mardi 5 janvier 2010

Etat-Entreprise

L’Etat et l’entreprise… Eternel sujet de débat qui resurgit depuis toujours aux premiers signes de convulsion des économies. C’est quand le navire tangue et menace de chavirer que le recours à l’Etat–pilote s’impose, fut-ce comme un mal nécessaire. La crise financière et économique internationale de l’été 2008, un vrai séisme planétaire d’une amplitude qui rappelle celle de la grande dépression de 1929, a plus qu’à un autre moment, sonné le retour de l’Etat et plus encore celui du politique qui s’est effacé au profit d’une dérégulation dont on mesure aujourd’hui les limites.
L’Etat, que des dirigeants adeptes d’ultralibéralisme ont réduit à sa plus simple expression au motif que moins il intervient, plus grande sera l’efficacité globale de l’économie, est de nouveau de retour pour redresser les économies et remettre de l’ordre là où le désordre était érigé en règle.
Fin 2008, au plus fort de la crise et d’une lame de fond qui menaçait de tout emporter sur son passage, banques et entreprises, fleurons du capitalisme mondial s’accrochaient aux basques de l’Etat-protecteur pour éviter le naufrage. Aux Etats-Unis, en Europe et ailleurs, au cœur même des temples du libéralisme triomphant et dominateur, la crise a révélé la faillite du libéralisme débridé plus encore que celle des banques et entreprises pourtant bien réelle, au point qu’il a fallu recourir en catastrophe à leur renflouement voire - le comble ! - à la nationalisation de certaines d’entre-elles. Situation extrême imposée par l’urgence du moment et la gravité de la crise dont on s’efforce aujourd’hui à en effacer les traces.
Ces thérapies de choc ont eu l’effet escompté. Moins d’un an après, les banques, renflouées à coup de milliards de dollars et d’euros ont pu remonter la pente grâce notamment à l’étendue des plans de relance mis en œuvre aux Etats-Unis, en Europe, au Japon et dans les pays émergents d’Asie, Chine en tête. Les banques, hier en détresse financière, s’empressent aujourd’hui de rembourser ce qu’elles doivent aux Etats, pour desserrer la contrainte publique et retrouver toutes leurs marges de manœuvre.

Faut-il conclure que la parenthèse se ferme et que l’on revienne à la case départ, à la situation d’avant-crise comme si de rien n’était ? Il paraît peu probable que les Etats, de quelque coloration politique qu’ils soient, se résignent à ce scénario qui n’a pas la faveur – tant s’en faut – de l’opinion publique. Le monde est passé à côté d’un immense désastre pour que l’on puisse se permettre de renouer avec des pratiques dont tout le monde s’accorde à dire qu’elles sont répréhensibles et potentiellement dangereuses.
Sans une stricte régulation et sans une nouvelle forme de régulation mondiale –G14, G20 voire…–, le monde s’expose à des crises récurrentes aux effets de plus en plus dévastateurs. L’économie mondiale ne résistera pas aux conflagrations qui surviendront à coup sûr en l’absence de véritables mesures de régulation.
La crise de l’été 2008 qui a fait vaciller la planète-finance et ébranler la sphère de l’économie réelle jusqu’à acculer au dépôt de bilan des géants de l’industrie et de la finance qu’on croyait immunisés à vie, serait au fond une crise morale à force d’excès, de dérives et de dérapages des « global compagnies ».
Comment dès lors espérer et s’attendre à voir triompher une quelconque morale dans des secteurs d’activité, par nature peu compatibles pour le moins avec la morale.
La mise en place de normes contraignantes, la supervision et la régulation par l’Etat – voire les Etats dans le cadre d’une gouvernance mondiale – sont nécessaires pour rétablir et entretenir un climat de confiance et conjurer cette crise morale.
Hédi Mechri
Source: www.leconomiste.com.tn

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