mardi 10 mars 2015

En France, certaines arrestations portent atteinte à la liberté d'expression

Le 14 janvier 2015, l'humoriste français Dieudonné M'bala M'bala a été placé en garde à vue pour apologie du terrorisme. L'arrestation serait liée aux propos tenus par Dieudonné dimanche sur sa page Facebook, où il avait écrit : "Sachez que ce soir, en ce qui me concerne, je me sens Charlie Coulibaly".

"Les plaisanteries postées sur Facebook sur les attaques terroristes, même de mauvais goût ou injurieuses, sont protégées par le droit à la liberté d'expression, si elles ne sont pas en mesure de constituer de véritables actes d'incitation à commettre des attaques terroristes", a affirmé Thomas Hughes, directeur exécutif d'ARTICLE 19.

"Après le soutien massif au droit à la liberté d'expression de Charlie Hebdo, la mise en garde à vue de Dieudonné est un test qui permettra d'évaluer à quel point les autorités françaises sont prêtes à défendre les principes que Charlie Hebdo incarnait", a ajouté Hughes.

L'apologie publique du terrorisme est sanctionnée par l'article 421-2-5 du code pénal français. Le délit est passible de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende. Des peines plus sévères sont prévues lorsque les faits ont été commis en ligne, portant à sept ans l'emprisonnement et à 100.000 euros l'amende.

"Les autorités françaises doivent tenir compte du contexte global du post de Dieudonné, et protéger son droit à faire des plaisanteries injurieuses ou de mauvais goût", a déclaré Thomas Hughes.

Les normes internationales indiquent clairement que la définition des actes de terrorisme ne devrait pas être générale ou vague au point d'y inclure l'expression, lorsqu'il n'y a pas de volonté réelle d'encourager ou susciter des actes terroristes. Pour imposer des sanctions pénales, un rapport direct et immédiat doit pouvoir être établi entre l'expression en cause et la possibilité ou la survenue de cette violence.

ARTICLE 19 s'inquiète que des peines plus sévères soient prévues lorsque le délit d'apologie du terrorisme est commis en ligne. Le rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'expression a affirmé que la définition de nouvelles lois ou dispositions "spécifiquement conçues pour criminaliser l'expression sur Internet" n’est aucunement nécessaire.

On signale au moins 50 procédures ouvertes en France depuis la semaine dernière pour apologie du terrorisme. Il est difficile de quantifier le nombre de ces enquêtes qui sont liées à l'utilisation des réseaux sociaux.

"Les poursuites contre ceux qui, sur les réseaux sociaux, expriment des points de vue divergents ou minoritaires ne contribueront pas à la lutte contre le terrorisme, mais constituent une menace réelle de marginalisation accrue des citoyens, et mettent en danger la liberté d'expression", a affirmé Thomas Hughes.

"La liberté d'expression doit être protégée pour tous sans discrimination, y compris en ce qui concerne leur opinion politique, leur religion ou leurs convictions", a ajouté Hughes.

Des infractions pénales similaires existent dans d'autres pays, y compris le Royaume Uni, où "l'encouragement" des actes de terrorisme est réprimé par l'article 1 du Terrorism Act 2006. La Commission des droits de l'homme des Nations Unies, organe de l'ONU responsable du suivi de l'application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, s'est dit en 2008 inquiète que des personnes puissent être déclarées coupables de ces infractions alors qu'elles n'avaient nullement l'intention d'encourager directement ou indirectement les citoyens à commettre des actes de terrorisme.
Source: IFEX
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jeudi 5 mars 2015

L'Algérie réprime les défenseurs des droits des travailleurs (Human Rights Watch)

Cet article a été initialement publié sur hrw.org le 23 février 2015.

Depuis fin janvier 2015, les tribunaux algériens ont condamné neuf militants des droits des travailleurs à des peines de prison pour avoir participé à des manifestations pacifiques visant à soutenir des travailleurs au chômage. L'un d'eux a été condamné à 18 mois de prison pour participation à un « attroupement non autorisé ». Les autres se sont vu infliger des peines d'un an de prison, dont six mois avec sursis, pour le même motif.

Les autorités algériennes devraient respecter le droit de manifester pacifiquement et cesser de poursuivre en justice des militants des droits des travailleurs sous l'accusation de participation à des « attroupements non autorisés ». Le gouvernement devrait également amender la loi 91-19, qui restreint indûment le droit de réunion pacifique, ainsi que les dispositions du code pénal qui criminalisent les rassemblements pacifiques non autorisés.

« Les travailleurs sans emploi, qui souffrent déjà de la situation économique, sont en plus exposés à un risque d'arrestation et d'emprisonnement s'ils expriment publiquement et de manière pacifique leur mécontentement », a déclaré Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Les autorités algériennes se trompent lourdement si elles pensent qu'emprisonner des manifestants pacifiques est un bon moyen de faire face à leurs doléances. »

Le 11 février, le Tribunal de première instance de Laghouat a condamné huit membres du Comité National pour la Défense des Droits des Chômeurs (CNDDC) à des peines d'un an de prison, dont six mois avec sursis. Leur avocat, Ahmine Noureddine, a déclaré à Human Rights Watch que le tribunal avait déclaré les travailleurs coupables d'« attroupement non autorisé » en vertu de l'article 97 du code pénal, et d'avoir « fait pression sur les décisions des magistrats » en vertu de l'article 147 du même code.

Les autorités avaient arrêté ces huit personnes – Khencha Belkacem, Brahimi Belelmi, Mazouzi Benallal, Azzouzi Boubakeur, Korini Belkacem, Bekouider Faouzi, Bensarkha Tahar et Djaballah Abdelkader – le 28 janvier alors qu'elles s'étaient rassemblées devant le tribunal pour protester contre le procès de Mohamed Rag, un autre militant du CNDDC arrêté huit jours auparavant, qui a été condamné à 18 mois de prison.

Le rapport de police concernant les arrestations du 28 janvier, que Human Rights Watch a pu consulter, déclare que les huit militants étaient en train de se rassembler devant le tribunal, brandissant des affiches hostiles au procès de Mohamed Rag, lorsque le chef de la brigade criminelle de la police de Laghouat a ordonné leur arrestation, afin d'éviter « de possibles atteintes à l'ordre public. » Après leurs condamnations, les neuf militants du CNDDC ont interjeté appel et entamé une grève de la faim.

Les autorités algériennes avaient précédemment poursuivi Mohamed Rag en justice à deux reprises au moins: en 2013, quand un tribunal l'avait acquitté en mars d'accusations de participation et incitation à un attroupement non autorisé et de destruction de biens, à la suite d'une manifestation tenue devant les bureaux du ministère du Travail à Laghouat; et en 2014, lorsque le Tribunal de première instance de Laghouat l'avait acquitté d'autres accusations relatives à une manifestation de protestation tenue le 8 juin. Dans ce second cas, le tribunal avait déclaré 26 autres prévenus coupables de chefs d'accusation qui comprenaient la participation à un « attroupement armé » et la commission de violences à l'encontre de la police, sur la base de témoignages de policiers dans lesquels les accusés n'étaient pas incriminés individuellement. Les 26 personnes ont été condamnées à des peines de prison allant de six mois à deux ans.

En avril 2014, la cour d'appel de Ouargla a infligé à un autre membre du groupe, Houari Djelouli, une peine d'un an de prison avec sursis assortie d'une amende de 50 000 dinars (environ 530 dollars). Il avait été déclaré coupable, en vertu de l'article 96 du code pénal, d'avoir distribué des tracts du CNDDC appelant à l'organisation d'une manifestation (sit-in) pacifique pour exiger le droit au travail, que les autorités considéraient comme « susceptible de porter atteinte à l'intérêt national ».

Noureddine Abdelaziz, le président du groupe, a déclaré à Human Rights Watch que la police de Laghouat avait arrêté un autre militant du CNDDC le 11 février 2015 à 06h00, à son arrivée à la gare de la ville en provenance d'Alger, à 400 kilomètres au nord, afin d'assister au procès des huit militants. Noureddine Abdelaziz a indiqué à Human Rights Watch que la police avait remis en liberté ce militant, Tarek el Naoui, six heures plus tard, sans retenir de chef d'accusation contre lui.

La loi 91-19 restreint indûment le droit de réunion pacifique en considérant comme illégal le fait d'organiser ou de participer à tout rassemblement public qui n'a pas reçu l'approbation du ministère de l'Intérieur. Le ministère approuve rarement les rassemblements qui ont pour but de critiquer le gouvernement. L'article 97 du code pénal criminalise l'organisation ou la participation à des attroupements non autorisés, même s'ils sont pacifiques, et prévoit une peine pouvant aller jusqu'à un an de prison pour avoir manifesté dans un lieu public.

Ces articles constituent une violation par l'Algérie de ses obligations en tant qu'État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, aux termes desquels l'Algérie est tenue de protéger la liberté de réunion. L'article 21 du PIDCP stipule que:

Le droit de réunion pacifique est reconnu. L'exercice de ce droit ne peut faire l'objet que des seules restrictions imposées conformément à la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l'intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l'ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et les libertés d'autrui.

« Le gouvernement algérien devrait promouvoir les droits des travailleurs, au lieu de se servir de lois archaïques pour réprimer les personnes qui osent se livrer à des manifestations pacifiques », a conclu Eric Goldstein.
https://www.ifex.org/algeria/2015/02/24/labour_rights_activists_persecuted/fr/

mercredi 4 mars 2015

Selon John Sawers, ex-patron du MI6, la guerre contre la Russie n'est qu'à ses débuts

John Sawers, patron du MI6 jusqu’en Novembre 2014, annonce clairement les choses, sans langue de bois ni faux semblants, avec le cynisme et la morgue qui caractérisent les dirigeants et hauts fonctionnaires britanniques. Pour lui, la Russie représente une menace pour la Grande-Bretagne. « Le danger de la Russie est imminent», dit-il, selon la chaine de télévision al-Arabiya.

Le fait que Moscou soutienne les indépendantistes de Novorussie est, selon Sawers, une preuve claire de « l’ambition de la Russie d’accroître son influence dans les Balkans au détriment des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne ». Notez bien qu’il dit « au détriment des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne ». Ni l’Allemagne, ni la France, ni même l’UE ne sont concernées dans cette histoire. Il s’agit bien de sauvegarder des intérêts extra européens, disons anglo-saxons pour faire court.

« Le gouvernement britannique est prêt à défendre ses intérêts. Il doit se préparer à une guerre par procuration tout comme ce qui se passe actuellement en Ukraine. Londres doit renforcer sa défense électronique, car la Russie essaie de développer son influence par de nouvelles méthodes sans entrer en confrontation frontale avec l’Occident », rajoute-t-il.

Il est à noter plusieurs choses dans ces déclarations faites par quelqu’un qui a dirigé le MI6 pendant 5 ans et qui n’est donc pas n’importe qui, bien plus près de la réelle gouvernance que bien des dirigeants mondiaux.

La première remarque est que Sawers ne parle jamais d’intérêts économiques. Il parle d’influence, donc d’hégémonie, là où tout le monde raisonne en termes économiques. C’est une politique constante des gouvernements britanniques au service de la Couronne, pour laquelle la très grande longévité de la reine actuelle est une bénédiction. Combien de présidents, de premiers ministres ou de chanceliers la Reine Elisabeth a-t-elle vu se succéder dans tous les pays du monde ? Elle les a vu défiler les uns après les autres en un carrousel de ce que les peuples appellent « changements » ou même «révolutions » mais qui n’est que la perpétuation de ce dont elle est la gardienne : le libéralisme triomphant. Chef de l’exécutif de plusieurs pays à travers le monde, elle détient les clés de la planète, au service des banques, ou l’inverse, à moins qu’il ne s’agisse d’un pacte gagnant-gagnant.

La deuxième remarque nous mène au cœur des guerres que subit le monde depuis des décennies. Sawers avoue, sans ambages, que la guerre que la Grande Bretagne doit mener contre la Russie se fera par procuration. C’est bien ce qui s’est passé depuis toujours, et continue de se passer sous nos yeux. Dans toutes les guerres actuelles, qu’elles soient pays contre pays ou par mercenaires interposés, on retrouve l’empreinte de ceux qu’on appelle généralement les anglo-saxons, qui ne sont en fait que les britanniques utilisant au maximum, en les mettant en avant au besoin, leurs premiers proxies qui forment le bloc dit « anglo-saxon ». Rompue à ce jeu depuis des siècles, la Grange Bretagne en est maintenant à créer des proxies de proxies, comme on le voit au Moyen-Orient. Israël lui-même est un de ses proxies.

La dernière remarque est le constat amer de John Sawers selon lequel la Russie refuse de se laisser entrainer dans une confrontation avec l’Occident, et qu’elle semble vouloir jouer le même jeu que la Grande Bretagne, ce qui est inacceptable. Puisque Moscou ne veut pas d’une guerre frontale, il faudra lui imposer une guerre asymétrique par procuration. Autant dire que ce n’est pas demain que l’Ukraine retrouvera la paix. Le tour des pays baltes, de la Pologne et des autres pays voisins ne tardera pas à venir, à moins que la Russie et ses alliés ne trouvent des solutions pour enrayer la machine.
Source : Réseau International

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