vendredi 18 février 2011

Journalistes et protestataires non violents violemment réprimés

Le renversement du Président Hosni Moubarak d’Égypte a revigoré les protestations à travers le monde arabe, ce qui a entraîné des heurts entre les forces de sécurité et les manifestants en Algérie, à Bahreïn, en Iran et au Yémen, selon ce que rapportent le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), Human Rights Watch et les membres de l’IFEX dans la région.
Répondant aux appels en faveur d’un « Jour de colère » le 14 février, les forces de sécurité de Bahreïn ont lancé des gaz lacrymogènes, tiré des balles de caoutchouc et des balles réelles dans un certain nombre de villages pour disperser les manifestants qui marchaient contre la mainmise exercée sur le pouvoir par la famille Al-Khalifa, dénonçant la discrimination qui serait pratiquée à l’encontre de la population du pays à majorité chiite, ainsi que contre la détention continue de prisonniers politiques, rapportent le Centre des droits de la personne de Bahreïn (Bahrain Center for Human Rights. BCHR) et Human Rights Watch. Le BCHR et la Société des jeunes de Bahreïn pour les droits de la personne (Bahrain Youth Society for Human Rights, BYSHR) ont documenté deux décès et plus de vingt blessés à la suite des attaques de la police antiémeute.
Source: Communiqué de l'IFEX

mardi 15 février 2011

La plupart des gouvernements des pays arabe répriment les manifestations de solidarité avec l’Égypte

Les forces de sécurité étouffent dans la violence les manifestations qui éclatent à travers le monde arabe, qu’elles soient inspirées par le soulèvement en Égypte ou organisées en signe de solidarité avec celui-ci, selon ce que rapportent Human Rights Watch et les membres de l’IFEX de la région.
« Les images des soulèvement en Tunisie et en Égypte fascinent le peuple arabe mais terrifient leurs dirigeants », dit Human Rights Watch. « Ceux-ci ont répondu par leur combinaison habituelle de répression et d’intimidation afin d’étouffer dans l’oeuf toute velléité d’expression démocratique plus étendue. »
À Ramallah, l’Autorité palestinienne a eu recours à la violence contre des manifestants paisibles lors d’un rassemblement de solidarité tenu le 2 février. Des témoins ont indiqué à Human Rights Watch que la police et des éléments des « forces spéciales » - identifiables à leur uniforme - ont frappé les manifestants à coups de poing et à coups de pied et les ont détenus, ainsi qu’au moins deux journalistes et un assistant de recherche de Human Rights Watch.
Le 30 janvier, des agents de sécurité de l’Autorité palestinienne ont dispersé une manifestation de solidarité qui se déroulait devant l’ambassade d’Égypte à Ramallah, après avoir convoqué à plusieurs reprises un des organisateurs pour interrogatoire et lui avoir ordonné d’annuler la tenue de l’événement dont il avait affiché l’avis sur Facebook.
Les autorités du Hamas dans la Bande de Gaza ont dispersé un sit-in de solidarité le 31 janvier, arrêtant six femmes - quelques-unes d’entre elles journalistes et blogueuses - et ont menacé d’arrêter 20 autres personnes qui avaient répondu à un appel à manifester lancé sur Facebook, rapportent Human Rights Watch, le Centre palestinien pour le développement et la liberté des médias (Palestinian Center for Development and Media Freedoms, MADA) et SKeyes Center for Media and Cultural Freedom (Samir Kassir Eyes). Selon le MADA, quelques-uns des détenus se sont plaints d’avoir été insultés, passés à tabac et soumis à des fouilles corporelles.
Des militants syriens tiennent chaque jour depuis le 29 janvier des manifestations de solidarité avec les manifestants égyptiens, et aussi pour dénoncer la corruption et le coût élevé des communications par téléphonie cellulaire, indique Human Rights Watch. L’un des principaux organisateurs a déclaré à Human Rights Watch que les services de sécurité syriens étaient présents à chacun des rassemblements, qu’ils filmaient les participants et vérifiaient leurs papiers d’identité.
Lors d’une vigile tenue le 2 février pour les manifestants égyptiens dans la vieille ville de Damas, un groupe de 20 personnes en civil a passé à tabac et dispersé 15 manifestants. La police tout près a négligé d’intervenir, a fait savoir un organisateur à Human Rights Watch. Un haut responsable de la sécurité a insulté et frappé Suheir Atassi, qui compte parmi les principaux organisateurs, et l’a accusée d’être un « bacille » et un agent d’Israël.
« Le Président Bashar al-Assad (de Syrie) semble avoir suivi l’exemple de son homologue égyptien », dit Human Rights Watch. Ses services de sécurité ne se contentent plus d’interdire les manifestations; ils semblent encourager des fiers-à-bras à attaquer les manifestants non violents. »
Les autorités soudanaises ont fait usage d’une force excessive lors de manifestations en grande partie non violentes les 30 et 31 janvier et 2 février à Khartoum et dans d’autres villes du nord du pays, manifestations qui demandaient la fin du règne du Parti national du Congrès (PNC) et des augmentations de prix imposées par le gouvernement, indique Human Rights Watch.
Des témoins à Khartoum et à Omdurman ont rapporté que des policiers armés de l’antiémeute et des éléments de la sécurité nationale ont dispersé des groupes de manifestants au moyen de tuyaux, de bâtons et de gaz lacrymogènes, blessant plusieurs personnes et en empêchant d’autres de se joindre aux manifestants. La majorité des personnes arrêtées ont été relâchées dans les heures qui ont suivi, mais plus d’une vingtaine d’entre elles sont toujours portées disparues et on croit qu’elles sont détenues par les forces de sécurité nationales.
Les autorités soudanaises ont également censuré les journaux qui couvrent les manifestations. Le 2 février, des agents de sécurité ont arrêté plus d’une dizaine d’employés du journal communiste « Al Maidan », ainsi que des militants étudiants et des membres de partis d’opposition.
Dans le sud du Yémen, où les forces de sécurité ont réprimé dans la violence d’importantes manifestations contre le gouvernement central et pour la sécession; la police et l’armée ont tiré à balles en caoutchouc et à balles réelles le 3 février pour disperser les manifestants. Six personnes ont été blessées et 28 autres arrêtées, dont un journaliste, Abd al-Hafith Mu’jib, selon ce que rapporte Human Rights Watch.
La sécurité d’État des E.A.U. a procédé le 4 février à l’arrestation de Hassan Muhammad al-Hammadi, membre actif du bureau de l’Association des enseignants, chez lui dans l’émirat de Sharjah, rapporte Human Rights Watch. Al-Hammadi avait exprimé publiquement sa solidarité avec les manifestants égyptiens plus tôt le jour même dans un sermon à la mosquée.
Par ailleurs, à Bahreïn, le Centre des droits de la personne de Bahreïn (Bahrain Center for Human Rights, BCHR) rapporte que le gouvernement a pris des mesures pour bloquer les nouvelles sur la situation à Bahreïn même, qui doit connaître son propre « Jour de colère » le 14 février. « Dans un geste qui illustre l’état de confusion, d’appréhension et d’expectative qui règne, les autorités bahreïnies ont bloqué un groupe en ligne sur Facebook, qui appelle les gens à sortir manifester et à protester contre les politiques du gouvernement », dit le BCHR.
Les dirigeants de l’opposition en Iran ont convoqué pour le 14 février à Téhéran un rassemblement de solidarité avec l’Égypte et la Tunisie, mais le ministère de l’Intérieur du pays n’en a pas encore délivré le permis, indique la Campagne internationale en faveur des droits de la personne en Iran.
Human Rights Watch rapporte que ces mesures répressives constituent un exemple des interdits ordinaires de rassemblement dans la région. « Au lieu de tirer les leçons du Caire et de Tunis, les dirigeants arabes gardent la tête dans le sable, et insistent pour étouffer même les rassemblement les plus anodins », a fait observer Human Rights Watch.
Source: communiqué de l'IFEX

lundi 7 février 2011

Assaut sans précédent de Moubarak contre la libre expression

Ça a commencé quand l'Égypte a fermé Twitter, le site web de partage de vidéos Bambuser et certains journaux indépendants en ligne. Puis ce fut la majeure partie de l'Internet et des réseaux de téléphonie cellulaire du pays. Au 30 janvier, l'Égypte avait mis fin aux opérations de la chaîne de télévision arabe par satellite Al Jazeera, l'accusant d'avoir encouragé les manifestations inspirées par la Tunisie qui se déroulaient à travers le pays et qui se sont accentuées pour devenir un appel à la fin du régime du Président Hosni Moubarak, en poste depuis trois décennies.
Les attaques du gouvernement égyptien contre les journalistes et le black-out sans précédent des services d'Internet et de téléphonie mobile dans le pays ont écrasé les droits à la libre expression, d'assemblée et d'association et doivent cesser immédiatement, disent l'Institut du Caire pour les études sur les droits de la personne (Cairo Institute for Human Rights Studies, CIHRS), l'Organisation égyptienne de défense des droits de la personne (Egyptian Organization for Human Rights, EOHR), le Réseau arabe d'information sur les droits de la personne (Arabic Network for Human Rights Information, ANHRI) et un nombre grandissant de membres de l'IFEX.

« Ces mesures ont eu pour effet de supprimer la parole des manifestants légitimes et de les faire taire et ont posé d'importants obstacles à beaucoup d'autres, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur du pays, qui veulent partager ou accéder à de l'information sur les manifestations et les violations des droits de la personne qui sont survenues pendant cette période. La censure totale par l'Égypte de l'Internet et des communications par téléphonie mobile tend également à encourager les autres gouvernements de la région et d'au-delà à adopter des mesures similaires », peut-on lire dans la déclaration conjointe de l'IFEX mise au point par ARTICLE 19 et signée jusqu'à maintenant par plus de 35 groupes membres.
Le gouvernement a débranché l'Égypte de la grande toile pendant une semaine d'escalade des manifestations publiques, qui ont commencé le 25 janvier après une campagne organisée sur Internet en faveur d'une « Journée nationale de colère » dans le cadre de protestations anti-gouvernementales.
Les manifestants ont défié les gaz lacrymogènes, les canons à eau et le couvre-feu imposé par le gouvernement et ont tenu chaque jour des manifestations de protestation de masse dans un grand nombre de grandes villes, comme au Caire, à Alexandrie, à Suez et à Ismailiya. Les manifestations ont été en grande partie non violentes, mais des centaines de personnes auraient été tuées dans des affrontements avec la police.
D'après les dépêches, les manifestants veulent le départ de Moubarak, au pouvoir depuis 30 ans. Ils disent en avoir assez après des décennies de lois d'urgence, de pauvreté, de répression, d'élections, de corruption, de chômage élevé et de violations constantes des droits par la police.

L'annonce faite par Moubarak le 1er février, dans laquelle il déclare qu'il ne sera pas candidat aux élections en septembre, n'a pas eu pour effet de calmer les manifestants, qui espéraient un départ plus immédiat. Par ailleurs, des affrontements ont éclaté au Caire entre manifestants favorables et d'autres hostiles au gouvernement.
Des journalistes, tant locaux qu'étrangers, qui tentaient de couvrir les manifestations ont été détenus et tabassés, rapportent les membres de l'IFEX.
Les premiers reportages indiquent que Anderson Cooper, de CNN, Jerome Boehm de la BBC et Lara Setrakian d'ABC News figurent parmi ceux qui ont été agressés le 2 février par des partisans de Moubarak, indique Reporters sans frontières (RSF). Les équipes qui travaillent pour CNN, la BBC et Al Jazeera se sont plaintes d'être attaquées par des policiers en civil, qui ont détruit leur équipement. Six journalistes d'Al Jazeera en anglais ont été détenus brièvement le 31 janvier, et se sont fait confisquer leur équipement et leurs rubans, selon ce que rapporte le Comité pour la protection des journalistes (CPJ). D'autres reporters ont été empêchés d'entrer en Égypte.
Le 2 février, des partisans de Moubarak ont tenté d'attaquer Dar el Shorouk, une maison d'édition de l'Union internationale des éditeurs (UIE) basée au Caire. Ils en ont été empêchés par des gardiens de sécurité, des journalistes et des voisins qui se sont « précipités à la défense de la maison d'édition », dit l'UIE. « Le gouvernement a recours à des fiers-à-bras pour revenir sur les concessions qu'il a faites hier, et pour rétablir l'ordre de l'ancien régime. C'est une attaque contre les droits de la personne des citoyens égyptiens », a déclaré Ibrahim El Moallem, de Dar el Shorouk.

La directrice et rédactrice en chef du quotidien en ligne « Al Masry al-Youm » en anglais, Lina Attallah, couvrait la manifestation le 25 janvier au centre du Caire lorsqu'elle a couru sur le côté de la rue pour échapper aux canons à eau de la police dirigés contre les manifestants. Elle a dit à Human Rights que trois officiers de la sécurité en uniforme l'avaient bousculée et se sont emparés de son téléphone et de son BlackBerry. Ce n'est qu'après qu'un autre journaliste eut dit à la police que Lina était journaliste qu'ils l'ont laissée partir.
Le reporter du « Guardian » au Caire, Jack Shenker, a été agressé par des officiers en civil tandis qu'il couvrait la manifestation qui s'est déroulée au centre-ville le 25 janvier, puis a été jeté dans une camionnette avec d'autres manifestants. Il a pu livrer en direct un récit sur la brutalité policière à l'égard des détenus, qui ont réussi à s'échapper après être venus à bout du gardien de la camionnette.
La connectivité à l'Internet était presque inexistante en Égypte, où plus de 90 pour 100 des connections à la Toile ont été coupées pendant cinq jours. À l'heure actuelle, les services Internet ont été rétablis en partie, mais les sites web de réseautage social restent en grande partie inaccessibles.
Même s'ils sont suspendus, les correspondants d'Al Jazeera continuent à couvrir la situation nuit et jour, et depuis le début des troubles, avec des reportages en direct en arabe et en anglais, à partir du Caire, de Suez et d'Alexandrie. En réponse aux tentatives persistantes de censure du régime, au moins sept stations de télévision en langue arabe de la région (Al-Hiwar, Al-Jadeed, Al-Karama, Suheil, NBN, Adan, Al-Aqsa, OTV, Falastin Al-Youm et Al-Haqiqa) retransmettent le contenu d'Al Jazeera, selon ce que rapporte le CPJ. Depuis le 2 février, Al Jazeera est de nouveau retransmis sur les réseaux égyptiens. Par ailleurs, les chaînes d'État diffusent des émissions de musique, de variétés et de cuisine, et minimisent les manifestations de rue, dit le CPJ.
D'après le « Guardian », la suspension d'Al Jazeera a démontré que le « pouvoir de répression du gouvernement central s'exerce toujours ».
Source:Communiqué de l'IFEX

jeudi 13 janvier 2011

Au moins 44 journalistes tués en 2010 à cause de leur travail

Henry Suazo, qui était reporter à la radio et présentateur des nouvelles sur le câble, a été abattu le 28 décembre devant chez lui à La Masica, au Honduras, pour des raisons encore inconnues, selon ce que rapporte le Comité por la Libre Expresión (C-Libre). Son assassinat - le dixième journaliste tué au Honduras cette année - confirme que le Honduras est devenu en 2010 l'un des pays les plus meurtriers pour la presse, titre qu'il partage avec le Pakistan, le Mexique et l'Irak. D'après les membres de l'IFEX, entre 44 et 97 journalistes et artisans des médias ont été tués en 2010 en rapport avec leur travail ou tandis qu'ils se trouvaient au travail.
Avant la mort de Suazo, une enquête du Comité pour la protection des journalistes (CPJ) avait conclu que les autorités du Honduras avaient été négligentes et avaient manqué d'attention dans leurs investigations sur une série de meurtres de journalistes. Par exemple, dans l'affaire du meurtre, en mars, du présentateur de télévision Nahúm Palacios Arteaga, « les autorités honduriennes n'ont effectué virtuellement aucune enquête; elles n'ont pas pris de photographies et n'ont recueilli aucun élément de preuve sur la scène du crime », dit le CPJ. Ce n'est qu'un mois plus tard, après que l'affaire eut attiré l'attention internationale, que les autorités ont procédé à l'exhumation du corps pour procéder à une autopsie.
Le CPJ recense 44 journalistes tués en 2010 en rapport direct avec leur travail, dans des échanges de tirs ou tandis qu'ils accomplissaient une affectation dangereuse. Le CPJ enquête sur la mort de 31 autres journalistes décédés l'an dernier, dont celui de Suazo, afin de déterminer s'ils sont reliés à leur travail.
Dans son rapport annuel, Reporters sans frontières (RSF) compte au moins 57 journalistes tués dans l'exercice de leurs fonctions - une diminution de 25 pour 100 par rapport à 2009, lorsque 32 journalistes et artisans des médias aux Philippines ont été massacrés tandis qu'ils se déplaçaient dans un cortège électoral. Des journalistes ont été assassinés dans 25 pays - le nombre d'endroits le plus élevé depuis que RSF a commencé à tenir le décompte des assassinats de journalistes.

RSF constate en outre un accroissement important du nombre des enlèvements de journalistes - 51 en 2010 (contre 29 en 2008 et 33 en 2009).
« Les journalistes se transforment en monnaie d'échange. Les ravisseurs prennent des otages afin de financer leurs activités criminelles, de forcer les gouvernements à plier à leurs exigences et de transmettre un message au public. Les enlèvements leur donnent une forme de publicité », dit RSF. D'après RSF, les journalistes ont été particulièrement exposés à ce genre de risque en Afghanistan et au Nigéria en 2010.
Selon la Fédération internationale des journalistes (FIJ), qui tient un décompte en collaboration avec l'International News Safety Institute (INSI), 97 journalistes et artisans des médias ont été tués l'an dernier. La FIJ inclut tous les journalistes et employés des médias tués à cause de leur travail, ainsi que ceux qui sont tués dans des accidents pendant qu'ils sont en mission, qu'ils se rendent en mission ou en reviennent.
L'Institut international de la presse (IIP) recense 66 journalistes et employés des médias dans sa liste des morts (Death Watch) - y compris ceux qui sont visés délibérément à cause de leurs reportages d'enquête ou parce qu'ils sont journalistes, ou encore parce qu'ils ont été pris dans des échanges de tirs tandis qu'ils couvraient des situations dangereuses.
D'après l'IIP, l'endroit le plus dangereux pour les journalistes en 2010 a été le Mexique, où 12 journalistes et travailleurs des médias ont été tués - un grand nombre d'entre eux par les cartels de la drogue.
Par ailleurs, le groupe des Journalistes canadiens pour la liberté d'expression (CJFE), qui comptabilise les données des rapports de tous les membres de l'IFEX, indique dans sa revue annuelle que 87 journalistes ont été tués ou visés en 2010 dans l'exercice de leurs fonctions à cause de leurs reportages ou de leur affiliation à un organe d'information.
En dépit de l'écart entre tous ces chiffres, tous s'entendent pour dire que le Pakistan a été l'un des pays les plus dangereux du monde pour la presse. Au moins huit journalistes ont été tués parce qu'ils faisaient leur travail, six d'entre eux dans des attentats suicides ou dans des échanges de tirs pendant des frappes menées par des militants, indique le CPJ.
« La mort d'au moins huit journalistes au Pakistan représente un symptôme de la violence généralisée qui étreint le pays, dont une grande partie déborde de l'Afghanistan voisin », dit le CPJ. « Depuis de nombreuses années, les journalistes au Pakistan sont assassinés par des militants et enlevés par le gouvernement. Mais avec l'accroissement du nombre des attentats suicides, le risque le plus grand consiste tout simplement à couvrir les nouvelles. Les journalistes doivent mettre leur vie en danger pour couvrir un rassemblement politique, une manifestation de rue ou presque n'importe quel événement public d'importance. »
L'Irak, le Honduras et le Mexique complètent ce quatuor des pays les plus meurtriers pour les médias. D'après le CJFE, ces pays ont des traits en commun : leurs gouvernements ont « totalement failli à leur devoir d'assurer la sécurité des journalistes », et les tueurs des journalistes ne sont pas traduits devant les tribunaux.
Dans ce contexte, la Société interaméricaine de la presse (SIP) espère transmettre un message dans tout l'hémisphère occidental, à savoir que 2011 est l'« Année de la Liberté d'expression » - que l'on s'appliquera à sensibiliser le public à la violence dirigée contre les médias, en particulier par sa campagne contre l'impunité en vue de « Prêter votre voix à ceux qui n'en ont pas ».
Par ailleurs, l'INSI s'engage à « appuyer ceux qui en ont le plus besoin » - fournir gratuitement une formation en sécurité aux journalistes outre-mer, mettre à jour ses conseils en matière de sécurité pour les médias d'informations, et collaborer avec quelques-unes des plus grandes écoles de journalisme du monde afin de créer un cours de sécurité à l'intention des étudiants en journalisme. L'INSI crée également une base de données de toutes les agressions physiques contre les médias d'informations dans le monde.
Source: Communiqué de l'IFEX

lundi 3 janvier 2011

Les membres de l’IFEX se prononcent sur WikiLeaks

Tout d’abord, un rappel : selon le journal « The Guardian », on compte en tout 251 287 dépêches, qui proviennent de plus de 250 ambassades et consulats des États-Unis. « (Ces dépêches) révèlent comment les États-Unis traitent avec leurs amis et leurs ennemis... le tout enrobé d’épaisses couches de chiffre et de classifications du secret, dont les diplomates présument qu’ils sont sûrs. »
WikiLeaks a affiché dimanche une sélection de notes, tandis que le « Guardian » publiait, indépendamment mais simultanément, des éléments en même temps que le « New York Times », « Der Spiegel » en Allemagne, « Le Monde » à Paris et « El País » à Madrid. Les journaux ont caviardé certains renseignements, susceptibles d’entraîner des représailles contre des personnes vulnérables et ont recherché des histoires d’intérêt public.
« Nous sommes plus ou moins convaincus de l’évolution de WikiLeaks », a dit à l’AFP le directeur de RSF, Jean-François Julliard. « Nous aimons le partenariat avec les journaux et les efforts pour remettre les choses en contexte, vérifier les renseignements et en tirer les leçons », a-t-il dit.

ARTICLE 19 réitère son appel aux gouvernements pour qu’ils rehaussent l’accès du public à l’information, et qu’ils en limitent l’accès uniquement si les gouvernements peuvent démontrer que cela causerait un tort précis et distinct. « Les règles ne doivent pas servir à cacher d’autres intérêts. D’ailleurs, les règles américaines actuelles sur le secret interdisent de classifier des informations sur le recours au crime comme moyen de prévenir les situations embarrassantes. On fait fi de ces règles bien trop souvent », dit ARTICLE 19.
Cette opinion trouve un écho chez Index on Censorship. Dans un éditorial cette semaine, le directeur général John Kampfner s’est plaint qu’au Royaume-Uni « la liberté de parole est considérée comme une marchandise. Le droit d’un groupe d’intérêt d’être offensé est considéré comme tout aussi important que le droit d’exprimer une opinion. Le droit au secret d’un gouvernement est considéré comme plus important que le droit du public de savoir. » Il a ajouté que tout comme dans le cas de la liberté de parole, lorsqu’on passe en revue le matériel rendu public par WikiLeaks, « le contexte est capital ».
« Il est vital de le savoir quand les gouvernements sont de connivence pour torturer ou pour commettre d’autres actions illégales. Il est important de le savoir quand ils disent une chose en privé (sur tel ou tel dirigeant dans le monde) et disent tout à fait le contraire en public. Il est troublant de savoir que des organisations d’aide peuvent avoir été utilisées par l’armée, en particulier en Afghanistan, pour aider les forces de l’OTAN à “gagner les esprits et les coeurs” », dit Kampfner.
« Ces questions, et d’autres encore, sont essentielles pour le débat démocratique, a-t-il poursuivi. Inévitablement, les réponses suscitent de l’embarras. Cela aussi est essentiel dans une société civile en santé. De bons journalistes et rédacteurs doivent être capables de distinguer ce qui est gênant de ce qui est préjudiciable. Les renseignements susceptibles de mettre la vie de quelqu’un en danger, que ce soit à court terme ou dans le cadre d’une opération à plus long terme, doivent rester secrets. »
Selon Kampfner, le plus curieux est que les révélations de WikiLeaks ont été livrées par le fondateur de WikiLeaks Julian Assange, et non par les médias, « qui devraient se demander pourquoi ils n’ont pas les moyens de tirer la vérité du pouvoir ».
Les trois groupes sont catégoriques au sujet d’Assange et des autres collaborateurs de WikiLeaks : ils ne doivent pas être poursuivis aux termes des lois des États-Unis ou d’autres pays concernant les secrets d’État ou l’espionnage.
Source: Communiqué de l'IFEX

« Il existe un principe bien établi qui veut que les autorités publiques portent l’entière responsabilité de la protection de la confidentialité des renseignements officiels. D’autres personnes et entités, notamment WikiLeaks et les journalistes, ne doivent jamais être soumis à quelque responsabilité parce qu’ils publient des informations qui ont fait l’objet de fuites, à moins qu’elles n’aient été obtenues par la fraude ou autre crime », a déclaré ARTICLE 19 après que des fichiers sur la guerre en Afghanistan eurent été rendus publics.

De la même manière, dit ARTICLE 19, le lanceur d’alertes doit être protégé s’il y a un fort intérêt public dans la publication des renseignements et que les avantages à les rendre publics l’emportent sur les désavantages - même si le lanceur d’alerte a agi sans autorisation.

Depuis des années, RSF fait campagne pour faire adopter aux États-Unis une loi fédérale dite « de protection » afin de préserver les sources - y compris pour les sites comme WikiLeaks. D’après RSF, quarante États américains se sont dotés de lois qui protègent la confidentialité des sources des journalistes, mais il n’y a pas de loi de ce genre au palier fédéral. RSF fait remarquer que la chambre des Représentants en a adopté une version limitée en juillet 2008, mais qu’avec le scandale de WikiLeaks, les sénateurs tentent maintenant d’en exclure les sites web lanceurs d’alerte.

Plus de journalistes sont derrière les barreaux à l’heure actuelle qu’à tout autre moment depuis 1996, dit le CPJ

Au 1er décembre, il y avait 145 reporters, rédacteurs et photojournalistes derrière les barreaux : le bilan le plus lourd en 14 ans, apprend-on dans un nouveau rapport du Comité pour la protection des journalistes (CPJ). L’Iran et la Chine sont les pires geôliers du monde avec 34 journalistes incarcérés dans chacun de ces deux pays, tandis que l’Érythrée, la Birmanie et l’Ouzbékistan complètent le portrait et sont, avec les deux premiers, les cinq pires pays du monde.
En Iran, les voix critiques subissent un assaut incessant depuis la répression post-électorale de 2009. Rien qu’au cours des deux derniers mois, quatre journalistes ont été détenus. Navid Mohebbi, un blogueur de 18 ans qui couvre le droits des femmes, est la personne la plus jeune à figurer au bilan dressé par le CPJ. La blogueuse syrienne Tal al-Mallohi n’est pas beaucoup plus vieille que lui - elle a eu 19 en prison, détenue depuis presque un an.
Une série d’emprisonnements de journalistes ouïghours et tibétains, depuis la deuxième moitié de 2009 et en 2010, illustre l’accroissement des détentions en Chine (qui comptait 24 journalistes incarcérés en 2009). Les journalistes ouïghours et tibétains couvrent les questions ethniques et les violents troubles régionaux des dernières années, sujets officiellement interdits.
En Érythrée, 17 journalistes sont incarcérés, tandis que onze d’entre eux sont détenus sans jugement depuis une décennie dans des endroits tenus secrets. D’après des sources non confirmées, quatre des journalistes emprisonnés pourraient avoir succombé à la suite de mauvais traitements. La Birmanie compte 13 journalistes derrière les barreaux, dont Hla Hla Win, arrêté après avoir interviewé des moines bouddhistes pour un reportage lié à l’anniversaire de la Révolution de safran de 2007. L’Ouzbékistan garde six journalistes en détention.

La recherche du CPJ a constaté que le recours aux accusations d’activités hostiles à l’État - trahison, subversion ou agissements contraires aux intérêts nationaux - constitue la principale cause de l’incarcération des journaliste. À l’heure actuelle, au moins 72 journalistes sont détenus pour de tels motifs à travers le monde. Selon le CPJ, « les raisons sont presque toujours les mêmes : écraser ceux qui contestent l’autorité de l’État ».
Les gouvernements ont également recours aux accusations de diffamation criminelle et contournent entièrement l’application régulière de la loi afin de réduire au silence les journalistes critique et de les garder derrière les barreaux. Le décompte inclut 64 journalistes pigistes, qui sont plus vulnérables parce qu’ils ne bénéficient pas du soutien juridique et financier d’un média. Aussi, 69 journalistes en ligne constituent presque la moitié de tous ceux qui sont emprisonnés.
Source: Communiqué de l'IFEX

Un journaliste marocain remporte le prix Gebran-Tueni 2010 de l’AMJ-IFRA

Cinq ans se sont écoulés depuis l’assassinat du journaliste libanais Gebran Tueni, tué dans l’explosion d’une voiture piégée tandis qu’il se rendait au travail. En hommage au courage de Tueni et à sa détermination à défendre la liberté de la presse, l’Association mondiale des journaux et des éditeurs de nouvelles (AMJ-IFRA) continue de décerner un prix en son nom à un rédacteur ou à un éditeur du monde arabe. Le lauréat de cette année est Aboubakr Jamaï, co-fondateur et ancien directeur général de l’hebdomadaire « Le Journal Hebdomadaire ».
« L’attribution de ce prix prestigieux constitue un hommage à tous les journalistes marocains qui souffrent en raison des limites imposées à leur liberté d’expression ces dernières années », a déclaré Jamaï, qui donne des cours sur l’islam politique et la politique au Moyen-Orient à l’Université de San Diego aux États-Unis.

Le « Journal Hebdomadaire » s’est imposé comme une voix critique tenace, qui tient les autorités responsables de s’attaquer à la corruption, de faire preuve de transparence et de cesser les violations des droits de la personne. L’hebdomadaire est assommé par des amendes imposées par la Cour suprême du Maroc; les autorités ont ordonné aux annonceurs de boycotter la publication, empêchant toute forme de reprise financière. Le journal a été fermé en janvier 2010.
La Fondation Maharat du Liban attire l’attention sur le fait que l’assassinat de Tueni s’est inscrit dans une série d’assassinats de politiciens et de travailleurs des médias survenus en 2005, et est survenu six mois après le meurtre du journaliste Samir Kassir. Maharat presse les autorités libanaises d’intensifier leurs efforts pour traduire en justice les responsables du meurtre de Tueni, parce que le fait que les tueurs restent au large encourage l’impunité qui sévit au Liban.
Source: Communiqué de l'IFEX