dimanche 3 octobre 2021

Géopolitique des réseaux sociaux - Le dessous des cartes


La géopolitique des réseaux sociaux décryptée par Le Dessous des cartes. Le "Dessous des cartes" analyse les usages et les règlementations des réseaux sociaux en Chine, aux États-Unis et en Europe. L'ingérence des Gafam dans la dernière campagne électorale a marqué un tournant dans l’histoire des réseaux sociaux, soulignant en quoi ces derniers jouaient désormais un rôle politique. Évincé des grands réseaux sociaux depuis l’assaut meurtrier du Capitole en janvier 2021 – au cours duquel certains ont cru voir la démocratie américaine vaciller –, l’ancien président américain Donald Trump a porté plainte contre Facebook, Twitter et Google.

Cette ingérence des géants américains du numérique dans une campagne électorale a marqué un tournant dans l’histoire des réseaux sociaux, rappelant en quoi ces derniers jouaient désormais, de fait, un rôle politique. Nous avons voulu dès lors rappeler en quoi les démocraties et les États autoritaires n’en faisaient pas le même usage, en nous arrêtant sur le modèle chinois, où l’accès à l’internet mondial n’est pas possible, et où les réseaux sociaux sont au cœur de la stratégie communiste d’un contrôle étroit de la population. Mais également sur le modèle de l’État libéral américain, qui en donnant carte blanche aux Gafam sans chercher à les réguler ni encadrer la question cruciale de l’utilisation des données personnelles, s’est retrouvé dépassé. En regardant enfin comment l’Europe est à la pointe de la réflexion règlementaire, sans avoir su développer sa propre puissance numérique.

samedi 2 octobre 2021

Gideon Levy : “Oui, les évadés de prison palestiniens sont des combattants de la liberté “






Les six prisonniers palestiniens évadés sont les plus téméraires des combattants de la liberté qu’on puisse imaginer. Les Israéliens qui ont du mal à admettre la chose feraient bien de se rappeler les nombreux films et séries de télévision qu’ils ont vus : S’évader de prison est ce qui s’appelle un « happy end » parfait.

L’évasion de la prison d’Acre, en 1949, au cours de laquelle des membres de l’Irgoun, la milice clandestine d’avant la création de l’État et dirigée par Menahem Begin, avaient fait irruption dans la prison de la ville pour libérer d’autres membres de la milice détenus par le gouvernement du Mandat britannique, a été fixée à jamais dans la mémoire collective comme un summum d’héroïsme.

Mais ce qui convient au cinéma et aux juifs n’est jamais applicable aux Palestiniens. Les six évadés ne sont que des terroristes et le sentiment national veut les voir morts. Pendant ce temps, les médias sociaux débordent de traits d’esprit et de blagues sur l’évasion, peut-être afin d’éviter de traiter de sa signification ou de se soustraire à l’embarras qu’elle provoque.

Les six réfractaires ont choisi la voie de la résistance cruelle et violente à l’occupation. On pourrait discuter de son efficacité face à un État israélien puissant et bien armé, mais sa légitimité ne peut être mise en doute. Ils ont le droit de recourir à la violence afin de résister à une occupation plus cruelle et plus violente encore que toute terreur palestinienne.

Après leur arrestation, ils avaient été condamnés à des peines draconiennes, hors de toute proportion, surtout si on les compare aux normes en vigueur en Israël pour d’autres condamnés. Leurs conditions de détention sont également une honte, défiant tout test d’humanité et de droits humains, et même une comparaison avec les conditions dans lesquelles les pires criminels sont détenus. Ignorez cette propagande minable et fallacieuse à propos de leurs conditions, accompagnée d’une photo de baklava prise en prison même : Aucun détenu en Israël ne bénéficie de telles conditions. Des décennies sans congé, sans appel téléphonique pourtant légal avec la famille, et parfois même sans visite de la famille, voilà des conditions de vie tellement pénibles que même la Haute Cour de justice a jugé nécessaire d’intervenir.

La plupart des six évadés ont déjà purgé une vingtaine d’années de prison, sans le moindre espoir de futur ; chacun d’eux a écopé de plusieurs fois la perpétuité plus vingt ou trente ans. Pourquoi ne tenteraient-ils pas de s’évader ? Pourquoi ne devrait-il pas y avoir un petit peu de compréhension pour leur acte et même un espoir secret, après leur évasion, de les voir disparaître et entamer une nouvelle vie, comme au cinéma ?

Je connais très bien Zakaria Zubeidi, je pourrais même me dire son ami. À l’instar d’une poignée d’autres journalistes israéliens, je l’ai rencontré souvent au fil des années, en particulier lorsqu’il était recherché. Jusqu’à il y a environ trois ans, je lui envoyais encore des articles d’opinion provenant des archives Haaretz et qu’il désirait pour terminer sa thèse de maîtrise. Toutefois, il est resté un peu une énigme pour moi, et le micmac qui a débouché sur sa nouvelle arrestation il y a deux ans est toujours un mystère aussi ; Zakaria n’est pas un gamin, c’est un père maintenant, alors pourquoi ?

Mais son histoire est l’histoire classique d’une victime et d’un héros. « Je n’ai jamais vécu comme un être humain », m’a-t-il expliqué un jour. Jeune garçon, il transportait déjà des sacs de sable sur un chantier de la rue Abbas à Haïfa, tandis que des juifs de son âge étaient à la maison avec leurs parents. Son père est mort quand il était jeune ; il était adolescent lorsque sa mère fut abattue par l’armée israélienne à la fenêtre de sa maison et, quelques semaines plus tard, c’était son frère qui se faisait tuer, alors que sa maison était démolie par l’armée. De tous ses amis du camp de réfugiés de Jénine qui ont été immortalisés dans le merveilleux documentaire de 2004, « Les enfants d’Arna », (*)  il est le seul survivant. En 2004, il m’a dit : « Je suis mort. Je sais que je suis mort », mais la chance, ou autre chose, était de son côté.

Comme Marwan Barghouti et d’autres héros palestiniens, il voulait la paix avec Israël, mais dans des conditions de justice et d’honneur pour son peuple, et lui aussi estimait que la seule option qui lui restait était celle de la résistance violente. Jamais je ne l’ai vu sans arme.

Je pense à Zakaria aujourd’hui et j’espère qu’il s’échappera vers la liberté, de même que j’espère que Barghouti sera libéré un jour lui aussi. Ces personnes méritent d’être punies pour leurs actes, mais elles méritent également de la compréhension et de l’appréciation pour leur courage et leur droiture. Israël a décidé de les garder en prison à jamais et ils essaient, chacun à sa manière, d’annuler le décret inique et malsain. Ils sont exactement ce que j’appellerais des combattants de la liberté. Des combattants pour la liberté de la Palestine. Comment pourrait-on les définir autrement ?

GIDEON LEVY

Source originale: Haaretz

Traduit de l’anglais par Jean-Marie Flémal pour Charleroi pour la Palestine

Source : https://www.investigaction.net/fr/gideon-levy-oui-les-evades-de-prison-palestiniens-sont-des-combattants-de-la-liberte/

vendredi 1 octobre 2021

Enquête – La CIA a envisagé l’assassinat de Julian Assange en 2017

 Courrier international  Lorsqu’il était directeur des services secrets américains, Mike Pompeo a voulu faire disparaître le fondateur de WikiLeaks, alors qu’il était réfugié à l’ambassade d’Équateur, selon d’anciens responsables de l’antiterrorisme américain.

La CIA a sérieusement envisagé de supprimer Julian Assange en 2017. “De hauts responsables” des services secrets américains ont discuté d’une opération pour “enlever et même assassiner le fondateur de WikiLeaks”rapporte le Guardian.

Selon une enquête publiée dimanche 26 septembre par Yahoo News, ces discussions remontent à 2017, alors que l’activiste australien entamait sa cinquième année de réclusion dans l’ambassade d’Équateur à Londres. “Le directeur de la CIA de l’époque, Mike Pompeo, et de hauts responsables de l’agence étaient furieux de la publication par WikiLeaks de Vault 7, un ensemble de logiciels de piratage de la CIA, une brèche dont l’agence juge qu’elle constitue la plus grande perte de données de son histoire”, relate le quotidien britannique. Un responsable de la sécurité sous la présidence Trump cité par Yahoo explique :

Ils planaient tellement ils étaient embourbés dans [l’affaire] Vault 7. Il. Ils voulaient voir du sang.”

L’enquête basée sur les témoignages d’une trentaine d’anciens responsables du renseignement américain révèle que des dirigeants de la CIA ont demandé des “croquis” et des “options” pour tuer Julian Assange. “Il semblait n’y avoir aucune limite”, raconte un ancien haut responsable de la lutte antiterroriste.

La CIA s’est refusée à tout commentaire, explique le quotidien britannique, pour qui un “enlèvement ou le meurtre d’un civil accusé d’avoir publié des documents ayant fait l’objet de fuites sans aucun lien avec le terrorisme aurait soulevé une vague d’indignation mondiale”.

Source : https://kassataya.com/2021/09/28/enquete-la-cia-a-envisage-lassassinat-de-julian-assange-en-2017/


dimanche 22 mars 2015

Daech, où et vers quoi les Etats-Unis entraînent-ils la région arabe ?

Et finalement, le président américain Barack Obama a reconnu, lors d’une intervention sur une chaîne de télévision US, que l’émergence du mouvement terroriste Daech est le résultat non souhaité et non prévu de l’invasion de l’Irak en 2003. En disant cela, Obama ne voulait très probablement pas critiquer la politique de son prédécesseur, du moins pas autant qu’il n’aspirait à rassurer les Arabes, effrayés par la montée en puissance du terrorisme religieux, quant au fait que la coalition d’une soixantaine de pays conduite par les Etats-Unis en Mésopotamie œuvre et continuera d’œuvrer pour « chasser résolument Daech hors d’Irak ».

En réalité, le problème ne réside pas vraiment dans l’erreur commise par l’administration Bush voici maintenant plus de 10 ans, mais plutôt et surtout dans ce qu’entend le président Obama par « hors d’Irak ». On dit que l’objectif ultime de la coalition est la destruction de Daech, mais rien ne dit et personne ne précise comment faire pour atteindre cet objectif ni quelle est la stratégie d’après l’élimination de ce mouvement extrémiste qui a accueilli des dizaines de milliers de combattants venus de partout et d’ailleurs… Seront-ils tués dans des chambres à gaz ? Seront-ils regroupés dans un bagne comme celui de Guantanamo ? Ou alors seront-ils tous expédiés à leurs foyers, dans leurs pays d’origine ? Et si c’est ce dernier scénario qui est privilégié, et finalement retenu, ne pense-t-on pas au risque de guerre civile que cela induirait dans les pays arabes concernés ?

En envahissant l’Irak, les Etats-Unis n’ont pas engagé leur seule responsabilité et n’ont pas été les seuls à s’embourber dans ce guêpier, mais ils ont attiré avec eux les autres pays arabes. En effet, les évolutions de toute la région ne sont que la conséquence de la situation en Irak qui a produit les formes de terrorisme les plus abjectes au nom de la religion, comme le mouvement d’Abou Moussâb al-Zarkaoui qui a donné ensuite naissance à Daech dans sa configuration actuelle. Or, les Etats-Unis ne se sont pas arrêtés à la simple invasion de l’Irak, mais ont aussi agi dans une sorte de manipulation communautaire dans ce pays, et cela a donné naissance à des discours et des théories sur les minorités en Mésopotamie, un terme qui revenait souvent dans la littérature coloniale du 19ème siècle au Moyen-Orient.

Ainsi, quand en Irak plusieurs communautés parviennent à cohabiter et à coexister, évoquer la notion de minorités revient à une déclaration de guerre. Et c’est précisément ce qui s’est produit, suite à la dislocation du tissu communautaire, créant une logique terroriste, qui a par la suite abouti à la naissance du mouvement d’al-Zarkaoui. Les Etats-Unis ont employé le langage communautaire, et il était donc tout à fait logique que cela laisse éclater les instincts communautaires.

Avec cette situation en Irak, celle qui avait prévalu en Afghanistan dans les années 80 est désormais reléguée aux archives, n’intéressant plus que les chercheurs et les historiens. En effet, ce à quoi nous assistons aujourd’hui est bien plus grave que ce qui se passait en Afghanistan, car nous sommes confrontés au projet de création d’un Etat en Mésopotamie, avec des dizaines de milliers de combattants et d’émigrés. Tous ces gens sont groupés autour d’une seule et même idée, portée et revendiquée par Daech, contrairement à ce qui était le cas en Afghanistan, où les divisions et les scissions caractérisaient les nombreux mouvements de Moudjahidine arabes, et où les camps étaient de simples tentes et casernes disséminées ici et là et non un Etat qui exerce sa souveraineté sur une très grande superficie. En Afghanistan, donc, il avait été bien plus facile hier de démanteler tous ces groupes qu’il n’est aujourd’hui aisé de détruire Daech.

Les guerres précédentes menées en terres arabes par des coalitions dirigées par les Etats-Unis ont montré qu’elles ont toujours engendré encore plus de guerres et de menaces qu’elles n’étaient venues combattre… et c’est précisément ce que l’on serait en droit de craindre aujourd’hui encore. L’Amérique a des éléments à faire valoir pour convaincre de la nécessité que ce soit elle qui mène la coalition, mais les pays arabes en ont-ils pour expliquer qu’ils font cette guerre sous sa direction, eux qui ne cessent de dénoncer le terrorisme au nom de l’islam ? En effet, le simple fait que les Etats-Unis conduisent une coalition contre un groupe terroriste se réclamant de l’islam est amplement suffisant à créer des tensions car le discours des extrémistes se nourrit du vocabulaire ancien où les mots de « croisades » et de « croisés » gardent encore toute leur symbolique.

La crainte principale est que l’expression « hors d’Irak » employée par Barack Obama ne désigne toute autre région du monde arabe que le Moyen-Orient, où se trouvent Israël et le pétrole. Or, si ce n’est le Moyen Orient, cela ne saurait être que le nord de l’Afrique. Cette partie du monde est aujourd’hui devenue l’objectif des organisations terroristes, en tête desquels se trouve Daech qui voudrait bien regrouper ses partisans et combattants dans la région, afin de se trouver un territoire de remplacement en cas de perte de celui de « l’Etat de Mossoul ».

Un tel scénario est très fortement envisageable, pour les raisons sus-indiquées, mais aussi parce qu’il ouvrirait une zone de tension presqu’aux portes de l’Europe, ce qui ne serait pour déranger les Américains, bien au contraire…

Avec cette avancée et cette extension des groupes islamistes et l’extension géographique du mouvement Daech, tout est désormais possible… Tout peut être envisagé dans ce séisme qui a frappé le monde arabe, sauf de voir les Etats-Unis réviser leurs politiques et stratégies en vigueur pour la région arabe. Ainsi, qu’Obama reconnaisse l’erreur d’appréciation qu’avait constitué l’invasion de l’Irak ne change rien à la donne du monde arabe ni à son sort. Les Etats-Unis, en réalité, ne recherchent pas vraiment une solution définitive à la situation de crise permanente dans la région, mais ils testent plusieurs remèdes, variant selon les contextes, et évaluent leur portée en fonction de leurs intérêts du moment. S’il est une chose de sûre dans les politiques américaines, c’est que si elles réussissent, seuls les Etats-Unis en profitent, mais si elles échouent, alors tout le monde en paie le prix.
Par Driss Ganbouri
Al Massae
Source: http://www.panorapost.com/article.php?id=10188