des millions d'Américains sans ressources. Que fait la réforme pour résoudre ce problème ? Elle crée un organisme de protection du consommateur financier pour surveiller les abus. Malheureusement, certains établissements, notamment les petites banques, échapperaient à sa supervision, puisque l'agence ne s'occuperait que des banques détentrices de plus de 10 milliards de dollars d'actifs. Par ailleurs, le gouvernement aurait voulu aller plus loin en obligeant les prêteurs à proposer des crédits aux conditions claires, à taux fixes, sans pièges cachés dans le contrat...
La titrisation a disséminé le risque à travers des produits complexes et opaques. Le problème des subprimes aurait été gérable si les prêts défaillants étaient restés sur le bilan des prêteurs. Sauf que ces prêts ont été titrisés, et ces produits dérivés ont été revendus aux grandes banques mondiales, disséminant ainsi le risque à travers l'ensemble du système financier. Pour empêcher les émetteurs de la titrisation de se débarrasser entièrement du risque, la réforme les oblige à retenir au moins 5% du risque attaché à ces prêts. Le texte prévoit aussi une régulation plus stricte du marché des produits dérivés, qui ne seraient plus commercialisés que sur des plateformes transparentes, et non de gré à gré. Le risque de défaut ne disparaît pas pour autant : il est simplement transféré à la chambre de compensation, mais au moins la transparence est accrue.
Les banques de dépôts se sont exposées au risque. Dans la dernière crise, les banques de dépôts ont été tentées d'accroître leurs revenus en jouant sur les marchés, quitte à s'exposer à davantage de risque. C'est ainsi que Citigroup a subi 22 milliards de pertes... Même s'il ne rétablit pas formellement le Glass-Steagall Act de 1933, le texte de la réforme s'inspire de la règle Volker pour séparer davantage les activités de banques de dépôt de celles des banques d'investissement. Ainsi, si les hedge funds prennent des paris risqués et perdent, ils pourront faire faillite "de leur côté" sans entraîner avec eux les dépôts des épargnants. Le texte interdirait notamment aux banques de commercialiser certains produits dérivés, appelés "swaps". Cette dernière mesure, farouchement combattue par Wall Street parce qu'elle concerne les produits les plus lucratifs, pourrait subir des modifications lors des négociations à venir avec la Chambre.
Des agences de notation aveugles au risque. Les produits complexes contenant des actifs subprime n'auraient peut-être pas eu autant de succès auprès des banques si les agences de notations ne les avaient pas estampillés de la note maximale. AIG aurait par exemple eu plus de mal à assurer les CDO détenus par les grandes banques... Une des sources du problème étant que ces agences étaient incitées à surnoter les produits financiers puisque ce sont les émetteurs qui les payent. Si S&P mettait une mauvaise note, la banque se tournait vers sa concurrente Fitch ou Moody's... Pour résoudre ce conflit d'intérêt, la réforme prévoit que les autorités publiques désignent une seule agence de notation pour évaluer un produit. Ainsi, la banque ne peut plus faire jouer la concurrence. Reste que le conflit d'intérêt n'explique pas tout et que les agences de notation ne sont pas à l'abri d'erreurs de jugement.
Des banques trop grosses pour faire faillite. Une fois le bilan des grandes banques contaminé par les actifs toxiques, l'Etat s'est rendu compte qu'il ne pouvait se permettre de les abandonner, car leur faillite aurait été dévastatrice pour le reste de l'économie. Une situation qui a conduit au « hasard moral » chez les banques, qui savaient que, quel que soit les risques qu'elle prennaient, l'Etat était obligé de les sauver. De fait, l'Etat a dû débourser 700 milliards de dollars pour sauver en catastrophe AIG, Freddie Mac et Fannie Mae ainsi que Citigroup. Pour éviter que le contribuable ne ramasse à nouveau la facture, la réforme doit créer le Conseil de surveillance de la stabilité financière. Celui-ci pourrait suggérer des exigences de fonds propres plus strictes pour les grosses institutions financières, qui seraient par ailleurs tenues de préparer un plan de démantèlement ordonné. Surtout, les autorités publiques auraient la possibilité de prendre le contrôle d'une institution en difficulté, bancaire ou autre, et de la contraindre à se séparer d'activités risquées. En cas de liquidation, un fonds de compensation alimenté par les banques serait instauré a posteriori pour gérer l'opération sans frais pour le Trésor. La version de la Chambre des représentants est à cet égard plus ambitieuse, puisqu'elle prévoit la création préventive d'un fonds de compensation de 150 milliards de dollars.... La réforme du Sénat aurait également pu aller plus loin en instaurant une limite à la fois à la taille du bilan des banques, et à leur niveau d'endettement. Mais le gouvernement préfère compter sur le comité de Bâle pour définir des ratios de liquidité et de fonds propres. En tout les cas, l'ère des méga-banques est loin d'être terminée.
Source: www.lexpansion.com

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