mardi 19 avril 2011

Les prix alimentaires montent en flèche et restent volatiles

Washington - L'indice des prix alimentaires est supérieur de 36 % au niveau qui était le sien il y a un an, constate la Banque mondiale dans la dernière édition de son rapport « Food Price Watch », et la volatilité des prix ne se dément pas.
L'indice des prix alimentaires demeure proche de son record de 2008, font observer les auteurs du rapport.
Au cours d'une conférence qui a suivi la publication du rapport, le 14 avril, le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, s'est alarmé du niveau élevé et de la volatilité des prix alimentaires, dans lesquels il voit la plus grave menace qui plane sur les plus démunis de la planète. « Déjà, a-t-il noté, 44 millions de personnes sont tombées sous le seuil de pauvreté depuis juin dernier. »
Les données recueillies auprès de 46 pays entre 2007 et 2010 révèlent que les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire enregistrent une inflation des prix alimentaires supérieure à celle des pays plus nantis, selon le rapport.
C'est le prix du maïs qui a enregistré la plus forte augmentation, ayant affiché une hausse de 74 % depuis 2010. Le blé a augmenté de 69 % depuis l'année dernière, le soja de 36 % et le sucre de 21 %. En revanche, les prix du riz sont restés stables.
Contrairement au pic des prix alimentaires de 2008, et c'est là une différence essentielle, les hausses des prix concernent un large éventail de produits alimentaires de base. Certains pays ont enregistré une augmentation importante du prix de produits alimentaires autres que des céréales et qui sont indispensables à une alimentation équilibrée, ce qui est le cas des fruits, des légumes, de la viande et de l'huile de table.
Ces hausses s'expliquent par la conjugaison de plusieurs facteurs, à commencer par les conditions météorologiques extrêmes dans les principaux pays exportateurs de céréales (Russie, Kazakhstan, Canada, Australie et Argentine). À cela s'ajoutent la concurrence accrue sur la terre et l'utilisation de maïs, d'huile de table et de sucre pour la production de biocarburants. De surcroît, le prix du pétrole brut a augmenté de 36 % par rapport à il y an un. Il y a également lieu de noter que la croissance des revenus dans les économies qui se développent s'accompagne de l'augmentation de la consommation de viande, elle-même liée à la hausse du coût de fourrage. Dans le même temps, les stocks mondiaux des produits de base n'ont jamais été aussi faibles, selon le rapport.
Les enjeux de la volatilité des prix ont été l'un des principaux dossiers sur lesquels se sont penchés les grands dirigeants de la planète lors des réunions de printemps de la Banque mondiale et du Fonds monétaire International qui se sont tenues à Washington les 16 et 17 avril.
Lors de sa conférence de presse, M. Zoellick a plaidé en faveur de l'élaboration d'un nouveau « code de conduite » concernant les embargos à l'exportation des produits céréaliers et demandé que soit tout au moins exemptée l'aide humanitaire, par exemple celle fournie par le Programme alimentaire mondial.
De l'avis du haut responsable, c'est en offrant des programmes de nutrition bien ciblés que la Banque mondiale et les banques régionales de développement peuvent venir le plus rapidement en aide aux populations vulnérables, stratégie qu'il estime préférable au contrôle des prix et aux augmentations de salaire généralisées.
D'autre part, le rapport préconise l'assouplissement des cibles fixées en matière de biocarburants lorsque les prix alimentaires dépassent certains seuils, et ce de manière à réduire la demande des matières premières utilisées dans la production de ces carburants.
Sur le court terme, a dit M. Zoellick, le Programme d’intervention en réponse à la crise alimentaire mondiale (GFRP) mis en place par la Banque mondiale investit 1,5 milliard de dollars dans la fourniture de semences améliorées et de systèmes d'irrigation et de stockage destinés à venir en aide à quelque 40 millions de personnes vulnérables réparties dans 44 pays. Sur le plus long terme, la Banque mondiale s’emploie à augmenter ses dépenses dans le domaine de l’agriculture pour les porter à 7 milliards de dollars par an, contre 4,1 milliards en 2008.
Comme le montre le « compteur de la faim » que la Banque mondiale affiche sur sa façade à Washington, la planète compte près d'un milliard de personnes en état de malnutrition, et à chaque minute qui passe 68 personnes de plus viennent grossir leurs rangs, a rappelé M. Zoellick.
« Il faut placer l'alimentation avant tout et protéger les pauvres », a-t-il insisté.
Le lecteur peut consulter le rapport « Food Price Watch » sur le site de la Banque mondiale.
Par Kathryn McConnell
Rédactrice
(Les articles du site «IIP Digital» sont diffusés par le Bureau des programmes d'information internationale du département d'Etat. Site Internet : http://iipdigital.usembassy.gov/iipdigital-fr/index.html)

Cuba: Le dernier journaliste incarcéré est libéré et part en exil

Le dernier journaliste cubain toujours en prison, Albert Santiago Du Bouchet Hernández, a été libéré le 7 avril et exilé en Espagne, selon ce que rapportent le Comité des écrivains en prison du PEN International (WiPC), Reporters sans frontières (RSF) et le Comité pour la protection des journalistes (CPJ). Ceci met fin à « une époque noire de huit ans au cours de laquelle ce pays insulaire fut l’un des pires geôliers de la presse », étant même allé à un moment jusqu’à emprisonner près de 30 reporters et écrivains indépendants, dit le CPJ.
Du Bouchet Hernández a été libéré en même temps que 36 prisonniers politiques et plus de 200 membres de leurs familles, rapportent les membres. Le CPJ a qualifié ce jour d’« événement déterminant dans un effort intensif et international de défense mené par l’Église catholique, le gouvernement espagnol et les groupes internationaux de défense de la presse et des droits de la personne ».
L’ancien directeur de l’agence de nouvelles indépendante Havana Press en était à purger la deuxième année d’une peine de trois ans pour « irrespect à l’égard de l’autorité » et pour avoir distribué de la propagande ennemie. Sa libération qui fait date survient un mois après la remise en liberté des derniers journalistes dissidents toujours détenus depuis la répression de mars 2003 contre la dissidence, connue sous le nom de « Printemps noir ».
Le Président Raul Castro avait consenti en juillet 2010 à libérer les 52 prisonniers politiques restants qui avaient été épinglés lors du Printemps noir, à qui on avait fait subir un procès secret, d’une seule journée, lors desquels ils avaient dû répondre à de vagues accusations de délits hostiles à l’État, et à l’issue desquels ils avaient été condamnés à des peines allant jusqu’à 27 ans de prison. L’entente a mené à la plus importante remise en liberté de prisonniers politiques en plus d’une décennie, mais le processus - prévu pour durer quatre mois - s’est étiré sur huit mois.
Au départ, seuls ceux qui acceptaient de s’exiler en Espagne étaient libérés. D’après le CPJ, l’exil de Cuba ne constituait pas une condition de l’entente, mais trois journalistes seulement arrêtés lors du Printemps noir, Héctor Maseda Gutiérrez, Iván Hernández Carrillo et Pedro Argüelles Morán, ont été autorisés à rester à Cuba après avoir refusé l’exil comme condition de leur remise en liberté. Ils ont été mis en liberté conditionnelle.
Du Bouchet Hernández n’était inclus directement dans l’entente de 2010, mais sa remise en liberté a été accompagnée de la même condition de l’exil.
Les journalistes nouvellement libérés ont raconté leur incarcération et leur libération dans une série de reportages, Après le Printemps noir, sur le blogue du CPJ.
En dépit de ce dernier geste de conciliation, les journalistes indépendants continuent de subir harcèlement et intimidation en raison de leur travail. D’après RSF, le journaliste espagnol Carlos Hernando, collaborateur au groupe de médias espagnol Intereconomía et auteur d’un court documentaire sur about le journaliste cubain dissident Guillermo Fariñas, a été arrêté la semaine dernière et détenu pendant cinq heures à La Havane. Accusé d’« activité contre-révolutionnaire », il a reçu l’ordre de quitter Cuba dans les 48 heures.
Lauréat du Prix Sakharov 2010 de la Liberté de penser décerné par le Parlement européen, Fariñas a été mis en résidence surveillée la semaine dernière chez lui à Santa Clara, après que de nouvelles manifestations se furent déroulées dans sa ville, indique RSF.
Source:Communiqué de l'IFEX

Prix / Iran / Journée mondiale de la liberté de la presse: Un journaliste iranien emprisonné remporte le Prix mondial de la Liberté de la presse

En 2009, le journaliste iranien bien connu Ahmad Zeidabadi faisait partie des dizaines de journalistes arrêtés après la réélection du Président Mahmoud Ahmadinejad et accusés de complot en vue de renverser le gouvernement par une « révolution en douceur ». Il a été condamné à six ans de prison, à cinq ans d’exil et il a été interdit à vie de pratiquer le journalisme. En 2011, il se voit décerner le Prix mondial UNESCO/Guillermo‑Cano de la Liberté de la presse.
Zeidabadi est l’ancien rédacteur en chef du journal « Azad » et ancien collaborateur au service en langue perse de la BBC - une épine particulièrement irritante au pied du régime iranien.
Zeidabadi a été retenu par un jury international indépendant de 12 professionnels des médias, qui ont rendu hommage à « son courage exceptionnel, à sa résistance et à son engagement envers la liberté d’expression », selon les termes de la présidente du jury, Diana Senghor.
« Au-delà de Zeidabadi, cette récompense honore les nombreux journalistes iraniens qui sont en prison à l’heure actuelle », a-t-elle ajouté. Au moins 26 autres journalistes sont toujours derrière les barreaux.
Ce n’est pas que la prison soit une nouveauté pour Zeidabadi. Selon l’UNESCO, il a été arrêté une première fois en 2000, avant d’être de nouveau incarcéré moins d’un an après sa remise en liberté. Mais les autorités n’ont pu le réduire au silence. En 2000, il a écrit de sa prison une lettre ouverte dans laquelle il protestait contre la façon dont les tribunaux traitent les journalistes emprisonnés. La lettre a été largement distribuée en dépit des tentatives du régime iranien pour la supprimer.
D’après les dépêches, l’épouse de Zeidabadi a déclaré que son mari subit de graves pressions en prison et n’a bénéficié d’aucune permission de sortie depuis son arrestation.
La directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova, qui a appuyé la décision du jury, demande également sa libération. « Pendant toute sa carrière, Ahmad Zeidabadi a défendu avec courage et constance la liberté de la presse et la liberté d’expression.
« À la veille de la Journée mondiale de la liberté de la presse et pour reconnaître la préoccupation exprimée par le jury international au sujet de sa santé et de son bien-être, je demande aux autorités iraniennes de libérer monsieur Zeidabadi de la détention dans laquelle on le maintient. »
L’an dernier, Zeidabadi s’est vu attribuer la Plume d’Or de la Liberté par l’Association mondiale des journaux et des éditeurs de nouvelles (AMJ-IFRA).
Le prix Guillermo-Cano, d’une valeur de 25 000 $US, porte le nom du journaliste colombien Guillermo Cano, assassiné devant son bureau en 1986.
Source:Communiqué de l'IFEX

International: Freedom House examine les moyens de contourner les censeurs de l'Internet

Quel est le meilleur outil pour contourner la censure de l’Internet ? Un nouveau rapport de Freedom House indique que cela dépend du pays où on se trouve - et de la compétence du gouvernement à filtrer le contenu et à surveiller les activités.
Un document intitulé « Leaping Over the Firewall: A Review of Censorship Circumvention Tools » (Sauter par-dessus le mur pare-feu : Revue des outils servant à contourner la censure) compare onze outils de contournement ainsi que d’autres solutions pour éluder la censure, et mesure leur efficacité dans certaines des régions les plus censurées du monde : la Chine, l’Iran, la Birmanie et l’Azerbaïdjan.
Freedom House a constaté que, bien que ces outils de contournement fonctionnent, ils ne constituent pas tous la meilleure solution pour tous les pays. Un réseau pair-à-pair anonyme, par exemple, représente l’outil de préférence en Chine, tandis qu’en Iran, le moyen favori est un outil générique (VPN), étant donné que la majeure partie des accès à l’Internet s’exécutent à partir d’ordinateurs situés à la maison.
« Tandis que les gouvernements répressifs deviennent de plus en plus aptes à filtrer et à censurer le contenu en ligne, ces outils, qui permettent aux usagers d’exercer leurs droits fondamentaux à la libre expression et au respect de la vie privée en ligne, sont devenus essentiels », dit Freedom House. « Mais les risques sont très réels et à eux tout seuls, ces outils ne suffisent pas toujours à fournir une sécurité capable d’empêcher les usagers d’apparaître sur le radar des régimes répressifs. Pour préserver la sécurité en ligne, ces outils doivent ne représenter qu’un élément parmi un certain nombre de mesures que prennent les usagers. »
Freedom House espère que ce rapport aidera les usagers qui opèrent dans un environnement où l’Internet est restreint détermineront quels outils leur sont les plus utiles, tout en aidant également les créateurs de ces outils à apprendre comment leurs outils sont accueillis.
Source: Communiqué de l'IFEX

lundi 11 avril 2011

Dans un nouveau rapport, le CIHRS met au jour les racines des troubles dans le monde arabe

Tandis que les changements continuent de balayer le Moyen-Orient, que les citoyens veulent la démocratie et des garanties pour leurs droits fondamentaux de la personne, on doit se demander : comment en est-on arrivé là ? L’Institut du Caire pour les études sur les droits de la personne (Cairo Institute for Human Rights Studies, CIHRS) recherche la réponse à cette question dans « Roots of Unrest » (Les racines des soulèvements), son troisième rapport annuel sur le monde arabe.
« Roots of Unrest » constate quelques similarités frappantes entre les pays qui sont actuellement le théâtre de révolutions populaires. Entre autres similarités : la détérioration à grande échelle des droits de la personne, même dans des pays censément « stables », et l’absence de volonté politique d’améliorer la situation des droits de la personne; des lois souvent utilisées pour discipliner et harceler les opposants, notamment les lois d’urgence et sur le contre-terrorisme; l’impunité généralisée, souvent perpétuée par les autorités; enfin, la censure des médias, surtout sur les questions liées à la famille royale ou à l’islam.
Pays par pays, « Roots of Unrest » décrit en détail « l’accumulation journalière des souffrances et des doléances des populations, qui les ont conduites au point de rupture dans leur face à face avec leurs régimes, autant ceux qui sont déjà tombés que ceux qui attendent leur tour ».
Source: Communiqué de l'IEX

jeudi 7 avril 2011

La coopération internationale est essentielle à la reprise économique mondiale

Washington - La grande leçon à tirer de la récente crise financière mondiale, c'est que « la coopération internationale est indispensable à la stabilité », affirme Dominique Strauss-Kahn, le directeur général du Fonds monétaire international (FMI).
« Les grands enjeux actuels exigent tous une solution concertée », a-t-il déclaré le 4 avril dans un discours à l'université George Washington, à Washington. « La mondialisation doit être perçue comme une entreprise commune. »
De fait, a-t-il ajouté, l'économie mondiale est trop interdépendante pour permettre aux simples intérêts nationaux de prévaloir en période de crise économique. Dès lors, il est dans l'intérêt des pays de miser sur celui « de la planète ».
Les règles de base de politique monétaire et budgétaire qui faisaient naguère l'objet d'un consensus n'ont plus cours. « Tout cet échafaudage s'est effondré sur le passage de la crise », a constaté le directeur général du FMI.
Ce consensus « relève désormais du passé » et il incombe maintenant aux pays « de reconstruire les fondements de la stabilité et de faire en sorte qu'ils résistent à l'épreuve du temps et que la prochaine phase de la mondialisation apporte ses bienfaits à toute l'humanité ».
M. Strauss-Kahn a prôné la création d'une taxe sur les activités financières, l'amélioration de la réglementation financière et un contrôle plus efficace de ce secteur.
L'activité économique mondiale continue à se redresser, a-t-il poursuivi, mais « la reprise est déséquilibrée, au plan international comme au plan national », de sorte que la situation économique mondiale reste fragile et inégale.
La persistance d'un taux élevé de chômage et la présence d'importantes inégalités risquent de « saper la cohésion sociale et la stabilité politique », ce qui peut avoir des répercussions sur la stabilité macroéconomique, a indiqué le haut responsable. Ce dernier a exhorté les pays à se concentrer sur l'inclusion sociale et à corriger les inégalités tandis qu'ils s'emploient à reconstruire leur économie nationale.
« Il nous faut un nouveau type de mondialisation, une mondialisation plus juste, une mondialisation à visage plus humain. Les fruits de la croissance doivent être largement partagés, et non accaparés par quelques privilégiés », a insisté M. Strauss-Kahn.
Dans le monde qu'il envisage, les organisations multilatérales revêtiront une importance croissante dans cette nouvelle phase de la mondialisation. Sous son égide, le FMI a d'ailleurs pris des mesures en conséquence.
Le FMI a non seulement a joué un rôle essentiel durant la crise, a dit M. Strauss-Kahn, mais il s'efforce désormais « de mieux saisir les relations d'interdépendance complexes qui caractérisent l'économie mondiale ».
Il faut en effet que cette institution soit davantage en mesure de prévenir les crises au lieu de se borner à les gérer, a-t-il ajouté.
À cette fin, le FMI a opéré beaucoup de changements. Il a notamment mis en place un nouvel exercice d'alerte avancée afin de mieux prévoir les difficultés financières ; il publie de nouveaux rapports qui examinent « en quoi les politiques nationales de cinq grandes économies systémiques agissent sur le reste du monde » ; et il offre un meilleur suivi des flux de capitaux mondiaux.
De surcroît, M. Strauss-Kahn a indiqué que le FMI œuvrait avec le G-20 de façon à « faire de la coopération un moteur de croissance » et à « renforcer le dispositif mondial de protection financière pour épargner aux pays des revers de fortune soudains ».
Le directeur général estime que le FMI doit renouer avec sa mission originelle, « celle de promouvoir la coopération et de combattre les causes économiques de la guerre ».
Lorsque le FMI et la Banque mondiale tiendront leurs réunions de printemps du 15 au 17 avril à Washington, les défis économiques mondiaux et les solutions à y apporter seront à l'ordre du jour.
Par MacKenzie C. Babb
Rédactrice
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D'une origine modeste au pouvoir absolu : Mouammar Kadhafi

Washington - Le gouvernement libyen était corrompu, son chef insensible au peuple. Les insurgés de Benghazi étaient des inconnus, jeunes et idéalistes.
Nous ne sommes pas en 2011, mais en 1969, et le meneur du coup d'État, c'était Mouammar Kadhafi.
Les historiens qui se sont penchés sur le cas de l'homme fort de la Libye depuis cette date le décrivent comme une personnalité impressionnante mais aussi contradictoire, remarquable par la façon dont il a réussi à parvenir au pouvoir et à s'y maintenir pendant plus de 41 ans.
« Il sera un cas d'étude pour de nombreux futurs dictateurs. Ils regarderont son historique et se demanderont 'Comment a-t-il réussi à le faire' ?, a dit M. Mansour El-Kikhia, un professeur d'origine libyenne au campus San Antonio de l'université du Texas et auteur du livre Libya's Qaddafi : The Politics of Contradiction (La Libye de Kadhafi : la politique de la contradiction).
Fils sérieux et dévot de nomades du désert de Syrte, Kadhafi était, de l'avis de tous, un jeune homme intelligent et idéaliste, inspiré par le dirigeant égyptien Gamal Abdel Nasser qui avait contribué au renversement de la monarchie en 1952 en Égypte. Kadhafi avait dix ans à l'époque. Quatre ans plus tard, Nasser devenait président, prêchant le nationalisme arabe et l'opposition aux empires étrangers.
« Khadafi représentait plus que tout une perspective de la mentalité arabe des années 1950, qui était initialement celle de Nasser », a expliqué M. El-Kikhia. « Le colonel Kadhafi avait retenu les discours du dirigeant égyptien (...) et les discours en question duraient des heures. Alors quand vous commencez à apprendre par cœur les discours de Nasser, ça montre non seulement un engagement à l'égard d'une idéologie et d'une personne mais aussi d'une façon de vivre et de penser. Malheureusement, Nasser est mort avant de pouvoir apprivoiser Kadhafi, si vous me permettez l'expression. Et un enfant qui n'est pas apprivoisé est, dans un sens, un enfant qui n'est pas éduqué. »
Kadhafi n'était qu'un sous-lieutenant inconnu quand les Officiers de la libre union, le groupe auquel il appartenait, renversèrent la monarchie libyenne en septembre 1969 mais il œuvrait en faveur de cet objectif depuis des années, en tant qu'adolescent et étudiant activiste puis, de manière moins visible, en tant qu'étudiant universitaire, ensuite à l'académie militaire et comme officier d'armée. Son nouveau gouvernement devait s'acquitter des promesses faites aux Libyens : ses dirigeants menaient des vies simples au lieu de tirer profit de la corruption ; ils négociaient de meilleurs prix pour le pétrole national ; ils utilisaient les revenus pour améliorer la vie de la population ; et ils mettaient fin à la présence de bases militaires britanniques et américaines à l'expiration de leurs baux.
« Au début, il faisait les choses qui se devaient (...) en sa qualité de héros national », a dit M. Mohamed El-Khawas, auteur de Qadaffi : His Ideology in Theory and Practice (Kadhafi : son idéologie en théorie et en pratique).

Tout comme Nasser avait établi la voie que suivrait Kadhafi, celui-ci a tenté de fournir à d'autres un plan pour leur gouvernement et leur développement économique qui serait une alternative à la démocratie occidentale et au communisme soviétique, à savoir, une approche à la démocratie directe et au socialisme qui était inspirée de l'islam et qu'il a décrite dans son Livre vert, la baptisant Troisième théorie universelle. Selon le colonel Kadhafi, le peuple libyen doit s'autogouverner par le biais de congrès populaires locaux et municipaux dans ses villes et ses lieux de travail, et au niveau national, par celui du Congrès populaire général. Mais MM. El-Kikhia et El-Khawas ont tous deux souligné que Kadhafi, bien que sincère dans son idéologie, devait rapidement commencer à donner la priorité au pouvoir.
« L'idéologie, que vous le vouliez ou non, vous lie les mains, a indiqué M. El-Kikhia. Et c'est pourquoi il s'en était débarrassée. Même dans son propre Livre vert, il ne la suit plus - il ne l'avait jamais suivie, surtout après 1979, quand il avait rejeté les comités populaires. Oublions l'idéologie : elle avait disparue. »
M. El-Khawas a dit qu'il avait fini par douter de la sincérité de Kadhafi quant à son désir de se conformer à ses propres théories. « Je pense qu'il jouait un jeu », a expliqué le professeur d'origine égyptienne qui enseigne à l'université du District de Columbia. « Quand il a créé son système, il y avait un vide au niveau de la direction du pays ; alors il s'en est emparé et il n'y avait personne pour lui demander des comptes et lui dire 'oui, faites ceci ; non, vous ne pouvez pas faire cela'. Alors, il était devenu plus qu'un gouvernement autocratique : il était devenu autoritaire. »

Kadhafi a aussi misé sur la richesse pétrolière de la Libye pour soutenir des mouvements de libération à travers le monde dans l'espoir qu'ils adopteraient ses principes de gouvernement et solliciteraient ses qualités de chef - « moyennant un programme d'aide à l'étranger non négligeable », a dit M. El-Khawas. Personne n'a mordu à l'hameçon, mais au nombre de ceux qu'il a appuyés figurent le dictateur libyen Charles Taylor, aujourd'hui accusé de crimes contre l'humanité, et Foday Sankoh, du Front révolutionnaire uni dont les atrocités commises en Sierra Leone sont notoires.
Dans la Libye de Kadhafi, la vraie structure du pouvoir procède non pas d'élections, mais de comités révolutionnaires nommés. « C'est la politique de la potence. Ils pendent les gens. Ils font ce qu'ils veulent. Ils s'installent chez les gens comme chez eux, s'insurge M. El-Kikhia. Ils fixent les règles et les règlements en fonction des pensées qu'ils imputent à Kadhafi. Ils ne rendent de compte à personne d'autre que lui. Ils sont libres. Ceci dit, Kadhafi leur a dit : 'Si je coule, vous coulez avec moi parce que c'est vous qui faites le sale boulot.' »
Kadhafi se faisait passer pour un homme du peuple. Dans ses déplacements officiels à l'étranger, il emmenait deux chèvres pour avoir du lait à boire et une tente sous laquelle dormir. Mais il n'a pas été à la hauteur de ses aspirations sur la scène internationale : les tentatives visant à unir la Libye à d'autres pays arabes se sont soldées par un échec, à l'image de sa vision d'une Afrique unie dans laquelle il serait « le roi des rois ».
Une féroce répression en Libye, l'assassinat de Libyens en exil qui le dénonçaient et divers attentats, dont l'explosion du vol 103 de la Pan Am au-dessus de Lockerbie (Écosse), ont fait de Kadhafi un paria en Occident. La Grande-Bretagne a rompu ses relations avec lui en 1984 à la suite d'une fusillade depuis l'ambassade de Libye à Londres qui avait tué une policière britannique et blessé dix manifestants.
La Libye a redoré quelque peu son blason dans la communauté internationale en prenant un certain nombre de mesures. Elle a notamment remis les deux suspects de l'attentat de Lockerbie entre les mains de la justice écossaise, dédommagé la famille des victimes, renoncé aux armes de destruction massive et coopéré dans la lutte contre le terrorisme. Selon MM. El-Kikhia et El-Khawas, c'est Saïf, le fils de Kadhafi et son successeur présumé, qui aurait pris l'initiative de ces mesures.
Pour M. El-Khawas, la réaction de Kadhafi au soulèvement populaire en Libye montre qu'il délire. « Je crois, dit-il, qu'il a perdu la tête... Il agit de manière irrationnelle, en fait, parce qu'il est incroyable de tuer des civils en disant que si vous ne m'aimez pas, vous méritez de mourir. »
De son côté, M. El-Kikhia est convaincu que Kadhafi est corrompu jusqu'à la moelle après quarante années au pouvoir. « Ce type n'a aucun scrupule à encercler la ville de Benghazi et à la faire sauter - littéralement sauter. Il n'a pas de dieu qui puisse lui dire non. Pas de conscience qui puisse lui dire non. Pas une seule personne qui puisse lui dire non. »
Par Jeff Baron
Rédacteur
(Les articles du site «IIP Digital» sont diffusés par le Bureau des programmes d'information internationale du département d'Etat. Site Internet : http://iipdigital.usembassy.gov/iipdigital-fr/index.html)