mardi 20 janvier 2015

Les Musulmans de France pris entre deux feux

Les Musulmans de France sont pris entre deux feux, deux extrêmes. D’un côté, nous avons l’extrême droite ; un parti qui oscille entre 25 et 30 % des électeurs. Elle est principalement incarnée par le Front National, dirigé par Marine le Pen, et des groupuscules ultras, notamment ceux que l’on dénomme les Identitaires (ce qui ne veut rien dire en soi si ce n’est celui d’évoquer une identité blanche). Ce parti recueille des mécontents, des laissés pour compte, des anciens de l’Algérie française, des frustrés, des aigris, des racistes, des xénophobes, des antisémites, bref tous ceux qui ont, déjà à la base, des problèmes avec eux-mêmes (Zemmour, Finkielkraut, Tesson…) et qui déversent cette haine de soi sur les autres, via les médias. On se souvient de tous ces débats limites sur le voile islamique, l’identité nationale, la compatibilité de l’islam ou non avec les lois de la République, les bienfaits du colonialisme, l’esclavagisme, etc.

De l’autre, il y a les extrémistes, les radicaux, les fondamentalistes et fanatiques religieux. Ici, nous avons une récupération, au nom d’un islam radical et dévoyé, des personnes déracinées, se sentant abandonnées, jetées aux oubliettes par une société française sélective, qui pratique le tri catégorique, laisse derrière elle celles et ceux qu’elle décrète non intégrés parce que ne voulant pas, selon elle, s’intégrer. La récupération de ces mal-aimés par des religieux radicaux devient alors un jeu d’enfant. La République ayant laissé des vides considérables au sein du territoire national, les prêcheurs de haine et vendeurs de paradis les occupent alors sans difficulté. Si vous ajoutez à cela l’argent facile venant notamment des monarchies du pétrole, la boucle est bouclée. L’Irak et la Syrie sont au bout de la rue.

Les Musulmans pacifiques, intégrés à la société française, jouant pleinement leur rôle politique, social et économique, deviennent les victimes directes de ces deux extrêmes, ne sachant plus trop ou se situer et par rapport à quoi. Les massacres commis au siège de Charlie Hebdo ont été d’une violence et d’une brutalité incroyables, choquant et marquant les esprits. Immédiatement, et dès le lendemain, des regards accusateurs, des mots blessants, des dérapages ont indiqué le degré de l’islamophobie en France. Des femmes voilées ont été agressées, un homme a été poignardé de 17 coups de couteau, des lieux de culte ont été attaqués et profanés. Et sans un extraordinaire sang-froid de François Hollande appelant au calme, à l’apaisement, à une lucidité, une unité nationale afin de ne pas tomber dans le piège des tueurs, nous aurions pu sombrer dans des conflits graves. Toutefois, certaines et certains extrémistes de la politique française n’ont pu s’empêcher de cracher leur venin. Ils se reconnaîtront facilement.

Nous devons tous travailler à endiguer ces montées de l’extrémisme religieux et politique, chacun à notre niveau. Mais je crois que nous avons, nous qui sommes de confession musulmane, une responsabilité particulière dans la société. Celle d’éduquer nos enfants sur les vraies valeurs de l’islam — je ne doute pas que la majorité le fait — et les informer des folies vers lesquelles des fous fanatiques aimeraient les conduire. Il nous faut leur apporter des réponses claires à leurs questions en insistant sur le fait qu’il ne faut pas tout mélanger : Proche-Orient, Jihad, monde arabe, racisme, exclusion, etc. Que l’Etat prenne aussi ses responsabilités en matière d’enseignement de l’Histoire, de religion, de laïcité, et du Monde dans toute sa diversité. Un enfant exclu est un échec pour toute la société, car c’est elle qui devra plus tard en subir les conséquences.
Touhami Moualek

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