lundi 7 février 2011

Assaut sans précédent de Moubarak contre la libre expression

Ça a commencé quand l'Égypte a fermé Twitter, le site web de partage de vidéos Bambuser et certains journaux indépendants en ligne. Puis ce fut la majeure partie de l'Internet et des réseaux de téléphonie cellulaire du pays. Au 30 janvier, l'Égypte avait mis fin aux opérations de la chaîne de télévision arabe par satellite Al Jazeera, l'accusant d'avoir encouragé les manifestations inspirées par la Tunisie qui se déroulaient à travers le pays et qui se sont accentuées pour devenir un appel à la fin du régime du Président Hosni Moubarak, en poste depuis trois décennies.
Les attaques du gouvernement égyptien contre les journalistes et le black-out sans précédent des services d'Internet et de téléphonie mobile dans le pays ont écrasé les droits à la libre expression, d'assemblée et d'association et doivent cesser immédiatement, disent l'Institut du Caire pour les études sur les droits de la personne (Cairo Institute for Human Rights Studies, CIHRS), l'Organisation égyptienne de défense des droits de la personne (Egyptian Organization for Human Rights, EOHR), le Réseau arabe d'information sur les droits de la personne (Arabic Network for Human Rights Information, ANHRI) et un nombre grandissant de membres de l'IFEX.

« Ces mesures ont eu pour effet de supprimer la parole des manifestants légitimes et de les faire taire et ont posé d'importants obstacles à beaucoup d'autres, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur du pays, qui veulent partager ou accéder à de l'information sur les manifestations et les violations des droits de la personne qui sont survenues pendant cette période. La censure totale par l'Égypte de l'Internet et des communications par téléphonie mobile tend également à encourager les autres gouvernements de la région et d'au-delà à adopter des mesures similaires », peut-on lire dans la déclaration conjointe de l'IFEX mise au point par ARTICLE 19 et signée jusqu'à maintenant par plus de 35 groupes membres.
Le gouvernement a débranché l'Égypte de la grande toile pendant une semaine d'escalade des manifestations publiques, qui ont commencé le 25 janvier après une campagne organisée sur Internet en faveur d'une « Journée nationale de colère » dans le cadre de protestations anti-gouvernementales.
Les manifestants ont défié les gaz lacrymogènes, les canons à eau et le couvre-feu imposé par le gouvernement et ont tenu chaque jour des manifestations de protestation de masse dans un grand nombre de grandes villes, comme au Caire, à Alexandrie, à Suez et à Ismailiya. Les manifestations ont été en grande partie non violentes, mais des centaines de personnes auraient été tuées dans des affrontements avec la police.
D'après les dépêches, les manifestants veulent le départ de Moubarak, au pouvoir depuis 30 ans. Ils disent en avoir assez après des décennies de lois d'urgence, de pauvreté, de répression, d'élections, de corruption, de chômage élevé et de violations constantes des droits par la police.

L'annonce faite par Moubarak le 1er février, dans laquelle il déclare qu'il ne sera pas candidat aux élections en septembre, n'a pas eu pour effet de calmer les manifestants, qui espéraient un départ plus immédiat. Par ailleurs, des affrontements ont éclaté au Caire entre manifestants favorables et d'autres hostiles au gouvernement.
Des journalistes, tant locaux qu'étrangers, qui tentaient de couvrir les manifestations ont été détenus et tabassés, rapportent les membres de l'IFEX.
Les premiers reportages indiquent que Anderson Cooper, de CNN, Jerome Boehm de la BBC et Lara Setrakian d'ABC News figurent parmi ceux qui ont été agressés le 2 février par des partisans de Moubarak, indique Reporters sans frontières (RSF). Les équipes qui travaillent pour CNN, la BBC et Al Jazeera se sont plaintes d'être attaquées par des policiers en civil, qui ont détruit leur équipement. Six journalistes d'Al Jazeera en anglais ont été détenus brièvement le 31 janvier, et se sont fait confisquer leur équipement et leurs rubans, selon ce que rapporte le Comité pour la protection des journalistes (CPJ). D'autres reporters ont été empêchés d'entrer en Égypte.
Le 2 février, des partisans de Moubarak ont tenté d'attaquer Dar el Shorouk, une maison d'édition de l'Union internationale des éditeurs (UIE) basée au Caire. Ils en ont été empêchés par des gardiens de sécurité, des journalistes et des voisins qui se sont « précipités à la défense de la maison d'édition », dit l'UIE. « Le gouvernement a recours à des fiers-à-bras pour revenir sur les concessions qu'il a faites hier, et pour rétablir l'ordre de l'ancien régime. C'est une attaque contre les droits de la personne des citoyens égyptiens », a déclaré Ibrahim El Moallem, de Dar el Shorouk.

La directrice et rédactrice en chef du quotidien en ligne « Al Masry al-Youm » en anglais, Lina Attallah, couvrait la manifestation le 25 janvier au centre du Caire lorsqu'elle a couru sur le côté de la rue pour échapper aux canons à eau de la police dirigés contre les manifestants. Elle a dit à Human Rights que trois officiers de la sécurité en uniforme l'avaient bousculée et se sont emparés de son téléphone et de son BlackBerry. Ce n'est qu'après qu'un autre journaliste eut dit à la police que Lina était journaliste qu'ils l'ont laissée partir.
Le reporter du « Guardian » au Caire, Jack Shenker, a été agressé par des officiers en civil tandis qu'il couvrait la manifestation qui s'est déroulée au centre-ville le 25 janvier, puis a été jeté dans une camionnette avec d'autres manifestants. Il a pu livrer en direct un récit sur la brutalité policière à l'égard des détenus, qui ont réussi à s'échapper après être venus à bout du gardien de la camionnette.
La connectivité à l'Internet était presque inexistante en Égypte, où plus de 90 pour 100 des connections à la Toile ont été coupées pendant cinq jours. À l'heure actuelle, les services Internet ont été rétablis en partie, mais les sites web de réseautage social restent en grande partie inaccessibles.
Même s'ils sont suspendus, les correspondants d'Al Jazeera continuent à couvrir la situation nuit et jour, et depuis le début des troubles, avec des reportages en direct en arabe et en anglais, à partir du Caire, de Suez et d'Alexandrie. En réponse aux tentatives persistantes de censure du régime, au moins sept stations de télévision en langue arabe de la région (Al-Hiwar, Al-Jadeed, Al-Karama, Suheil, NBN, Adan, Al-Aqsa, OTV, Falastin Al-Youm et Al-Haqiqa) retransmettent le contenu d'Al Jazeera, selon ce que rapporte le CPJ. Depuis le 2 février, Al Jazeera est de nouveau retransmis sur les réseaux égyptiens. Par ailleurs, les chaînes d'État diffusent des émissions de musique, de variétés et de cuisine, et minimisent les manifestations de rue, dit le CPJ.
D'après le « Guardian », la suspension d'Al Jazeera a démontré que le « pouvoir de répression du gouvernement central s'exerce toujours ».
Source:Communiqué de l'IFEX

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