jeudi 13 janvier 2011

Au moins 44 journalistes tués en 2010 à cause de leur travail

Henry Suazo, qui était reporter à la radio et présentateur des nouvelles sur le câble, a été abattu le 28 décembre devant chez lui à La Masica, au Honduras, pour des raisons encore inconnues, selon ce que rapporte le Comité por la Libre Expresión (C-Libre). Son assassinat - le dixième journaliste tué au Honduras cette année - confirme que le Honduras est devenu en 2010 l'un des pays les plus meurtriers pour la presse, titre qu'il partage avec le Pakistan, le Mexique et l'Irak. D'après les membres de l'IFEX, entre 44 et 97 journalistes et artisans des médias ont été tués en 2010 en rapport avec leur travail ou tandis qu'ils se trouvaient au travail.
Avant la mort de Suazo, une enquête du Comité pour la protection des journalistes (CPJ) avait conclu que les autorités du Honduras avaient été négligentes et avaient manqué d'attention dans leurs investigations sur une série de meurtres de journalistes. Par exemple, dans l'affaire du meurtre, en mars, du présentateur de télévision Nahúm Palacios Arteaga, « les autorités honduriennes n'ont effectué virtuellement aucune enquête; elles n'ont pas pris de photographies et n'ont recueilli aucun élément de preuve sur la scène du crime », dit le CPJ. Ce n'est qu'un mois plus tard, après que l'affaire eut attiré l'attention internationale, que les autorités ont procédé à l'exhumation du corps pour procéder à une autopsie.
Le CPJ recense 44 journalistes tués en 2010 en rapport direct avec leur travail, dans des échanges de tirs ou tandis qu'ils accomplissaient une affectation dangereuse. Le CPJ enquête sur la mort de 31 autres journalistes décédés l'an dernier, dont celui de Suazo, afin de déterminer s'ils sont reliés à leur travail.
Dans son rapport annuel, Reporters sans frontières (RSF) compte au moins 57 journalistes tués dans l'exercice de leurs fonctions - une diminution de 25 pour 100 par rapport à 2009, lorsque 32 journalistes et artisans des médias aux Philippines ont été massacrés tandis qu'ils se déplaçaient dans un cortège électoral. Des journalistes ont été assassinés dans 25 pays - le nombre d'endroits le plus élevé depuis que RSF a commencé à tenir le décompte des assassinats de journalistes.

RSF constate en outre un accroissement important du nombre des enlèvements de journalistes - 51 en 2010 (contre 29 en 2008 et 33 en 2009).
« Les journalistes se transforment en monnaie d'échange. Les ravisseurs prennent des otages afin de financer leurs activités criminelles, de forcer les gouvernements à plier à leurs exigences et de transmettre un message au public. Les enlèvements leur donnent une forme de publicité », dit RSF. D'après RSF, les journalistes ont été particulièrement exposés à ce genre de risque en Afghanistan et au Nigéria en 2010.
Selon la Fédération internationale des journalistes (FIJ), qui tient un décompte en collaboration avec l'International News Safety Institute (INSI), 97 journalistes et artisans des médias ont été tués l'an dernier. La FIJ inclut tous les journalistes et employés des médias tués à cause de leur travail, ainsi que ceux qui sont tués dans des accidents pendant qu'ils sont en mission, qu'ils se rendent en mission ou en reviennent.
L'Institut international de la presse (IIP) recense 66 journalistes et employés des médias dans sa liste des morts (Death Watch) - y compris ceux qui sont visés délibérément à cause de leurs reportages d'enquête ou parce qu'ils sont journalistes, ou encore parce qu'ils ont été pris dans des échanges de tirs tandis qu'ils couvraient des situations dangereuses.
D'après l'IIP, l'endroit le plus dangereux pour les journalistes en 2010 a été le Mexique, où 12 journalistes et travailleurs des médias ont été tués - un grand nombre d'entre eux par les cartels de la drogue.
Par ailleurs, le groupe des Journalistes canadiens pour la liberté d'expression (CJFE), qui comptabilise les données des rapports de tous les membres de l'IFEX, indique dans sa revue annuelle que 87 journalistes ont été tués ou visés en 2010 dans l'exercice de leurs fonctions à cause de leurs reportages ou de leur affiliation à un organe d'information.
En dépit de l'écart entre tous ces chiffres, tous s'entendent pour dire que le Pakistan a été l'un des pays les plus dangereux du monde pour la presse. Au moins huit journalistes ont été tués parce qu'ils faisaient leur travail, six d'entre eux dans des attentats suicides ou dans des échanges de tirs pendant des frappes menées par des militants, indique le CPJ.
« La mort d'au moins huit journalistes au Pakistan représente un symptôme de la violence généralisée qui étreint le pays, dont une grande partie déborde de l'Afghanistan voisin », dit le CPJ. « Depuis de nombreuses années, les journalistes au Pakistan sont assassinés par des militants et enlevés par le gouvernement. Mais avec l'accroissement du nombre des attentats suicides, le risque le plus grand consiste tout simplement à couvrir les nouvelles. Les journalistes doivent mettre leur vie en danger pour couvrir un rassemblement politique, une manifestation de rue ou presque n'importe quel événement public d'importance. »
L'Irak, le Honduras et le Mexique complètent ce quatuor des pays les plus meurtriers pour les médias. D'après le CJFE, ces pays ont des traits en commun : leurs gouvernements ont « totalement failli à leur devoir d'assurer la sécurité des journalistes », et les tueurs des journalistes ne sont pas traduits devant les tribunaux.
Dans ce contexte, la Société interaméricaine de la presse (SIP) espère transmettre un message dans tout l'hémisphère occidental, à savoir que 2011 est l'« Année de la Liberté d'expression » - que l'on s'appliquera à sensibiliser le public à la violence dirigée contre les médias, en particulier par sa campagne contre l'impunité en vue de « Prêter votre voix à ceux qui n'en ont pas ».
Par ailleurs, l'INSI s'engage à « appuyer ceux qui en ont le plus besoin » - fournir gratuitement une formation en sécurité aux journalistes outre-mer, mettre à jour ses conseils en matière de sécurité pour les médias d'informations, et collaborer avec quelques-unes des plus grandes écoles de journalisme du monde afin de créer un cours de sécurité à l'intention des étudiants en journalisme. L'INSI crée également une base de données de toutes les agressions physiques contre les médias d'informations dans le monde.
Source: Communiqué de l'IFEX

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