lundi 19 octobre 2009

Soldats de Dieu, trafiquants de drogue et fils de famille

Téhéran n’en démord pas. Le Pakistan sert de base arrière à Joundallah et son jeune chef de 26 ans, Abdolmalek Righi, est une créature de la CIA et du Foreign office. Washington et Londres se défendent bien sûr de toute ingérence suspecte. Mais ce 19 octobre, le général Mohammad Ali Jafari, le chef des Gardiens de la Révolution, a relancé ces accusations en affirmant qu’une « nouvelle preuve soumise par un service de renseignement du pays démontre que le groupe abominable d'Abdolmalek Righi est en lien direct avec les services du renseignement américain, britannique et malheureusement pakistanais ».
Le général Jafari promet de se rendre très bientôt au Pakistan « pour montrer les nouveaux documents » sur lesquels il appuie ses accusations. En attendant, il exige l’extradition d’Abdolmalek Righi, ce qui constituerait un gage de bonne foi de la part d’Islamabad, en même temps qu’un commencement de preuve de sa culpabilité… En juin 2008, le Pakistan avait en tout cas livré à l’Iran le frère d’Abdolmalek (l’actuel chef de Joundallah), Abdolhamid Righi, qui avait publiquement « avoué » sa forfaiture. Devant les caméras de télévision iranienne, il avait affirmé que le Joundallah, a effectivement succombé à l’influence idéologique d’al-Qaïda, ce qui est avéré puisque le mouvement est d’obédience wahhabite. A l’en croire, il se serait en outre rendu aux sirènes des Etats-Unis promettant de « fournir tout l'argent et les équipements dont il avait besoin ». Paroles de prisonnier.

Pour ce qui est de son volet occidental, l’objectif de toute cette malveillance internationale serait de déstabiliser la République islamiste iranienne que ses détracteurs soupçonnent de vouloir se doter de l’arme nucléaire. Selon Bernard Hourcade, les interventions américano-britanniques seraient de l’histoire ancienne. D’autres observateurs estiment qu’elles ont laissé dans leur sillage des réseaux plus ou moins dormants et que rien n’a véritablement éteint les affinités entre services pakistanais et Joundallah. Reste qu’au plan international, si la question du nucléaire iranien est actuellement au menu des discussions à Genève, on voit mal en revanche une quelconque relation de causalité avec l’attentat qui vient d’emporter le chef adjoint des forces terrestres iraniennes, le général Nour-Ali Shoushtari, ainsi que le commandant militaire du Sistan-Balouchistan.
Le Sistan- Balouchistan ? C’est « l’autoroute de la drogue » en Iran, souligne Bernard Hourcade, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Une donnée locale d’autant plus cruciale que ce terroir iranien excentré voit passer « 80% de l’héroïne saisie dans le monde ». Produite à partir des pavots afghans et principalement exportée en Occident, l’héroïne est une manne précieuse qui s’accompagne d’un trafic d’armes, comme il est d’usage en la matière partout ailleurs dans le monde. Et si, dans ces confins sunnites, les arguments politiques, confessionnels et tribaux s’emploient à brouiller les pistes, ils voient aussi parfois converger des intérêts à première vue contre-nature.

Les ennemis de mes ennemis peuvent devenir mes amis… même si la lutte contre le trafic de drogue est sans doute le seul domaine dans lequel nul ne trouve à redire aux efforts iraniens. Bien au contraire, ils font consensus. En tout cas, Washington, Londres et Islamabad démentent avec la dernière énergie toute collusion avec ce Joundallah qui se réclame de la cause sunnite depuis 2000. Les accusations de Téhéran peuvent aussi s’entendre comme une manière d’expliquer une opération spectaculaire. Avec sa quarantaine de victimes, l’attentat du 18 octobre témoigne en effet de la montée en force d’un groupe familial que le régime iranien espérait sans doute avoir neutralisé sinon liquidé.
Source: www.rfi.fr

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