lundi 23 avril 2012

Quand la presse n’est pas libre, tout le monde en pâtit

Washington — « La liberté des médias est l’équivalent moral de l’oxygène ; c’est le poumon de la société et un pilier essentiel de la construction des sociétés civiles », déclare Tara Sonenshine, la nouvelle sous-secrétaire d’État chargée de la diplomatie publique au département d’État. Ayant travaillé comme journaliste, elle connaît bien les risques du métier. Elle sait aussi que, lorsqu’on bloque la libre circulation de l’information, « les sociétés souffrent. Les économies souffrent. Les individus souffrent. »
Mme Sonenshine participait avec Michael Posner, le secrétaire d’État adjoint pour la démocratie, les droits de l’homme et le travail, à un briefing tenu le 18 avril à Washington au Foreign Press Center pour parler de la campagne « Free the press », en perspective de la Journée mondiale de la presse, le 3 mai.
Cette campagne braque l’attention du public sur les nombreuses pressions que subissent les journalistes à travers le monde, qu’il s’agisse de lois qui limitent la liberté d’expression sur l’Internet, de mesures d’intimidation, de menances et d’amendes – et à plus forte raison de « disparitions » mystérieuses et terrifiantes.
Citant des statistiques provenant du Comité pour la protection des journalistes, M. Posner a fait remarquer que le nombre de journalistes détenus au cours des onze dernières années avait augmenté : ils étaient 118 à être en prison en 2001, et ils sont 179 aujourd’hui. Pour la seule année 2012, 17 journalistes ont été tués, selon cet organisme indépendant.

En réponse à des questions de reporters à Washington représentant des médias internationaux et à celles de collègues en Afrique et à New York qui participaient par téléphone, Mme Sonenshine a reconnu que les médias classiques, confrontés à la concurrence des médias sociaux et de l’Internet, avaient du mal à formuler un modèle économique capable de s’inscrire dans la durée. Mais la recherche d’un soutien économique, a-t-elle ajouté, ne doit pas placer les médias sous la coupe des sociétés ni celle du gouvernement.
« Le rôle du gouvernement est d’appeler à se réunir, a expliqué la haute responsable. Nous voulons effectivement nous réunir et être à l’écoute les uns des autres pour comprendre ce qui permettra à la presse écrite, à la radio, à la presse en ligne et aux bulletins de nouvelles diffusées sur PDA [assistant personnel numérique] de survivre et même de se développer pour que nous puissions profiter de ce que le journalisme a de mieux à offrir. »
Mme Sonenshine et M. Posner ont été catégoriques : les normes de la liberté d’expression et celles applicables à une presse libre et indépendante sont définies par la Déclaration universelle des droits de l’homme et elles s’appliquent à tous les gouvernements du monde entier.
En outre, a ajouté M. Posner, la liberté des médias est essentielle au développement économique.
“Je crois qu’il y a a eu un faux débat pendant de nombreuses années sur la relation entre les droits civils et politiques d’une part, et les droits économiques et sociaux d’autre part. La réalité, c’est que ces droits sont indivisibles », a-t-il commenté.
Les pays qui essaient de bâtir des économies plus robustes ont besoin de transparence et d’un débat public sur les choix et les politiques économiques, a-t-il poursuivi. « La liberté journalistique et la liberté d’expression rehaussent la capacité des gouvernements et des pays à connaître la prospérité économique et la force », a résumé le secrétaire d’État adjoint.
Source: http://iipdigital.usembassy.gov/st/french/article/2012/04/201204194286.html?distid=ucs

mercredi 18 avril 2012

Egalité de genre : l’Union européenne va-t-elle enfin progresser ? - Communiqué de presse du 8 mars 2012

L’Association européenne pour la défense des droits de l’Homme déplore la persistance des inégalités de genre en Europe.
La crise économique et financière aggrave la situation des femmes, déjà les premières exposées au chômage, à la précarité, à la pauvreté. Encore largement exclues de la représentation politique et des responsabilités professionnelles, elles voient désormais leurs droits à la maîtrise de leur fécondité dangereusement remis en question dans différents pays. La montée, observée dans toute l’Europe, des extrêmes-droites populistes, familialistes et xénophobes menace l’Europe démocratique et, très directement, les droits des femmes.
Ce dont elles ont besoin, au contraire, c’est par exemple d’un programme de lutte contre les violences renforcé, et non amoindri comme vient de l’être le programme Daphné ; de l’extension du droit d’asile pour cause de persécutions ou de violences sexistes, quand aujourd’hui on sait qu’il s’agit bien d’un problème politique, et non d’affaires privées ; de la promotion dans tous les domaines de l’égalité, facteur de justice sociale et de croissance, et non de politiques d’austérité qui atteignent de plein fouet les plus démunies. Les Européennes veulent être des sujets de droit, des citoyennes et non des victimes qu’il s’agirait de protéger.
L’Europe, construite sur une législation égalitaire enviée par les peuples du reste du monde, doit défendre chèrement les libertés acquises et reprendre la marche vers plus d’égalité. L'AEDH appelle la Commission européenne, gardienne des Traités et des valeurs et principes fondant l'Union, à faire des propositions concrètes pour promouvoir l’égalité de genre, conformément à la Charte des droits fondamentaux et la Convention européenne des droits de l'Homme, et appelle les parlementaires à mettre en accord les politiques de l’Union et les principes fondateurs de l’Europe.
Contact :
Pierre Barge, Président
AEDH, Association Européenne pour la défense des Droits de l’Homme
33, rue de la Caserne. B-1000 Bruxelles
Tél : +32(0)25112100 Fax : +32(0)25113200 Email : aedh@aedh.eu
L'Association Européenne pour la Défense des Droits de l'Homme (AEDH) regroupe des ligues et associations de défense des droits de l'Homme des pays de l'Union Européenne. Elle est membre associé de la Fédération internationale pour la défense des droits de l'Homme (FIDH). Pour en savoir plus, consultez le site www.aedh.eu

Les Directions des Risques prennent-elles le contrôle des BFI ?

Les crises financières, déclencheur de désordre au sein des BFI
Chaque grande crise financière, crise des pays émergents (fin des années 90) entraînant la chute du fond LTCM, bulle internet (début des années 2000) entrainant un krach boursier, crise des subprimes (2008), crise des dettes souveraines (2010)…, a contribué à modifier l’organisation des systèmes bancaires
A chaque crise, les Banques Centrales ont joué leur rôle de prêteur en dernier ressort, évitant ainsi l’effondrement du système bancaire international en injectant des liquidités.
Face à cette situation, les différents régulateurs (Comité de Bâle, Régulateur US, Régulateurs Européen et Nationaux, …) ont renforcé les contrôles prudentiels :
- Bâle II a donné un rôle prépondérant au Risk Management en raison des consommations de fonds propres calculés sur des notations et des modèles internes,
- Bâle II et demi a renforcé les fonds propres au titre des dérivés de crédit,
- Bâle III conforte ce rôle en raison des contraintes de liquidité et des stress tests qui doivent être validés par la Direction des Risques. Elle complète aussi la gestion des risques de contrepartie.
Les métiers autour de la gestion du risque, ont vu, alors, presque « malgré eux », leurs rôles devenir majeurs, voir incontournables.

Les Directions des Risques, aux avant-postes des activités bancaires
Jusqu’au milieu des années 90 la fonction de Contrôle des Risques était logée au sein du Middle Office. Cette fonction avait pour but de faire le lien entre le Front Office (qui traite les opérations) et le Back (qui assure les confirmations, la comptabilité et les paiements).
Le MO avait à la fois un rôle :
- en post trade, dans le contrôle et la vérification des transactions et le contrôle des limites et des engagements (front back) ;
- et en support front, en information des traders sur les risques et les PnL.
La complexité et l’innovation des produits financiers ont rendu la fonction du Risk Management totalement autonome, recrutant des profils proches de ceux des traders, voir aujourd’hui d’anciens traders.
La Direction des Risques a désormais un pouvoir significatif sur la consommation des métiers en termes de fonds propres et de refinancement. Son statut a donc considérablement évolué au point de faire jeu égal avec le Directeur Financier sur les choix stratégiques de la banque guidés par des problématiques de solvabilité et de liquidité.
Avec la mise en place des différentes régulations et l’ampleur des dysfonctionnements possibles, le Risk Management est devenu omniprésent dans les systèmes bancaires : l’évaluation du risque doit être prise en compte dans toutes les stratégies de développement.
Les Directions des Risques, nouveau centre de profit ?
Les fonctions de support du F/o ont souvent été vues comme un centre de coût. Les équipes ont donc très souvent été sous-dimensionnées par rapport au centre de profit que représentait le FO (sales + trading).
Il est aujourd’hui légitime de se demander, au vu du poids et du rôle que lui donne le régulateur, ce qui manquerait aux Directions des Risques comme fonction pour être créateur de valeur ; autrement dit ce qui permettrait aux Directions des Risques d’être centre de profit ?
Et si, c’était la capacité à jauger le retour sur investissement de la salle des marchés ?
Cette fonction qui se trouve actuellement au sein des directions financières ne devrait-elle pas être aussi intégrée au sein de la Direction des Risques ?
A cette condition, la Direction des Risques pourra alors, tout en restant leader sur l’identification des risques venir challenger les décisions d’investissements. Elle donnerait ainsi un avis plus qualifié en terme de risques sur le pilotage des BFI.
Cela ne signifie pas dire que le calcul de rentabilité doit être retiré à la Direction Financière, mais le Risk Management doit aussi pouvoir en disposer, dans un objectif d’équilibre décisionnel.
N’est-ce pas la direction que semble prendre la Société Générale en nommant Didier Valet, ancien Directeur financier de la SGCIB, à la tête de la BFI ?
Franck Sebban
i-Fihn Consulting
Associé – Fondateur
f.sebban@i-fihn.com

Une proposition citoyenne: la légion nucléaire

Pierre-Jean Charra, Ingénieur Centralien option Nucléaire et diplômé d'un Master of Science de l'Université de Berkeley en « Nuclear Engineering » pointe du doigt le risque terroriste maximum des centrales nucléaires françaises avant les élections
  
Pour sécuriser nos centrales, il faudrait quintupler les effectifs militaires pour avoir au moins 10 gendarmes sur-armés en permanence pour chaque réacteur et surtout créer la légion nucléaire chargée de tester et mettre en défaut les systèmes de sécurité existants pour les améliorer en permanence. Un "Green Peace" professionnel et officiel
Depuis 2001 40 gendarmes armés et formés par GIGN sont affectés par site mais avec en moyenne 3 réacteurs par site, comme ils doivent être présents 24h/24, cela fait au maximum 2 ou 3 gendarmes en permanence à chaque instant par centrale (par réacteur) sans compter les congés, les maladies etc. Et rien ne dit qu’ils sont effectivement présents aux endroits névralgiques, ils sont probablement dehors à patrouiller. Est-ce suffisant face à un peloton décidé de 10 à 30 hommes, armé de grenades, d'explosifs, de mitraillettes. ?
Ils viennent de recevoir des tasers et des chiens. Un taser et un chien (ou même le revolver de service) contre des mitraillettes et des grenades, le combat est il équitable?
Il y a urgence et chaque minute compte. Certains pourraient vouloir se venger de la politique offensive récente de la France face à certains régimes du Moyen Orient et de certaines lois symboliques comme celle sur le voile intégral.
Même si le gouvernement a pris conscience du danger et fait de son mieux pour améliorer cette sécurité la solution est pour l'instant semble-t-il largement insuffisante.
Des caméras de surveillance ont été installées un peu partout. C'est bien. Et les alarmes ont bien fonctionné lors de l'intrusion de Green Peace à Nogent ce qui est un point positif. Mais la gendarmerie a reçu l'alerte à 6h du matin dès l'intrusion et les militants n’ont été interpellés qu’à 12h. Quel a été le temps de réponse effectif ? 6 heures devraient suffire pour faire pas mal de dégâts à un bon commando armé, non et même 30 minutes suffiraient pour poser pas mal de bombes.
Combien de temps faut il aux gendarmes externes à la centrale pour arriver, dans tous les cas, même à 5 heures du matin? 20mn ou 6 heures? Qui s'occupe de faire ces tests?
Une fois que le commando est introduit dans la centrale, une partie peut s'occuper de retarder l'arrivée des secours pendant que l'autre partie s'occupe de placer les explosifs. Il faut donc à tout prix empêcher d'accéder à l'intérieur de la centrale.
En fait deux mesures permettraient de sécuriser en profondeur nos centrales :
1. Mettre les centrales civiles, qui sont un objectif militaire évident en période de terrorisme, sous contrôle militaire permanent avec au moins dix militaires surarmés et alertes à chaque instant dans chaque enceinte de confinement. Pour cela Il faudrait environ quintupler le nombre de militaires actuel et mettre des mitrailleuses ou des bunkers internes à des points stratégiques renforcés et protégés : salle de contrôle, salle du réacteur etc.
2. Créer une autre unité spécialisée et mobile d'un corps d'armée différent de la Gendarmerie (pour éviter les complaisances) pour tester et essayer de mettre en défaut par tous les moyens les systèmes de sécurité, en attaquant aux heures les plus creuses. Cela évitera à Green Peace de le faire en amateur. Cela doit être fait par des professionnels. La sécurité pourra alors s'améliorer en permanence et la vigilance des Gendarmes en place ne se relâchera pas s'ils savent qu'ils peuvent être pris en défaut par leurs confrères à tout moment. Cette équipe s'occupera aussi de mesurer le temps de réponse des systèmes de sécurité à une attaque pour qu'il puisse s'améliorer.
Ces tests doivent faire partie intégrante du dispositif de sécurité. Si cette unité commando n'arrive pas à pénétrer, on pourra dire que la sécurité est correctement assurée. Cette équipe pourrait être appelée la légion nucléaire car elle est la meilleure garantie de l’efficacité de la sécurité.
Cela va encore coûter de l'argent, mais le coût sera sûrement beaucoup plus faible que celui d'un à 58 réacteurs qui explosent.
L'Union Européenne devrait au moins co-financer tout le dispositif de protection qui pourrait s'étendre à toutes les centrales européennes, d'où l'intérêt d'une structure genre Légion Française, qui est déjà multinationale par nature. Si Fessenheim explose, les Suisses et les Allemands en profiteront au moins autant que nous et même pour les autres centrales, les nuages radioactifs sont de grands voyageurs.

L’auteur de ces lignes n’est pas un antinucléaire. Nos centrales sont probablement les plus sûres du monde dans tous les domaines sauf celui de l'attaque terroriste. Et dans ce domaine nous sommes probablement le pays nucléaire le pays le plus exposé à cette attaque. Les USA ont fermé leurs frontières depuis le 11 Septembre. Toute personne à risque y est sous étroite surveillance. En France les frontières sont largement ouvertes et cela permettrait à tout commando de pénétrer facilement de l'extérieur, sans parler du danger intérieur.
Garantir la sécurité de nos centrales est un objectif qui s’impose à tous, qu’ils soient de droite ou de gauche, pro ou antinucléaire car les radiations ne font pas de distinction entre les victimes d’un bord ou de l’autre.
L’auteur a travaillé dans le nucléaire mais n'y travaille plus et ne risque pas de perdre son poste en faisant cette suggestion, contrairement à d'autres qui ont un devoir de réserve.
Il ne s'agit pas d'arrêter le nucléaire mais d'avoir un nucléaire sûr et non une bombe de Damoclès suspendue au-dessus de nos têtes.
Pierre-Jean Charra

samedi 14 avril 2012

Royaume-Uni: Proposition de loi sur l'espionnage domestique : Ce que vous devez savoir

Le guide de l'IFEX sur le plan du gouvernement britannique de surveiller davantage les courriels des gens, leurs conversations téléphoniques et leur utilisation du web - et ce que cela veut dire pour la libre expression.

Qu'est-ce que ce plan ?
Aux termes des nouvelles propositions du gouvernement, la police et les services de sécurité pourraient bientôt avoir le droit de surveiller les appels, les courriels, les textes et les visites de sites web de tout le monde au Royaume-Uni - en temps réel et sur demande, et sans la moindre intervention des tribunaux.
Bien qu'elle ne donnerait pas à l'agence de renseignement du Royaume-Uni, le Quartier général des communications du Gouvernement (Government Communications Headquarters, GCHQ), l'accès sans mandat au contenu réel des courriels, des appels ou des messages, cette proposition de loi permettrait aux agents du renseignement d'identifier avec qui un individu ou un groupe entretient des contacts - notamment chaque ami que cet individu ou ce groupe a sur Facebook - à quelle fréquence et pendant combien de temps. Les agents du renseignement pourraient en outre voir quels sites web chaque personne consulte.
Et tous ces renseignements pourraient être autorisés et obtenus par un grand nombre d'agences gouvernementales, depuis les conseils locaux jusqu'aux régulateurs environnementaux.
Fondamentalement, résume Privacy International, « [les données sur les communications] représentent une liste de toutes vos interactions dans un monde moderne… [Cela] peut révéler tous vos intérêts, vos relations et vos habitudes. Google et les autres compagnies de l'Internet qui misent sur une publicité ciblée ne peuvent que rêver d'avoir accès à cette accumulation de données. »

Pourquoi font-ils cela?
Le ministère de l'Intérieur affirme que le projet de loi permettrait aux autorités de combattre « les crimes graves et le terrorisme » et de « protéger le public ».
De plus, à l'ère de Google, Facebook et Twitter, il est plus difficile de suivre de près qui parle à qui. Dans une déclaration, le Home Office a affirmé que la mesure était nécessaire afin de « maintenir la disponibilité continue des données des communications à mesure qu'évolue la technologie ».

Quand prendrons-nous connaissance des précisions ?
Au départ, la législation proposée devait être présentée dans le Discours de la Reine le 9 mai. Mais une vive réaction de la part des groupes de défense des droits civils et, notamment, de la part de députés libéraux démocrates qui font partie de la coalition gouvernementale, a mené à une pause plus que bienvenue consacrée à un examen en profondeur des propositions concernant la surveillance des données.
Le vice-premier ministre Nick Clegg promet maintenant des audiences parlementaires ouvertes sur les mesures proposées. Les ébauches des dispositions du nouveau projet de loi seront publiées début mai, dit-il, et seront soigneusement examinées à l'occasion d'audiences publiques du Comité spécial des Affaires intérieures de la Chambre des communes.

Comment cela fonctionnerait-il ?
Les fournisseurs de services Internet, les exploitants de la téléphonie, les compagnies qui hébergent des sites web et même les compagnies du même genre que Google et Facebook seraient tenus d'installer de l'équipement de collecte de données qui donnerait au GCHQ l'accès, en temps réel et sur demande, au dossier de communication de n'importe qui, ainsi qu'à son historique de navigation, indique Reporters sans frontières (RSF).
Cette mesure soulève de graves questions d'ordre juridique, technique et financier, dit RSF, à savoir : qui aura la responsabilité de la gestion de la collecte des données effectuée par le système de surveillance ? Pendant combien de temps les données seraient-elles conservées ? Qui paierait pour cela ? Comment les données seront-elles conservées pour assurer leur sécurité ? Les détails du plan ne sont toujours pas connues.

Qu'en disent les critiques ?
La proposition a essuyé de vives critiques de la part des groupes de défense des libertés civiles au Royaume-Uni, selon lesquels il s'agit d'une grossière atteinte à la vie privée. Les membres de l'IFEX se sont d'ailleurs joints au tollé.
Le groupe Privacy International souligne que le système proposé est du genre « que favorisent al-Assad, Moubarak et Kadhafi », et qu'« il n'a pas sa place dans un pays qui se targue d'être libre et démocratique ».
Privacy ajoute que si le plan va de l'avant, « il n'y a fondamentalement aucune limite à de futures actions… Le gouvernement disposera d'une immense latitude pour surveiller et contrôler l'Internet », de la surveillance du partage des fichiers jusqu'à l'imposition de restrictions à l'accès aux services.
De plus, une fois recueillies, « les informations ne peuvent jamais être entreposées de façon sécuritaire à 100 pour 100 et sont donc toujours vulnérables à la divulgation, soit par erreur humaine, soit par corruption », dit Privacy.
RSF s'inquiète également de ce que le système puisse prêter le flanc à une utilisation abusive. « Le fait de mettre tous les citoyens en surveillance aurait pour effet d'encourager les personnes visées à faire appel à des méthodes facilement accessibles de préservation de l'anonymat », fait remarquer RSF. « Et sa mise en œuvre sans s'en référer aux tribunaux pourrait ouvrir la porte à tous les types d'abus. »
L'expert de la défense d'Internet Danny O'Brien, du Comité pour la protection des journalistes (CPJ), fait remarquer que « l'État a de lourds antécédents d'abus de surveillance à l'encontre des reporters » comme en font foi le scandale des dossiers d'écoute téléphonique de la Colombie et l'affaire, l'an dernier, du reporter du journal « Le Monde », dont le registre des appels téléphoniques a été obtenu par les services français de renseignement en violation des lois sur la liberté de la presse.
O'Brien prévient aussi que les données sur les communications aujourd'hui « peuvent en révéler beaucoup plus sur vous qu'une simple adresse sur une enveloppe ». L'adresse d'une page web, par exemple, pourrait inclure une partie du contenu de la page, tout comme les recherches sur Google se reflètent dans les adresses web que le système renvoie, fait-il remarquer.
Selon Padraig Reidy, de Index on Censorship, le geste « mine gravement la capacité [du Royaume-Uni] de critiquer les États qui pourraient faire appel à la même législation pour surveiller les activistes et les dissidents… N'ayez aucun doute, c'est une mauvaise idée, et Index fera campagne contre cette idée si elle doit prendre corps. »
Même les Nations Unies ont exprimé des réserves vis-à-vis de ce type de surveillance. Dans un dossier rendu public en juin 2011, le rapporteur spécial des Nations Unies sur la protection et la promotion du droit à la liberté d'opinion et d'expression, Frank La Rue, a fait part de son inquiétude devant la tendance de certains gouvernements à surveiller les activités des utilisateurs de l'Internet sans fournir de garanties suffisantes contre les abus ni de lois sur la protection des données. La Rue souligne en outre que le droit au respect de la vie privée ne doit être limité que dans des « circonstances exceptionnelles », et jamais de façon systématique.

N'est-ce pas du déjà vu ?
L'ancien gouvernement travailliste avait tenté d'instaurer en 2009 un système similaire faisant appel à une base de données centrale retraçant toute utilisation du téléphone, de texte, de courriel et de l'Internet. Mais le projet a été abandonné à cause du tollé qu'il a suscité dans la société civile - notamment des partis d'opposition, qui sont maintenant au pouvoir.
Isabella Sankey, qui est directrice de la politique au groupe de campagne Liberty, affirme : « L'entente de la coalition promet de manière explicite de “mettre fin à la rétention non nécessaire des données” et de restaurer nos libertés civiles. Nous avons, à tout le moins, besoin de moins de breffages secrets et de davantage de consultation publique si cette promesse doit être abandonnée. »

Pourquoi m'en faire ? Je ne vis pas au Royaume-Uni.
Tout changement proposé à la façon dont la surveillance est réglementée « doit être examiné de près afin de voir comment ces changements sont susceptibles d'affecter la liberté de la presse dans le monde entier », prévient O'Brien.
Si le gouvernement britannique est autorisé à obtenir l'accès à des entreprises internationales comme Facebook et Skype, « qu'est-ce qui empêcherait d'autres gouvernements d'exiger, et d'obtenir, le même accès ? », demande O'Brien.
Hélas, le Royaume-Uni n'est pas la première démocratie à conserver dans ses cartons des plans de surveillance des communications. « Nous sommes ébranlés en entendant de plus en plus de pays censément démocratiques comme l'Inde, la France, l'Australie et maintenant le Royaume-Uni exprimer la volonté d'adopter le genre de surveillance systématique des communications auquel ont recours les régimes les plus répressifs de la planète », dit RSF.
RSF fait valoir que la répression, en Australie, des sites web de pornographie infantile mènerait au blocage injuste de sites innocents. Par ailleurs, la France aspire à faire un crime de la consultation de sites web qui invoquent le terrorisme ou la violence.
Et le magazine d'informations « India Today » vient d'annoncer que le fabriquant de BlackBerry, la société Research In Motion, a cédé devant le gouvernement indien, et a accordé aux forces de sécurité de ce pays l'accès aux messages instantanés privés.
Et puis il y a les États-Unis. L'Internet bourdonne d'activité autour d'un nouveau projet de loi devant le Congrès, appelé CISPA, ou Cyber Intelligence Sharing and Protection Act of 2011 (Loi de 2011 sur le partage et la Protection du renseignement électronique). Selon RSF, cette loi aura pour effet de permettre au gouvernement et aux entreprises privées de déployer des mesures draconiennes pour surveiller, voire censurer, le web au nom de la guerre contre la cybercriminalité. Elle pourrait même être invoquée pour fermer des sites qui publient des dossiers ou des renseignements classifiés, des sites comme WikiLeaks ou le « New York Times ».
En dernière analyse, toutefois, dit Privacy International, jusqu'à maintenant, aucun pays démocratique ne poursuit une politique aussi radicale qu'au Royaume-Uni. « Le Royaume-Uni va se retrouver dans le même camp que la Chine et l'Iran si cette proposition va de l'avant », prévient-il.
Source: Communiqué de l'IFEX

Irak: Les membres et partenaires de l'IFEX pressent l'Irak de ne pas adopter de loi trop étendue et trop punitive concernant les crimes sur Internet

Un projet de loi sur les « crimes liés à la technologie de l'information », doté de termes particulièrement vagues et prévoyant de dures pénalités, doit être déposé ce mois-ci au parlement irakien. À l'initiative d'ARTICLE 19 et du groupe Access Now, plus de 40 membres et partenaires de l'IFEX ont joint leurs forces pour tenter de le bloquer.
« Cette proposition de législation met en danger les acteurs en ligne issus de presque tous les secteurs, notamment des technologies de l'information, de la finance, des entreprises du secteur public, de la société civile et de la presse, et leur fait courir le risque de graves sanctions », dit une lettre envoyée par les groupes au Ministère irakien des Communications.
Selon les groupes, le projet de loi tente d'appliquer un ordre du jour de sécurité nationale et de « morale », qui criminalise la violation des « principes ou des valeurs religieuses, morales, familiales ou sociales », ou de promotion d'« idées » terroristes
Cet ordre du jour comporte des peines obligatoires d'emprisonnement à vie pour l'utilisation d'un ordinateur ou de l'Internet pour menacer l'« unité » du pays, promouvoir des idées susceptibles de troubler l'ordre public ou se livrer au trafic de drogue, pour promouvoir ou faciliter l'abus de drogues, disent les membres.
La loi ne fait aucune distinction entre les individus qui commettent des cyber-crimes et les fournisseurs de services Internet ou autres intermédiaires de la Toile, disent les groupes.

De plus, fait remarquer la lettre, des sanctions pénales sont imposées dans les cas de diffamation et d'insultes. « Il semble que toute critique du gouvernement, des sociétés commerciales, ou même des particuliers puisse constituer une "insulte", ce qui pose un grave effet déstabilisateur sur l'exercice de la liberté de parole », dit Access Now, l'un des groupes à l'origine de la lettre.
« Nous comprenons qu'à l'heure actuelle, l'Irak n'a pas une importante législation relative à l'Internet et portant sur les questions de commerce électronique, de propriété intellectuelle, de vol d'identité et de sécurité des données », indique la lettre. « Cependant, l'empressement mis à corriger ces lacunes accroît la surveillance et la censure, et menace de retarder le développement économique, politique et social du pays. »
D'après Access Now, si la loi est adoptée, elle pourrait créer un dangereux précédent pour la région. Le gouvernement du Liban envisage l'adoption d'une loi de l'Internet similaire à celle de l'Irak dans sa portée, sinon dans sa dureté. Le Ministère égyptien des Télécommunications planche sur des projets de censure de la Toile en matière de pornographie.
Source: Communiqué de l'IFEX


Source

vendredi 13 avril 2012

Tunisie: Nouvelles autorités, bonne vieille répression

Les forces de sécurité ont souligné en Tunisie la Journée des Martyrs le 9 avril en dispersant des milliers de manifestants - y compris plus d'une dizaine de journalistes - à coups de bombes lacrymogènes et de matraque. Ce n'est là que le dernier signe qu'en dépit du fait que Zine El-Abidine Ben Ali soit le premier dictateur à tomber dans les soulèvements du Printemps arabe, les violations de la libre expression se poursuivent conformément aux vieilles habitudes, selon ce que rapporte le Groupe d'observation de la Tunisie organisé par l'IFEX, une coalition de 21 membres de l'IFEX.
Un millier de manifestants environ ont défié un interdit indéfini imposé par le gouvernement contre les manifestations sur l'avenue Habib-Bourguiba de Tunis, haut lieu des protestations qui ont entraîné la chute du dictateur Ben Ali, et sont sortis en masse le 9 avril, rapporte le TMG de l'IFEX. Ils commémoraient la Journée des Martyrs (qui soulignait un événement survenu en 1938, quand des troupes françaises à Tunis ont ouvert le feu sur des manifestants qui réclamaient une constitution) et se rassemblaient pour protester contre la montée du chômage en Tunisie et l'accroissement des tensions politiques.
Les manifestants ont cherché refuge dans les rues et les boutiques avoisinantes, tandis que la police les tabassait à coups de bâton et de gaz lacrymogènes lancés dans la foule qui se dispersait. D'après ARTICLE 19, les forces de sécurité auraient traîné plusieurs protestataires à l'écart, mais on ne sait rien sur leur arrestation. Le TMG de l'IFEX rapporte qu'au moins 14 journalistes ont été attaqués, tandis que Reporters sans frontières (RSF) signale que deux autres journalistes ont été agressés. Des journalistes étrangers figurent parmi ceux qui ont été visés, indique le Comité pour la protection des journalistes (CPJ).

Samedi, une manifestation de milliers de diplômés en chômage s'est heurtée à la même violence.
« Un an de révolution et quelques-uns des jalons essentiels concernant la protection des droits de la personne sont de plus en plus affaiblis. L'interdit indéfini de toute manifestation avenue Habib-Bourguiba… constitue une restriction illégitime à la liberté d'expression et d'assemblée. Le recours à la violence par les forces de sécurité à l'occasion de la Journée des Martyrs… envoie un autre message très erroné sur l'aptitude de la Tunisie à préserver les libertés fondamentales », dit la directrice générale d'ARTICLE 19, Agnès Callamard.
L'attaque des forces de sécurité obéit à « un modèle d'abus de la force par la police », dit le TMG de l'IFEX, qui a documenté au cours des derniers mois plusieurs incidents où des policiers ont agressé des journalistes qui couvraient des manifestations.
Même lors d'incidents où les forces de sécurité n'étaient pas les agresseurs, la police n'a pas cru bon d'intervenir et n'a offert aucune protection aux personnes attaquées, dit le TMG de l'IFEX. Par exemple, lorsqu'un sit-in organisé à l'Université Manouba pour protester contre l'interdiction faite aux étudiantes portant le niqab de s'asseoir pour passer leurs examens a tourné à la violence, les forces de sécurité ont omis d'intervenir et n'ont procédé à aucune arrestation.
« Nous demandons au gouvernement de transformer ses propos en action en adoptant des mesures pratiques comme la formation à donner aux forces de sécurité sur la façon d'interagir de manière positive avec les manifestants, la sensibilisation des forces de l'ordre à la façon de travailler avec les médias et d'intervenir activement pour protéger le droit à la libre expression, afin que les citoyens puissent jouir de ce droit fondamental sans crainte de représailles », a déclaré Virginie Jouan, Présidente du TMG de l'IFEX.

La Tunisie connaît depuis quelque temps des revers en matière de liberté de la presse, qui incitent les critiques à se demander quel a été le chemin parcouru depuis la chute de Ben Ali, en février de l'an dernier.
La déclaration du TMG de l'IFEX attire également l'attention sur un troublant patron d'attaques contre la liberté d'expression fondée sur la morale religieuse.
Le mois dernier, deux hommes ont été condamnés chacun à sept ans de prison pour avoir publié des écrits perçus comme offensants pour l'islam. Ghazi Ben Mohamed Beji a publié un essai satirique dans lequel il se moquait de certains aspects de la biographie du prophète Mahomet, ridiculisant sans ménagements sa vie sexuelle. L'autre homme, Jaber Ben Abdallah Majri, a publié sur sa page Facebook des photos accompagnées de caricatures du prophète tirées du livre de Beji, avec des propos satiriques sur l'islam et le prophète.
D'après Human Rights Watch, il y a eu au moins trois cas où les autorités ont porté des accusations de discours jugés offensants pour l'islam ou attentatoires à la morale depuis que la nouvelle Assemblée nationale constituante du pays s'est réunie en novembre 2011. Dans une affaire, Nasreddine Ben Saïda, directeur du quotidien « Ettounsiyya », a passé une semaine en détention avant son procès en février pour avoir publié la photo d'une étoile du soccer posant avec sa copine à demi-nue.
Puis il y a Nabil Karoui, directeur de Nessma TV, qui subit un procès pour avoir diffusé le film d'animation « Persépolis », qui contient une représentation visuelle de Dieu, rapporte le TMG de l'IFEX. Beaucoup de musulmans croient que Dieu ne doit pas avoir de représentation visuelle.

« Tant que resteront en vigueur ces lois répressives de l'ère Ben Ali, les autorités vont être tentées de s'en servir chaque fois que cela les arrangera sur le plan politique », dit Human Rights Watch.
Les membres de l'IFEX demandent à l'Assemblée nationale constituante de rédiger un projet de constitution comportant de solides sauvegardes pour protéger la libre expression. ARTICLE 19 a préparé un mémoire politique qui s'appuie sur les normes juridiques internationales relatives à la libre expression, qui place la protection des droits de la personne au cœur de la nouvelle constitution. Lisez-le ici.
Le TMG de l'IFEX s'inquiète des attaques répétées qui ciblent les manifestants, les médias, les acteurs et les universitaires
Le TMG de l'IFEX condamne le recours à la force et autres attaques contre la liberté d'expression par des policiers ou d'autres groupes, ainsi que les lourdes peines infligées à des utilisateurs de Facebook pour des infractions à la morale religieuse.
Source: Communiqué de l'IFEX