lundi 18 octobre 2010

En Bolivie, les journalistes protestent au sujet d'une loi en rapport avec la lutte contre le racisme

La nouvelle loi que vient d’adopter la Bolivie contre le racisme et la discrimination a suscité une nouvelle vague de protestations chez les journalistes, allant de manifestations publiques aux grèves de la faim. L’Association nationale de la presse de Bolivie (ANP), groupe membre par intérim de l’IFEX, fait valoir que la loi menace la liberté de la presse et impose la censure parce qu’elle habilite le gouvernement à fermer les médias ou à jeter les journalistes en prison rien que pour avoir écrit sur le racisme.
Selon Evo Morales, premier président de la Bolivie d’origine autochtone, la Loi contre le racisme et toutes les formes de discrimination contribuera à renverser des siècles de discrimination contre la majorité autochtone du pays. La loi entrera en vigueur en janvier.
D’après l’ANP, les journalistes protestent contre la loi depuis sa première ébauche. À Potosí, les journalistes et les médias d’information ont fait grève pendant 24 heures le 1er octobre, laissant la ville sans informations. Cinq journalistes de Santa Cruz ont même entrepris une grève de la faim la semaine dernière.
Le 7 octobre - veille de l’adoption de la loi au Congrès et de sa ratification par Morales - 17 grands journaux de tous les coins du pays, comme « El Diario » et « La Prensa », ont lancé un plaidoyer de dernière minute afin d’apporter des modifications au projet de loi. Ils ont tous publié en une une page blanche, à l’exception du de la mention « Pas de démocratie sans liberté d’expression ».
Quelques jours avant l’adoption de la loi, 24 groupes membres de l’IFEX, sous la direction de l’ANP, ont prié le Congrès de retirer des articles offensants toute référence aux médias et aux journalistes. Ils ont indiqué que les organisations de journalistes boliviens ont élaboré leurs propres codes d’éthique et leurs propres tribunaux qui punissent les comportements incorrects.
Les membres de l’IFEX ne s’opposent pas entièrement à la loi sur le racisme. Ce qui est en jeu, ce sont deux articles de la loi qui, selon eux, pourraient être mal utilisés pour étouffer la critique politique.
L’article 16 dispose que « tout média qui appuie ou qui publie des idées racistes ou discriminatoires est passible de sanctions économiques et de la suspension de son permis d’exploitation ».
L’article 23 dispose que lorsqu’un crime est commis par un journaliste ou par le propriétaire d’un média, la personne est passible d’une « peine d’un à cinq ans d’emprisonnement » et « qu’elle ne peut invoquer l’immunité ou quelque autre privilège ».
Le directeur de « La Prensa », Balcazar Martin, a expliqué : « bien que nous l’ayons dit et répété ad nauseam, nous le réitérons : les journalistes ne sont pas contre la lutte contre le racisme et la discrimination. Nous ne faisons que défendre la liberté d’expression que violent les articles 16 et [23]. »
Par ailleurs, l’Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires-Amérique latine et Caraïbes (AMARC-ALC), qui a adopté une approche différente dans sa campagne, demande plutôt que les articles soient révisés pour qu’ils indiquent qu’il y a des limites à la liberté d’expression. La loi, dit l’AMARC-ALC, doit « prévoir un équilibre approprié entre la protection du droit à la libre expression et le droit à la non-discrimination ».
En réponse aux protestations, Morales a déclaré qu’il ne suggérerait pas de modifications à la loi, mais qu’il inviterait les entreprises de presse à discuter de la façon dont on pourrait l’appliquer. Lors d’une conférence de presse la semaine dernière, Morales a indiqué que la liberté d’expression était protégée, mais qu’elle pourrait être utilisée comme prétexte pour promouvoir le racisme.
Source: Communiqué de l'IFEX

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire