jeudi 5 mars 2015

L'Algérie réprime les défenseurs des droits des travailleurs (Human Rights Watch)

Cet article a été initialement publié sur hrw.org le 23 février 2015.

Depuis fin janvier 2015, les tribunaux algériens ont condamné neuf militants des droits des travailleurs à des peines de prison pour avoir participé à des manifestations pacifiques visant à soutenir des travailleurs au chômage. L'un d'eux a été condamné à 18 mois de prison pour participation à un « attroupement non autorisé ». Les autres se sont vu infliger des peines d'un an de prison, dont six mois avec sursis, pour le même motif.

Les autorités algériennes devraient respecter le droit de manifester pacifiquement et cesser de poursuivre en justice des militants des droits des travailleurs sous l'accusation de participation à des « attroupements non autorisés ». Le gouvernement devrait également amender la loi 91-19, qui restreint indûment le droit de réunion pacifique, ainsi que les dispositions du code pénal qui criminalisent les rassemblements pacifiques non autorisés.

« Les travailleurs sans emploi, qui souffrent déjà de la situation économique, sont en plus exposés à un risque d'arrestation et d'emprisonnement s'ils expriment publiquement et de manière pacifique leur mécontentement », a déclaré Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Les autorités algériennes se trompent lourdement si elles pensent qu'emprisonner des manifestants pacifiques est un bon moyen de faire face à leurs doléances. »

Le 11 février, le Tribunal de première instance de Laghouat a condamné huit membres du Comité National pour la Défense des Droits des Chômeurs (CNDDC) à des peines d'un an de prison, dont six mois avec sursis. Leur avocat, Ahmine Noureddine, a déclaré à Human Rights Watch que le tribunal avait déclaré les travailleurs coupables d'« attroupement non autorisé » en vertu de l'article 97 du code pénal, et d'avoir « fait pression sur les décisions des magistrats » en vertu de l'article 147 du même code.

Les autorités avaient arrêté ces huit personnes – Khencha Belkacem, Brahimi Belelmi, Mazouzi Benallal, Azzouzi Boubakeur, Korini Belkacem, Bekouider Faouzi, Bensarkha Tahar et Djaballah Abdelkader – le 28 janvier alors qu'elles s'étaient rassemblées devant le tribunal pour protester contre le procès de Mohamed Rag, un autre militant du CNDDC arrêté huit jours auparavant, qui a été condamné à 18 mois de prison.

Le rapport de police concernant les arrestations du 28 janvier, que Human Rights Watch a pu consulter, déclare que les huit militants étaient en train de se rassembler devant le tribunal, brandissant des affiches hostiles au procès de Mohamed Rag, lorsque le chef de la brigade criminelle de la police de Laghouat a ordonné leur arrestation, afin d'éviter « de possibles atteintes à l'ordre public. » Après leurs condamnations, les neuf militants du CNDDC ont interjeté appel et entamé une grève de la faim.

Les autorités algériennes avaient précédemment poursuivi Mohamed Rag en justice à deux reprises au moins: en 2013, quand un tribunal l'avait acquitté en mars d'accusations de participation et incitation à un attroupement non autorisé et de destruction de biens, à la suite d'une manifestation tenue devant les bureaux du ministère du Travail à Laghouat; et en 2014, lorsque le Tribunal de première instance de Laghouat l'avait acquitté d'autres accusations relatives à une manifestation de protestation tenue le 8 juin. Dans ce second cas, le tribunal avait déclaré 26 autres prévenus coupables de chefs d'accusation qui comprenaient la participation à un « attroupement armé » et la commission de violences à l'encontre de la police, sur la base de témoignages de policiers dans lesquels les accusés n'étaient pas incriminés individuellement. Les 26 personnes ont été condamnées à des peines de prison allant de six mois à deux ans.

En avril 2014, la cour d'appel de Ouargla a infligé à un autre membre du groupe, Houari Djelouli, une peine d'un an de prison avec sursis assortie d'une amende de 50 000 dinars (environ 530 dollars). Il avait été déclaré coupable, en vertu de l'article 96 du code pénal, d'avoir distribué des tracts du CNDDC appelant à l'organisation d'une manifestation (sit-in) pacifique pour exiger le droit au travail, que les autorités considéraient comme « susceptible de porter atteinte à l'intérêt national ».

Noureddine Abdelaziz, le président du groupe, a déclaré à Human Rights Watch que la police de Laghouat avait arrêté un autre militant du CNDDC le 11 février 2015 à 06h00, à son arrivée à la gare de la ville en provenance d'Alger, à 400 kilomètres au nord, afin d'assister au procès des huit militants. Noureddine Abdelaziz a indiqué à Human Rights Watch que la police avait remis en liberté ce militant, Tarek el Naoui, six heures plus tard, sans retenir de chef d'accusation contre lui.

La loi 91-19 restreint indûment le droit de réunion pacifique en considérant comme illégal le fait d'organiser ou de participer à tout rassemblement public qui n'a pas reçu l'approbation du ministère de l'Intérieur. Le ministère approuve rarement les rassemblements qui ont pour but de critiquer le gouvernement. L'article 97 du code pénal criminalise l'organisation ou la participation à des attroupements non autorisés, même s'ils sont pacifiques, et prévoit une peine pouvant aller jusqu'à un an de prison pour avoir manifesté dans un lieu public.

Ces articles constituent une violation par l'Algérie de ses obligations en tant qu'État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, aux termes desquels l'Algérie est tenue de protéger la liberté de réunion. L'article 21 du PIDCP stipule que:

Le droit de réunion pacifique est reconnu. L'exercice de ce droit ne peut faire l'objet que des seules restrictions imposées conformément à la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l'intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l'ordre public ou pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les droits et les libertés d'autrui.

« Le gouvernement algérien devrait promouvoir les droits des travailleurs, au lieu de se servir de lois archaïques pour réprimer les personnes qui osent se livrer à des manifestations pacifiques », a conclu Eric Goldstein.
https://www.ifex.org/algeria/2015/02/24/labour_rights_activists_persecuted/fr/

mercredi 4 mars 2015

Selon John Sawers, ex-patron du MI6, la guerre contre la Russie n'est qu'à ses débuts

John Sawers, patron du MI6 jusqu’en Novembre 2014, annonce clairement les choses, sans langue de bois ni faux semblants, avec le cynisme et la morgue qui caractérisent les dirigeants et hauts fonctionnaires britanniques. Pour lui, la Russie représente une menace pour la Grande-Bretagne. « Le danger de la Russie est imminent», dit-il, selon la chaine de télévision al-Arabiya.

Le fait que Moscou soutienne les indépendantistes de Novorussie est, selon Sawers, une preuve claire de « l’ambition de la Russie d’accroître son influence dans les Balkans au détriment des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne ». Notez bien qu’il dit « au détriment des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne ». Ni l’Allemagne, ni la France, ni même l’UE ne sont concernées dans cette histoire. Il s’agit bien de sauvegarder des intérêts extra européens, disons anglo-saxons pour faire court.

« Le gouvernement britannique est prêt à défendre ses intérêts. Il doit se préparer à une guerre par procuration tout comme ce qui se passe actuellement en Ukraine. Londres doit renforcer sa défense électronique, car la Russie essaie de développer son influence par de nouvelles méthodes sans entrer en confrontation frontale avec l’Occident », rajoute-t-il.

Il est à noter plusieurs choses dans ces déclarations faites par quelqu’un qui a dirigé le MI6 pendant 5 ans et qui n’est donc pas n’importe qui, bien plus près de la réelle gouvernance que bien des dirigeants mondiaux.

La première remarque est que Sawers ne parle jamais d’intérêts économiques. Il parle d’influence, donc d’hégémonie, là où tout le monde raisonne en termes économiques. C’est une politique constante des gouvernements britanniques au service de la Couronne, pour laquelle la très grande longévité de la reine actuelle est une bénédiction. Combien de présidents, de premiers ministres ou de chanceliers la Reine Elisabeth a-t-elle vu se succéder dans tous les pays du monde ? Elle les a vu défiler les uns après les autres en un carrousel de ce que les peuples appellent « changements » ou même «révolutions » mais qui n’est que la perpétuation de ce dont elle est la gardienne : le libéralisme triomphant. Chef de l’exécutif de plusieurs pays à travers le monde, elle détient les clés de la planète, au service des banques, ou l’inverse, à moins qu’il ne s’agisse d’un pacte gagnant-gagnant.

La deuxième remarque nous mène au cœur des guerres que subit le monde depuis des décennies. Sawers avoue, sans ambages, que la guerre que la Grande Bretagne doit mener contre la Russie se fera par procuration. C’est bien ce qui s’est passé depuis toujours, et continue de se passer sous nos yeux. Dans toutes les guerres actuelles, qu’elles soient pays contre pays ou par mercenaires interposés, on retrouve l’empreinte de ceux qu’on appelle généralement les anglo-saxons, qui ne sont en fait que les britanniques utilisant au maximum, en les mettant en avant au besoin, leurs premiers proxies qui forment le bloc dit « anglo-saxon ». Rompue à ce jeu depuis des siècles, la Grange Bretagne en est maintenant à créer des proxies de proxies, comme on le voit au Moyen-Orient. Israël lui-même est un de ses proxies.

La dernière remarque est le constat amer de John Sawers selon lequel la Russie refuse de se laisser entrainer dans une confrontation avec l’Occident, et qu’elle semble vouloir jouer le même jeu que la Grande Bretagne, ce qui est inacceptable. Puisque Moscou ne veut pas d’une guerre frontale, il faudra lui imposer une guerre asymétrique par procuration. Autant dire que ce n’est pas demain que l’Ukraine retrouvera la paix. Le tour des pays baltes, de la Pologne et des autres pays voisins ne tardera pas à venir, à moins que la Russie et ses alliés ne trouvent des solutions pour enrayer la machine.
Source : Réseau International

Est-il possible de développer un système de trading efficace ? (Seconde Partie)

Est-il possible de développer un système de trading efficace ? (Première Partie)


vendredi 20 février 2015

L'identité d'Al-Baghdadi, chef de Daech

On en sait un peu plus sur l’autoproclamé calife Abou Bakr al-Baghdadi, chef de l’organisation dite Etat islamique, ou Daech… Son profil a longtemps été tenu secret, et bien des aspects de sa vie restent classés confidentiels. Mais son dossier vient d’être déclassifié et publié par le site Business Insider. Qui est donc al-Baghdadi ?

Il y a quelques années, avant de devenir l’un des hommes les plus recherchés de la planète, al-Baghdadi, de son vrai nom Ibrahim Awad Ibrahim Al-Badry, né à Fallujah et non à Samarra comme cela a été souvent relayé, ne répondait pas à ce portrait de chef guerrier sanguinaire, mais était plutôt un secrétaire bien rangé, qui a été arrêté tout à fait par hasard en 2004, par une unité américaine lancée à la recherche d’un proche. Né en 1971, mais la date n’est pas confirmée, celui qui devait devenir l’ennemi public n°1, est resté en prison de février à décembre 2004. Après sa libération, en octobre 2004, al-Baghdadi va à Bagdad (d’où son surnom) pour y terminer sa thèse, qu’il a soutenue en 2007.

Jusqu’à cette année, donc, al-Baghdadi, , exerçait l’honnête profession de secrétaire, bien loin des décapitations et des immolations par le feu. Il travaillait dans un bureau administratif de Falloujah, dans le centre de l’Irak. Après son arrestation, Incarcéré en tant que « civilian detainee » (détenu civil), il fait la connaissance des leaders du futur groupe État Islamique, des détenus membres d’Al-Quaïda et des anciens officiers membres du parti Baas.

Un autre document, relevé par les journalistes allemands, prouve qu’il a été réformé du service militaire pour raison de santé. Un examen médical atteste d’une myopie. Il s’inscrit ensuite à l’université de Bagdad. Etudiant moyen, il commence une formation de droit islamique et pas, comme il le souhaitait, une formation de droit, langue et pédagogie (la trace de sa candidature a été conservée). Il passe son diplôme en 1999, avec un mémoire sur l’art de réciter le Coran, et commence sa thèse. Le rapport établi à son sujet indique qu’il exerce la profession de secrétaire.

Plusieurs années plus tard, période durant laquelle on ne sait rien – ou on ne nous dit rien – l’homme a repris le flambeau de l’ancien terroriste d’al-Qaïda Abou Moussab Zarkaoui, tué par les Américains en 2006. On connaît la suite…
Source: http://www.panorapost.com/qui-est-al-baghdadi-chef-de-daech

mardi 17 février 2015

Pourquoi Daech est-il né chez les Arabes ?

Avec un sang-froid effrayant, terrifiant, 21 hommes de l’organisation Daech ont égorgé 21 Egyptiens coptes sur la côte libyenne. Celui ou celle qui aura eu le courage de visionner la vidéo de très bonne qualité du début à la fin, aura donc vu ces hommes en décapiter d’autres, sans émotion particulière, la main ferme et le cœur bien accroché, ne ressentant aucune pitié et ne faisant montre d’aucune pitié, et d’encore moins de conscience. Cela signifie qu’ils se sont acquittés de leur tâche avec autant de conviction que de bestialité.

On retiendra cette terreur qui se lisait sur les visages des victimes, ces Egyptiens de confession copte venus en Libye pour y chercher une subsistance… Qu’un travailleur de condition si humble se retrouve sous la lame d’un boucher souhaitant adresser un message à l’Occident avec son sang, voilà une lâcheté, ô Daechien, toi qui vient pêcher en eaux troubles et t’acquitter ainsi d’une tâche sans péril en égorgeant une proie facile… une infamie que tu puisses égorger des êtres humains comme des agneaux, une abjection que tu penses aussi à filmer ton acte avec toute cette débauche de technologie, que tu immortalises ton crime pour terroriser tant de gens et que tu en fasses un clip qui fait le tour du monde…

D’où sortent-ils, ces animaux ? Où donc ont-ils été élevés ? Qu’ont-ils appris ? Qui leur a ainsi lavé le cerveau ? Qui leur a inculqué cette violence ? Qui les a convaincus que la décapitation de 21 modestes travailleurs sur une plage méditerranéenne était la bonne manière pour adresser un message politique à l’Europe ou pour se venger de la politique d’Abdelfattah al-Sissi qui a souhaité intervenir dans le chaos libyen pour y régler leur affaire aux islamistes ? Que dira ce meurtrier, demain à ses enfants, s’ils le voient occire de cette façon sordide un homme sans défense, miséreux, émigré, qui n’a que sa force de travail pour subsister ? Qui a donc émis la sentence de mort contre ces pauvres hères ? Quel est cet ouvrage théologique ou juridique qui autorise de tels crimes, qui permet d’égorger des prisonniers de guerre ? Et quelle guerre ? Les Coptes venus en Libye pour y travailler étaient-ils des combattants, des soldats ?

Autant de questions existentielles, perturbantes, douloureuses, qui s’imposent… Une fois que les hommes auront condamné ces actes odieux commis avant-hier sur la plage libyenne, la même question, lancinante, revient dans les esprits : D’où sortent ces tueurs, ces bêtes immondes ?

Pour quelle raison Daech n’est-elle pas née en Malaisie, en Inde ou en Indonésie, ces pays où il existe plus de musulmans que chez les Arabes ? Pourquoi ces nations n’ont-elles pas enfanté ces Daechiens à l’image des nôtres ? Pourquoi ces tortionnaires sont-ils originaires des terres arabes ? C’est LA question qui se pose et se posera encore et encore…

La plupart des Daechiens viennent aujourd’hui d’Irak, de Syrie, d’Arabie Saoudite, de Tunisie, du Maroc, du Yémen, d’Egypte, d’Algérie, du Koweït, de Mauritanie… et cela signifie que tous ces pays, Etats et sociétés, sont aujourd’hui sur le banc des accusés pour être le berceau de ces criminels et le terreau du terrorisme ; ces sociétés ne disposent d’aucune immunité à offrir à leurs populations contre le virus tueur.

Et donc, une fois encore, encore une fois, nous le redisons… Ce sont les autocraties, la corruption, la violation des droits de l’Homme, l’avancée du chômage et des disparités sociales, l’échec des politiques d’enseignement, la confusion entre la politique et la religion, la place qu’occupent les services et la répression dans l’administration des peuples, l’absence de diversité, de liberté, de droit à la différence… ce sont tous ces facteurs qui transforment nos sociétés et nos pays en pépinières d’extrémistes, de fondamentalistes et de terroristes…

Savez-vous que la première organisation mise sur pied par Oussama Ben Laden, à son retour d’Afghanistan au début des années 90, s’appelait l’Instance pour le Conseil, que son unique souhait était de prodiguer ses recommandations à son prince ? S’il existait un parlement en Arabie Saoudite, nul doute que ben Laden serait devenu un opposant, un simple opposant, et qu’il n’aurait jamais pensé à créer al-Qaïda, idée qui lui est venue après avoir été chassé de son pays, traqué par les services de son pays jusqu’au Soudan, puis en Afghanistan. Là, sur cette terre, Ben Laden avait entrepris de regrouper les anciens moudjahidine arabes, en compagnie du Dr Aymane ad-Dawahiri qui avait à son tour fui l’Egypte, imbu d’une pensée et d’une idéologie antioccidentales… On connaît la suite. Et donc, le remède contre Daech ne pourra se trouver que sur cette terre qui vu pousser cet arbre maudit.

Un récent sondage réalisé par le Centre arabe des recherches et études politiques et portant sur la popularité de l’organisation dite Etat islamique a montré qu’entre 12 et 14% des Arabes éprouvent de la sympathie pour ce groupe barbare et comprennent son action… Une proportion énorme et effrayante, si l’on considère la nature et la bestialité de l’organisation d’al-Baghdadi.
Par Taoufiq Bouachrine
Akhbar Alyoum